Le surmédiatisé ballon « espion » qui n’espionnait pas


Par Moon of Alabama – Le 30 juin 2023

En ce qui concerne la Chine, le président Joe Biden déclarait le 30 juin 2023 :

Et la raison pour laquelle Xi Jinping a été très contrarié lorsque j’ai abattu ce ballon qui contenait deux containers remplis de matériel d’espionnage, c’est qu’il ne savait pas qu’il était là. Non, je suis sérieux. C’est ce qui embarrasse beaucoup les dictateurs, lorsqu’ils ne savent pas ce qui s’est passé. Cet avion n’était pas censé aller là où il était. Il a dévié de sa trajectoire en passant par l’Alaska, puis par les États-Unis. Et il n’était pas au courant. Lorsqu’il a été abattu, il était très embarrassé. Il a nié que le ballon était là.

J’ai commenté cela :

Biden reconnaît que le ballon météorologique a été « dévié de sa trajectoire » et réfute ainsi les affirmations précédentes selon lesquelles il était dirigeable. La Chine n’avait pas l’intention de laisser le ballon traverser le Canada et les États-Unis. Et s’il y avait vraiment eu « deux containers remplis de matériel d’espionnage » à bord du ballon, pourquoi les États-Unis n’en ont-ils rien montré ?

Pourquoi un président des États-Unis ou de la Chine devrait-il savoir qu’un ballon météorologique flotte quelque part ?

Xi a été gêné par le cirque que les États-Unis ont fait autour de cette affaire ?

A qui Xi a nié que le ballon était là ? Et comment les États-Unis pouvaient le savoir ?

Il y avait tellement de doutes autour de ces allégations de « ballon espion » que, dès le début, j’ai dit que tout cela était de la foutaise :

4 février – L’annulation du voyage de Blinken en rajoute à la haine envers la Chine

6 février – Le NYT fait de fausses déclarations sur la façon dont la Chine explique l’histoire du ballon

8 février – La Chine rejette l’attitude consistant à « tirer d’abord, parler ensuite« 

11 février – L’armée de l’air a dépensé des millions pour abattre un ballon météorologique américain en panne. Mais Biden est content

15 février – Après dix jours de battage médiatique, les absurdités autour des ballons météorologiques sont enfin enterrées

18 février – D’autres nouvelles sur les ballons

Mais l’administration Biden a créé un scandale à propos du ballon météo flottant au hasard. Elle s’est ainsi exposée aux critiques des faucons des partis Démocrate et Républicain. Elle a annulé, sans nécessité, la mission prévue du secrétaire d’État Anthony Blinken en Chine.

Eh bien, il s’avère que tout cela était faux, comme je l’avais prétendu.

Hier, le Wall Street Journal titrait :  » Le ballon chinois utilisait de la technologie américaine faite pour surveiller les Américains » :

Les premières constatations américaines montrent que l’engin a recueilli des photos et des vidéos, mais ne semble pas les avoir transmises, affirment les autorités.

Le « ballon espion » n’espionnait pas du tout. Il était équipé d’une caméra fabriquée aux États-Unis dans tel ou tel but (orientation de la navigation ?) et ne transmettait aucune image :

L’équipement américain était associé à des « capteurs chinois plus spécialisés et à d’autres équipements » dans le but de prendre des photos et de capturer des vidéos et d’autres informations à transmettre à Pékin, selon le Journal.

Malgré les capacités de surveillance du ballon espion, le ministère de la défense ne pense pas que celui-ci ait recueilli des données pendant qu’il survolait le territoire américain, a déclaré jeudi le secrétaire de presse du Pentagone, le général de brigade de l’armée de l’air Pat Ryder.

Via Reuters, le Pentagone a confirmé que le « ballon espion » n’était qu’un ballon qui n’espionnait pas du tout :

Un ballon espion chinois qui a survolé les États-Unis au début de l’année, avant d’être abattu, n’a pas recueilli d’informations pendant qu’il traversait le pays, a déclaré le Pentagone jeudi.

« Nous estimons qu’il n’a pas collecté d’informations pendant qu’il survolait les États-Unis« , a déclaré à la presse le porte-parole du Pentagone, le général de brigade Pat Ryder.

Le ballon a survolé les États-Unis et le Canada pendant une semaine avant que l’armée américaine ne l’abatte au large de la côte atlantique sur ordre de Joe Biden.

