Par Moon of Alabama – Le 20 avril 2018
Après la libération de Douma par l’armée syrienne, les zones tenues par les Takfiris près de la capitale Damas sont rapidement tombées. Les combattants de Jaish al-Islam à Dumayr, au nord-est de Damas, se sont rendus sans se battre. Comme d’habitude, les Takfiris ont été transférés dans le gouvernorat du nord-ouest de l’Idleb détenu par al-Qaïda et d’autres forces soutenues par la Turquie. La ville de Dumayr contrôle l’autoroute de Damas à Bagdad. Les négociations sur la capitulation du Qalamoun oriental voisin sont en cours.
L’ancien camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk se trouve dans la banlieue du sud de Damas. Une partie était aux mains d’al-Qaïda et une autre était contrôlée par un groupe d’État islamique. Le gouvernement syrien a offert à ces groupes de les évacuer mais ils ont refusé. Hier, l’armée syrienne a lancé un barrage d’artillerie massif et les forces aériennes russes et syriennes ont largué des bombes sur le quartier. Aujourd’hui, vingt-quatre heures plus tard, les Takfiris ont abandonné le combat. Les militants alignés sur al-Qaïda seront évacués vers Idleb, le groupe aligné sur État islamique vers le désert syrien oriental.
Avec chaque élimination d’une poche « rebelle », l’armée syrienne gagne en force. Les dix mille soldats qui étaient nécessaires pour encercler les zones tenues par les Takfiris autour de Damas et les garder sous contrôle sont maintenant libres de se battre ailleurs. Une partie des combattants qui n’ont pas voulu être évacués se sont également joints aux forces gouvernementales.
L’évacuation de nombreux militants vers le nord-ouest pourrait s’avérer problématique par la suite. Ils finiront par passer sous contrôle turc et pourraient être utilisés par les Turcs pour s’emparer d’Alep. Mais pour l’instant, ils se livrent des luttes intestines. Al-Qaïda en Syrie, maintenant rebaptisée Hay’at Tahrir al-Sham (HTS) se bat avec d’autres groupes pour le contrôle de la région. Au cours des derniers mois, environ un millier de combattants se sont entretués, 3 000 ont été blessés et beaucoup de leurs armes lourdes ont été détruites. Le gouvernement syrien espère bien que ces luttes intestines vont se poursuivre un certain temps.
Lorsque toutes les zones encerclées sur le territoire tenu par le gouvernement seront consolidées, l’armée syrienne se déplacera vers les frontières du sud. La zone autour de Deraa jusqu’au plateau du Golan occupé par Israël et à la frontière jordanienne est entre les mains de divers groupes de combattants. Comme dans le nord, les luttes intestines entre rebelles sont fréquentes. Il y a deux jours, un groupe aligné sur État islamique a tenté de prendre le contrôle de certains villages à l’est de Deraa qui étaient tenus par un autre groupe local. Les combats se poursuivent depuis lors et les deux camps s’affaiblissent. On peut se demander combien de ces combats entre rebelles sont déclenchés par des agents secrets syriens infiltrés.
Ce qui pose le plus de problèmes à l’opération de l’armée syrienne dans le sud c’est l’approvisionnement et le soutien d’Israël à un certain nombre de groupes terroristes de la région. Si Israël intervenait sous quelque forme que ce soit dans l’opération syrienne de libération de la région, le combat pourrait facilement dégénérer en une guerre plus large.
La ville détruite de Raqqa, à l’est, est en train de devenir un casse-tête pour les forces d’occupation américaines. Les États-Unis ont plus ou moins forcé des troupes kurdes à attaquer la ville. Ça n’a pas été vraiment un combat d’infanterie. Tout ce qui bougeait était bombardé depuis les airs ou le sol. Le seul bataillon d’artillerie américain qui couvrait la ville a tiré plus de 35 000 obus de 155 mm au cours des cinq mois de l’opération. Aujourd’hui, quelque 80% des bâtiments de Raqqa sont complètement détruits. Le reste est habitable.
La ville n’a pas d’eau, ni d’électricité. Les États-Unis ont affirmé que 2 500 militants d’EI se trouvaient dans la ville lorsque les combats ont commencé. En fin de compte, les États-Unis ont laissé au moins 500 d’entre eux quitter la ville et aller plus à l’est combattre l’armée syrienne. Ils ont aussi prétendu que seulement 30 civils avaient été tués lors de leur attaque. C’est évidemment absurde. Au moins 2 000 cadavres ont été retrouvés jusqu’à présent et on évalue à 6 000 le nombre de corps encore sous les ruines. Et on en trouvera sans doute plus. L’administration locale n’a ni l’équipement, ni les moyens, de les dégager. Les États-Unis n’ont aucune envie de dépenser de l’argent pour la ville qu’ils ont détruite et les seigneurs de guerre kurdes qui occupent maintenant la ville n’ont ni la capacité, ni l’envie, d’aider ses habitants arabes. La population qui est revenue dans la ville est hostile aux États-Unis et aux Kurdes. Elle veut revenir sous le contrôle du gouvernement syrien.
