Le New York Times fait de fausses déclarations sur la façon dont la Chine explique l’histoire du ballon


Par Moon of Alabama – Le 6 février 2023

Le New York Times a publié une étrange “analyse d’informations” de David Sanger, son correspondant à la Maison Blanche et à la sécurité nationale, quelque peu néoconservateur, à propos du récent incident provoqué par un ballon-sonde chinois. Sanger affirme que la Chine n’a pas réussi à s’expliquer sur cette affaire :

Au-delà du spectacle créé pour les journaux télévisés, l’incident en dit long sur le manque de communication entre Washington et Pékin, près de 22 ans après que la collision d’un avion espion américain et d’un chasseur chinois à environ 70 miles de la côte de l’île de Hainan ait conduit les deux parties à promettre d’améliorer leur gestion des crises.

Il ne s’agissait pas d’une crise mettant en danger la vie de personnes. Mais le fait que les responsables chinois, se rendant compte que le ballon avait été repéré, n’aient pas appelé pour trouver un moyen de gérer l’affaire est révélateur.

Ce type de problème était censé être résolu après la collision, en 2001, d’un avion espion EP-3 et d’un chasseur chinois, qui a entraîné la chute des deux appareils. Pendant plusieurs jours après cet incident, le président George W. Bush n’a pas pu joindre les dirigeants chinois au téléphone. Les efforts du secrétaire d’État de l’époque, le général Colin Powell, ont également échoué. “On s’est demandé ce qui pourrait se passer en cas de crise plus grave“, a déclaré plus tard le général Powell.

Par la suite, des lignes directes ont été mises en place et des promesses ont été faites pour améliorer la communication. De toute évidence, ces promesses n’ont pas été tenues. Lorsque le ballon a été abattu, la Chine a publié une déclaration disant que “pour les États-Unis, insister sur l’utilisation de forces armées est clairement une réaction excessive“.

On se demande comment Sanger peut affirmer qu’il y a eu un manque de communication alors que la partie chinoise insiste, preuves à l’appui, sur le fait qu’elle a en fait beaucoup communiqué. Comme l’écrit le Global Times :

Le ministère chinois des Affaires étrangères a exprimé un fort mécontentement et a protesté contre l’utilisation de la force par les États-Unis pour abattre un dirigeable civil chinois sans pilote, exhortant les États-Unis à gérer correctement l’incident.

La partie chinoise a vérifié la situation et a communiqué avec la partie américaine à plusieurs reprises, affirmant que l’entrée involontaire du dirigeable dans l’espace aérien américain était due à un cas de force majeure et que l’incident était totalement un accident, a déclaré le ministère.

Le ministère chinois des affaires étrangères affirme la même chose :

La Chine désapprouve fortement et proteste contre l’attaque physique des États-Unis contre un dirigeable civil sans pilote. La partie chinoise a, après vérification, informé à plusieurs reprises la partie américaine de la nature civile du dirigeable et a fait savoir que son entrée aux États-Unis en raison d’un cas de force majeure était totalement imprévue. La partie chinoise a clairement demandé à la partie américaine de gérer cette affaire de manière calme, professionnelle et avec retenue.

La Chine a donc bel et bien communiqué avec les États-Unis et discuté du problème.

Son affirmation selon laquelle le ballon a dévié de sa trajectoire de manière imprévue est d’ailleurs tout à fait correcte. Les États-Unis ont longtemps suivi le ballon au-dessus de l’Alaska et du Canada et ont été également surpris lorsqu’il a soudainement tourné vers le sud :

Un autre responsable américain a déclaré que les agences de renseignement ont commencé à suivre le ballon il y a plusieurs jours, peu de temps après qu’il ait quitté la Chine et commencé sa dérive contrôlée vers les îles Aléoutiennes en Alaska. Le responsable a déclaré que les traqueurs américains ont continué à surveiller le ballon alors qu’il traversait le Canada en direction de la partie continentale des États-Unis, et ont été surpris lorsqu’il a traversé l’espace aérien américain.

La cause de ce virage surprenant la semaine dernière était un vortex polaire au-dessus du Canada qui a également apporté une vague de froid dans le nord-est :

Nous connaissons ce sentiment lorsque l’hiver s’installe et que nous avons des journées interminables en dessous des normales saisonnières. Lorsque cela se produit, le courant-jet est fortement amplifié par des mécanismes de blocage pour emprisonner le froid.

Nous nous tournons souvent vers le Groenland pour trouver un fort blocage, mais ce n’était pas le cas. Le lobe du vortex polaire stratosphérique était libre de traverser l’est du Canada, mais il s’est rapidement retiré. Une crête de haute pression l’a remplacé, provoquant une hausse des températures aussi rapide que leur baisse.