Biden avait déjà confirmé que le ballon avait été « dévié par le vent », ce qui avait été immédiatement clair pour moi et pour toute personne capable de consulter et de comprendre les cartes météorologiques des systèmes de pression et de la direction et de la force des vents atmosphériques.

Le ballon n’était pas non plus un dispositif d’espionnage car il existe de toute évidence de bien meilleurs moyens, comme les satellites, d’obtenir des informations plus précises qu’un ballon météorologique flottant au hasard ne pourra jamais en capter.

L’administration Biden utilise intentionnellement le racisme anti-asiatique pour créer un « ennemi » en alléguant que les Chinois commettent des erreurs dans tel ou tel domaine ou dans n’importe quel autre domaine flottant au hasard à l’horizon. Dans le même temps, elle copie les politiques chinoises qu’elle avait précédemment critiquées :

Les Bidenomics semblent de plus en plus susceptibles de jouer un rôle central dans la campagne présidentielle de 2024 du président américain Joe Biden. Lors d’un discours prononcé le 28 juin à Chicago, il a soutenu en grande pompe la « politique industrielle » en tant que pièce maîtresse de sa stratégie économique.

Pour les États-Unis, il y a une certaine ironie, voire une hypocrisie, à considérer la politique industrielle comme une stratégie efficace pour contrer la Chine. Washington critique depuis longtemps la politique industrielle chinoise, qu’elle considère comme l’un de ses plus grands péchés anticoncurrentiels. Il s’agissait d’une allégation clé dans le rapport Section 301 de l’administration Trump de mars 2018, qui est rapidement devenu la preuve fondamentale pour appliquer des droits de douane et lancer la grande guerre commerciale qui allait suivre. Le rapport de la Section 301 affirme que la Chine est la seule à s’appuyer sur les subventions et le ciblage de la politique industrielle – une conclusion que j’ai vivement contestée dans le chapitre 4 de Accidental Conflict, dans lequel j’ai présenté des preuves d’un héritage de stratégies de politique industrielle au Japon, en Allemagne et, oui, aux États-Unis. Aujourd’hui, l’administration Biden, qui a approuvé la plupart des tactiques de la guerre commerciale de Trump contre la Chine, adopte la même approche de politique industrielle que la Chine pratique depuis longtemps.

L’imitation est la forme la plus sincère de flatterie. Faire comme la Chine, parce que ce qu’elle fait est une réussite, est désormais la nouvelle norme.

Le prochain : Un ballon météorologique américain, avec à son bord une caméra chinoise hors d’usage, traverse involontairement la Chine. « U.S.A., U.S.A., … »

Malheureusement, les États-Unis ne sont pas doués pour imiter les politiques chinoises :

 [Ce que j’essaie de dire ici, c’est que les deux approches reposent sur la capacité du gouvernement à cibler les soi-disant industries vitales et stratégiques de l’avenir. Le Japon a lamentablement échoué dans ce domaine, et les États-Unis ne se sont pas vraiment distingués la dernière fois qu’ils ont essayé – ironiquement en visant la même industrie des semi-conducteurs qui fait l’objet de toute l’attention aujourd’hui. En effet, l’échec de l’initiative Sematech de la fin des années 1980, alors largement saluée, semble pratiquement oublié.

À bien des égards, l’économie américaine se porte bien. La compétitivité, cependant, reste toujours un défi majeur. Les « Bidenomics » visent à relever ce défi majeur, un objectif que j’applaudis certainement. Mais la politique industrielle, l’une des tactiques caractéristiques de la Chine que nous avons nous-mêmes tant critiquée, est-elle vraiment le meilleur moyen d’y parvenir ?

L’argent du contribuable que Biden fournit maintenant aux industries est susceptible de faire grimper le cours des actions et les salaires des PDG par le biais de grands projets à la con tels que les algorithmes de reconnaissance (garbage in-garbage out) qui sont vendus au public sous le nom d’Intelligence Artificielle.

Après toutes les promesses et tous les investissements antérieurs, existe-t-il aujourd’hui un véhicule de conduite autonome dont on peut être sûr qu’il ne fera pas de mal ? Non ?

Eh bien, préparez-vous à un nouveau matraquage publicitaire sur ces sujets.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

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