Plus à l’est, à la frontière syrienne irakienne et au nord de l’Euphrate, il y a quelque 3 000 à 5 000 combattants d’EI que les États-Unis n’attaquent pas. En fait les États-Unis ont empêché les troupes du gouvernement syrien qui contrôlent la zone située au sud de l’Euphrate d’attaquer les forces d’EI. Mais ni la Syrie ni l’Irak ne peuvent laisser perdurer cette poche de l’EI. Hier, une réunion du haut commandement s’est tenue dans la salle d’opération de Bagdad, où les commandants russes, iraniens, syriens et irakiens organisent des opérations communes contre EI. Peu après, un avion irakien a attaqué une réunion du commandement d’EI près de Hajin en Syrie. La frappe a été approuvée par le gouvernement syrien. Les forces gouvernementales syriennes ont reconstruit un pont militaire qui leur permettra de traverser l’Euphrate lors d’une opération future. Plusieurs bataillons, dont des troupes auxiliaires sous commandement iranien, sont prêts à attaquer. Les États-Unis les bombarderont-ils lorsqu’ils traverseront la rivière ? Ou bien vont-ils s’en abstenir et laisser les troupes syriennes bénéficier du soutien aérien irakien ?
Les néo-conservateurs ne cessent d’insinuer que la Syrie fabrique toujours des armes chimiques et qu’il y en a dans tout le pays.
« Les analyses étasuniennes qui ont suivi les frappes des missiles américains, britanniques et français sur la Syrie, ont montré que ces frappes n’ont eu qu’un impact limité sur la capacité du président Bachar al-Assad à mener des attaques à l’arme chimique » ont déclaré quatre responsables américains à Reuters.
(…)
« Les responsables américains, qui ont parlé sous couvert de l’anonymat, ont déclaré que les renseignements disponibles indiquaient que les stocks de produits et précurseurs chimiques d’Assad étaient disséminés dans bien d’autres endroits que les trois cibles. »
C’est bien sûr complètement faux. La Syrie a renoncé à ses armes chimiques en 2013 et l’OIAC a confirmé que tous les stocks d’armes et précurseurs chimiques ont été détruits et que tous les laboratoires et les installations de production ont été démantelés.
Ce nouveau conte de fées sur les armes chimiques d’Assad a pour but de servir de prétexte à une nouvelle campagne de bombardement plus importante contre la Syrie. Un faux prétexte qui s’appuie sur une fausse « attaque chimique » à Douma.
Rien n’indique qu’une « attaque chimique » ait eu lieu à Douma. Tout ce qu’ont les gouvernements américain, français et britannique, ce sont des vidéos tournées par des groupes connus pour leur propagande comme les Casques blancs qui travaillent pour ces gouvernements. Le porte-parole du département d’État américain a fini par l’avouer :
« MS NAUERT : Oui. (…) Nous reconnaissons le travail que les Casques blancs font pour le peuple de leur pays et pour le gouvernement des États-Unis et toutes les forces de la coalition, nous l’apprécions et nous leur sommes très reconnaissants de continuer à le faire.
(…)
J’ai encore échangé des courriels avec eux, l’autre jour. Je crois comprendre que leur travail se poursuit, et nous sommes fiers de travailler avec eux. »
Le représentant républicain Massie a fait remarquer aujourd’hui :
Thomas Massie @RepThomasMassie − 14:03 UTC- 19 avril 2018
« Lors de la séance d’information au Congrès, le directeur du renseignement national (DNI), le Secrétaire de la Défense et le Secrétaire d’État n’ont fourni aucune preuve réelle. L’information disponible circule en ligne. Ce qui signifie soit qu’ils ont décidé de ne pas fournir de preuve au Congrès, soit qu’ils n’ont pas de preuve concluante qu’Assad a commis une attaque chimique. Dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas bon pour eux. »
Après avoir été bloquée pendant cinq jours, la mission d’enquête de l’OIAC a finalement atteint la zone de Douma où l’attaque chimique présumée se serait produite. Elle y est entrée sous la protection de la police militaire russe.
Le service de recherche scientifique du Bundestag allemand a publié aujourd’hui un rapport (pdf, allemand) qui conclut que l’attaque menée par les États-Unis contre la Syrie le 13 avril a clairement violé le droit international.
Traduction : Dominique Muselet