Février 2015 – UN LIVRE BLANC de Vineyard of the Saker
Note du Saker Francophone
Compte tenu de l’importance de ce document, de par son intérêt et son ampleur, j’ai décidé de le fractionner en plusieurs articles:
1. Le contexte – La Chine et la nouvelle donne en Ukraine
2. Les hélices – Ressources de base, technologies militaires
3. Les hélices – Ressources Financières, autres technologies
4. Politique et alliances
5. L’avenir et les états voisins
Troisième partie: Les hélices – Ressources Financières, autres technologies
Étant donné la nature et l’envergure des interactions entre la Chine et la Russie, il est évident que la Chine a décidé d’assurer le fondement de l’économie russe. Tout comme la Réserve fédérale a secrètement sauvé les systèmes bancaires de l’UE par le recours à l’assouplissement quantitatif et l’envoi de fonds à des banques choisies dans l’UE, la Chine fait de même pour la Russie durant le régime de sanctions. Au lieu de créer de la dette, elle procède à des échanges de devises et fournit des liquidités aux grandes entreprises, elle prend une participation dans des entreprises publiques, elle offre des prêts et des avances pour faire des affaires à la fois en Russie et entre la Russie et la Chine.
Trois plaies affligeaient l’économie russe. Tout d’abord, avant les sanctions, il y avait une fuite sévère des investissements étrangers. Deuxièmement, les sanctions ont aggravé la perte de l’investissement en capital et entraîné un resserrement du crédit. Troisièmement, la baisse du prix du pétrole s’est répercutée sur le rouble. Ainsi, la perte de crédit, la perte de liquidités, la diminution des recettes fiscales et une monnaie affaiblie ont ralenti la croissance et produit de l’inflation en Russie.
La capacité de la Chine
La Chine a une richesse suffisante pour gérer ces questions à court terme. Les réserves et les stocks d’or de la Russie, ses ressources naturelles et sa propriété intellectuelle représentent des garanties en cas d’imprévu. La taille de l’économie russe (PIB) est comparable à la somme de trois provinces de Chine, Guangdong, Jiangsu et Shanghai, prises comme un tout. La Chine compte trente-et-une provinces et régions autonomes. Ainsi, la création d’un plancher économique pour la Russie en tant que force de réserve est facile pour les Chinois.
Alors que la Russie se tourne vers l’Est pour trouver des marchés et du financement, le premier ministre Li a indiqué le 13 octobre 2014 que «la Chine pourrait être en mesure de contribuer à atténuer les dommages causés par les sanctions, mais que son intervention est loin de suffire complètement à la tâche».
L’intention est claire. La Chine a besoin de la Russie, et pas seulement du gaz et du pétrole russes.
Les devises: Un contrat d’échange de devises, signé par le premier ministre Li le 13 octobre 2014 pour une durée de trois ans et avec possibilité de renouvellement. Les yuans et les roubles seront utilisés pour le règlement des opérations commerciales. Cet accord renforce le yuan en tant que monnaie internationale, de même que le rouble russe. Il accroît aussi l’influence des nations BRICS sur le secteur financier international, car il diminue l’utilisation du dollar pour les échanges.
La Sberbank finance des lettres de crédit en yuans auprès des entreprises russes, ce qui renforce la sécurité grâce à la diversification des monnaies. Les bourses de Moscou et de Shanghai sont jumelées depuis décembre 2010. Auparavant, les entreprises russes utilisaient le dollar de Hong Kong et le yuan.
Les banques: Accord entre la banque russe VTB Bank et la Banque de Chine. Les banques VTB, VEB et la Banque russe pour l’agriculture, toutes touchées par les sanctions, ont signé un accord cadre avec l’ExportImport Bank de Chine afin d’ouvrir des lignes de crédit.
Les cartes de crédit: L’Union Pay chinoise a remplacé les cartes Visa et Mastercard, et ce tandis que la Russie développe son propre système de carte de crédit de marque nationale. Le système de carte de crédit russe UEC (carte électronique universelle) ne sera pas prêt avant 2017.
Les finances: La Banque de développement de Chine a accepté de financer l’opérateur russe de téléphonie mobile MegaFon par une avance de 500 millions de dollars. Elle a aussi convenu d’un financement annuel du réseau russe de 1 milliard de dollars.
La participation au capital des IDE (investissements directs étrangers): Une participation aux terminaux de gaz naturel liquéfié de Gazprom à Vladivostok; et les actions achetées par la CNPC du producteur de pétrole Rosneft. Nouvelle privatisation d’une partie de Rosneft, peut-être jusqu’à 9 %. La Chine en détient déjà 0,6 % depuis 2006. Non seulement les entreprises publiques, mais aussi les grandes sociétés privées et les entrepreneurs, sont prêts à investir des capitaux en Russie.