Ces phénomènes météorologiques inhabituels se produisent de temps à autre, mais sont difficiles à prévoir :

La seule certitude cet hiver est un vortex polaire (VP) étiré qui favorise une configuration froide à l’est des Rocheuses en Amérique du Nord. Un autre VP étiré se produit cette semaine, le froid arrivant ce week-end dans le nord-est des États-Unis. Mais autrement, l’impact le plus durable sera un froid généralisé au Canada et dans le centre et l’ouest des États-Unis. Mais beaucoup d’incertitude entoure cet événement et les événements ultérieurs, donc mon meilleur conseil continue d’être “la tendance est votre amie“.

Le ballon se dirigeait vers l’est au-dessus du nord-ouest du Canada lorsqu’il a été frappé par des vents exceptionnels soufflant vers le sud.

Le fait que ce ne soit qu’un phénomène météorologique exceptionnel, la semaine dernière, qui ait poussé le ballon à traverser les États-Unis rend peu probable qu’il ait été destiné à espionner les États-Unis proprement dits.

La Chine a également déclaré avoir renvoyé l’homme responsable de l’incident, bien que cette affirmation ne soit probablement pas totalement crédible :

Les médias d’État chinois ont annoncé samedi que le chef du service météorologique du pays avait été relevé de ses fonctions, dans un geste considéré par certains analystes comme une tentative de consolider la position de Pékin selon laquelle le ballon à haute altitude était de nature civile et servait principalement à des fins météorologiques.

Zhuang Guotai était à la tête de l’Administration météorologique chinoise jusqu’à vendredi, mais son départ de ce poste n’était pas inattendu. Fin janvier, Zhuang a été élu à la tête du Comité consultatif politique du peuple de la province occidentale du Gansu, l’organe consultatif politique provincial.

L’incident s’est manifestement produit par accident et a été monté en épingle par l’administration Biden à des fins politiques :

Cependant, la veille, vendredi, la Maison Blanche a brusquement annoncé le report d’une importante visite de deux jours à Pékin du secrétaire d’État Antony Blinken (au cours de laquelle il devait rencontrer le président Xi Jinping).

Biden a pris ces mesures extrêmes en dépit du plaidoyer de la Chine, qui a affirmé qu’il s’agissait “d’une situation tout à fait imprévue due à un cas de force majeure et que les faits étaient très clairs” et que Pékin avait même exprimé des “regrets” (ce qui équivaut à faire amende honorable, comme diraient les Français).

En outre, il y a même eu une conversation, vendredi, entre Blinken et Wang Yi, directeur du bureau de la Commission des affaires étrangères du Comité central du Parti communiste chinois. Le compte-rendu de Pékin a noté que les deux hauts fonctionnaires “ont communiqué l’un avec l’autre sur la façon de faire face à un événement fortuit de manière calme et professionnelle“.

Les premiers communiqués de presse du ministère chinois des affaires étrangères (ici et ici) étaient dans un esprit manifestement conciliant. Mais Blinken a choisi de faire de la figuration et a adopté une posture dure en qualifiant cet incident d'”acte irresponsable et de violation manifeste de la souveraineté des États-Unis et du droit international qui compromet l’objectif” de son prochain voyage à Pékin.

L’objectif du voyage de Blinken en Chine était de trouver un moyen de briser l’axe Chine-Russie. Mais une récente visite de l’adjoint du ministre chinois des affaires étrangères en Russie avait déjà montré que toute tentative de ce type était vouée à l’échec :

De toute évidence, l’administration Biden s’est rendu compte que l’un des principaux objectifs du voyage de Blinken à Pékin, à savoir l’affaiblissement de l’axe sino-russe, était voué à l’échec. Les efforts soutenus des États-Unis pour faire du conflit ukrainien un outil de sabotage des relations sino-russes ont échoué de manière spectaculaire. Les liens économiques et militaires entre Pékin et Moscou ne font que se renforcer. La visite attendue du président Xi Jinping en Russie au printemps annonce la trajectoire ascendante régulière de ce partenariat “sans limites”.

L’intimidation prévue de la Chine par un Blinken en visite s’est avérée inutile et c’est la véritable raison pour laquelle on a annoncé qu’un tel voyage n’aurait pas lieu et pour faire exploser le ballon :

L’affaire du ballon peut être considérée comme un moment décisif. Elle révèle que si la Chine abordait la visite de Blinken de bonne foi dans le but de trouver des moyens constructifs d’avancer, Washington ne voyait pas les choses de la même manière. Cela dit, Pékin ne se faisait pas d’illusions non plus.

La fausse affirmation du New York Times selon laquelle la Chine n’a pas communiqué pendant l’affaire du ballon doit être considérée comme faisant partie de la manœuvre de Blinken pour pousser à plus d’hostilité envers la Chine. “S’ils n’ont pas réussi à s’expliquer, c’est qu’ils doivent être coupables de quelque chose“. Mais la Chine a bel et bien communiqué et ce sont les États-Unis qui sabotent les relations entre les deux pays.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

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2 réflexions sur « Le New York Times fait de fausses déclarations sur la façon dont la Chine explique l’histoire du ballon »

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