La Russie est considérée comme l’une des plus grandes économies (en dépit des sanctions, de la chute du rouble, des menaces et des faiblesses dues à la vodka) par les principaux analystes et les gourous de l’investissement. On prévoit que la Russie affichera des taux de croissance du PIB qui semblent aujourd’hui impensables (5 ou 6 %) dans quater, cinq ou six ans. La Chine amorcera ces grands secteurs économiques et obtiendra d’excellents rendements sur ses investissements. Plus tard, dans dix à quinze ans, la Russie sera robuste et stable, elle aura des perspectives de croissance et une gamme diversifiée de produits et de services, et disposera d’un marché eurasien voisin facile à satisfaire.
Les véhicules motorisés: Une usine de Great Wall Motors de la région centrale de Toula en Russie construira chaque année 150 000 véhicules Haval à quatre roues motrices. Il s’agit d’un investissement de 522 millions de dollars par année qui créera 2 500 emplois.
Technologies pétrochimiques: La construction conjointe à Shanghai d’une usine de production de caoutchouc par les entreprises pétrochimiques Sibur et Sinopec, qui utiliseront pour ce faire des technologies russes. Répartition selon un ratio de 25,1 % à 74,9 % entre la Russie et la Chine. On prévoit aussi le transfert de technologie. Les deux pays ont déjà coopéré à Rasnoyarsk pour la production de caoutchouc en Sibérie. La répartition y est de même proportion, mais inversée en faveur de la Russie. Le caoutchouc produit sera livré à la Chine.
La construction: Ponts et voies de transport à la frontière russo-chinoise. Les sociétés de chemins de fer Russian Railways et China Railway Corp. ont passé des accords portant sur les centres logistiques, le développement du trafic passager et la réduction des tarifs.
Infrastructure: Projet de train à grande vitesse sur 770 km, de Moscou à Kazan. À terme, il reliera Pékin. Le pendant chinois reliera Pékin à Urumqi, au Xinjiang.
Des travaux de prolongement du métro de Moscou seront effectués par des investisseurs chinois dans le district de Nouveau Moscou. Le contrat, d’une valeur totale de 10 milliards de dollars, a été signé le 19 mai 2014; les travaux permettront de prolonger le métro sur une distance de 150 km et de construire 70 stations. Il s’agit d’un projet de partenariat majeur d’investissement étranger réunissant Mosinzhproekt, la China Railway Construction et le China International Fund.
Logement: Construction de 460 000 unités de logement (superficie de 25 millions de mètres carrés) dans le cadre du programme de logement de la famille russe sous la responsabilité du ministère responsable de la construction, du logement et des services publics; la décision a été prise le 25 juin 2014. Les pourparlers ont débuté en Chine en mai 2014.
Région de Kostroma: Intérêt de la Chine pour les secteurs de la joaillerie, de l’agriculture et du traitement du bois. Les investisseurs et les fabricants des provinces de Shandong et du Guangdong ont effectué des visites. Des travaux visant l’organisation des entreprises agricoles modernes, le développement de l’agrotourisme et de la logistique sont en cours.
Il y avait donc nécessité organique pour un changement évolutif dans la relation entre la Chine et la Russie. Les échanges de matières premières et d’énergie entre les deux pays se chiffrent annuellement à 40 milliards de dollars, mais passeront maintenant à 200 milliards de dollars. Le commerce entre les deux pays se chiffre à 90 milliards de dollars. Par comparaison, le commerce avec l’UE est de 413 milliards de dollars. La Chine est menacée par sa dépendance vis-à-vis de l’UE. Le ralentissement économique de la Chine est dû entièrement au fait que l’UE est généralement en récession.
À mesure que la Russie se développera et que le commerce s’accroîtra, la Chine profitera d’une économie sur laquelle elle pourra influer et qu’elle pourra partiellement gérer à distance, en particulier dans ses secteurs de croissance et d’innovations technologiques. Ces secteurs et innovations stimuleront la croissance interne de la Chine, ce qui est conforme à son plan quinquennal visant à substituer le développement interne à sa dépendance aux exportations. Cela contribuera à stabiliser l’économie chinoise.
Larchmonter 445
Traduit par Jacques B. et Richard S., relu par jj et Diane pour le Saker Francophone
A suivre… 4e partie: Politique et alliances régionales
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