Les absurdités sur les attaques au gaz de la Syrie révèlent l’idéologie tyrannique américaine


Par Stephen Gowans – Le 11 avril 2018 – Source what’s left

Stephen Gowans

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Les idéologues du pouvoir américain, notamment ceux qui sont installés dans les rédactions du New York Times et du Wall Street Journal, croient que les États-Unis jouissent d’un droit imprescriptible d’exercer une tyrannie absolutiste sur le monde, de définir la frontière entre la civilisation et la barbarie et que Washington n’est pas lié par le droit international, mais libre de l’utiliser comme un outil contre les barbares. Dans l’idéologie du despotisme américain, la boussole de la civilisation comprend les pays qui se soumettent à la « direction américaine » une version euphémisée de la « tyrannie américaine » tandis que les pays favorables à un ordre international fondé sur l’égalité des États (la Syrie, la Corée du Nord, Cuba, l’Iran et le Venezuela comptent parmi les partisans de cet ordre démocratique alternatif) sont relégués dans la catégorie des barbares. Une fois qu’un État a été rangé à l’extérieur de la civilisation, les traditions juridiques occidentales – vérification des accusations par rapport aux preuves et présomption d’innocence jusqu’à ce que la culpabilité soit démontrée de manière crédible – ne s’appliquent plus. L’État « barbare » devient coupable de tous les actes dont il est accusé, qu’il existe ou non des preuves crédibles pour corroborer l’accusation.

Dans un éditorial du 9 avril « In Syria, Trump faces the limits of bluster » (en Syrie, Trump se confronte aux limites de l’esbroufe), The New York Times attribue un rôle de dirigeant mondial aux États-Unis, qu’il presse l’administration Trump d’exercer en mettant sur pied « une enquête indépendante qui pourrait mener à des poursuites » contre le gouvernement syrien « dans un tribunal comme la Cour pénale internationale » une cour que les États-Unis eux-mêmes rejettent et à laquelle ils refusent d’être liés.

Les rédacteurs du New York Times décrivent les mesures que Washington devrait prendre si « la culpabilité du régime syrien est établie » mais concluent tout de même que le gouvernement syrien est coupable de toutes les accusations, contrairement à la réalité car le département d’État américain, le ministère britannique des Affaires étrangères et leurs propres journalistes ont reconnu que les allégations d’attaque chimique contre le gouvernement syrien ne sont pas vérifiées ni confirmées. Qui plus est, les sources des allégations sont les Casques Blancs et la Syrian American Medical Society, des organisations partisanes financées par des gouvernements occidentaux et alliées aux insurgés anti-gouvernementaux, qui ont un intérêt à inventer des atrocités pour diffamer leur ennemi et justifier la poursuite de l’intervention occidentale en Syrie et même son intensification.

En outre, le secrétaire à la Défense, Jim Mattis, a admis le 2 février, lors d’une conférence de presse, que le Pentagone n’a aucune preuve que l’armée syrienne ait jamais utilisé des armes chimiques. Cela, cependant, n’a pas empêché les journalistes du New York Times de déclarer que la Syrie n’a pas respecté son accord sur la destruction de ses armes chimiques en vertu d’un pacte de 2013 ni qu’elle est responsable de « la plus grande partie des 85 attaques chimiques dans le pays ces cinq dernières années ». Un journal qui se proclame au niveau des normes les plus élevées du journalisme, qui prétend faire partie des normes de référence, semble pourtant n’avoir aucun problème à inventer des faits à partir de rien.

Les journalistes exposent les mesures que l’administration Trump devrait prendre une fois l’imprimatur légal émis sur un pré-jugement de culpabilité. Inévitablement, une action militaire est nécessaire. « Si un véto russe empêche l’action du Conseil de sécurité, M. Trump doit travailler avec nos alliés, par l’intermédiaire de l’OTAN ou autrement », conseillent les journalistes – un appel à l’administration pour qu’elle viole (une fois encore) le droit international.

« L’utilisation de gaz toxique, observe le journal un paragraphe plus loin, est un crime de guerre selon le droit international » une observation curieuse étant donné la faible vision qu’ont les rédacteurs du droit international, comme en témoigne le fait qu’ils exhortent Washington à agir sans l’autorisation du Conseil de sécurité afin d’exercer « le rôle traditionnel de chef de file de l’Amérique ». Il faut rappeler que le Troisième Reich, l’Italie fasciste et le Japon impérial ont aussi revendiqué des rôles de chefs de file, sans parler de la Grande-Bretagne et de la France impériales, cette dernière étant désireuse de restaurer sa tyrannie coloniale sur son ancien mandat syrien sous le prétexte de punir le « barbare » Assad pour ses outrages contre la civilisation.

Le Pentagone détient le plus grand stock de gaz toxique militaire au monde. L’intérêt de l’avoir est la possibilité de l’utiliser malgré son interdiction par le droit international en vertu duquel le New York Times condamne la Syrie (sans preuve) pour l’avoir violé. Ainsi les idéologues de la tyrannie américaine révèlent que le droit international n’a d’importance que pour les pays que les États-Unis définissent comme leurs ennemis (les barbares) et non pour eux-mêmes, qui sont libres d’agir comme bon leur semble contre les barbares, en vertu de leurs propres lois, en tant que garants d’un ordre moral mondial. Inutile de dire que l’idée que les États-Unis, la principale source de désordre, de souffrance et de décadence dans le monde ont même un soupçon d’autorité morale est risible, sinon une mauvaise plaisanterie – une vérité dont la plus grande partie de la population mondiale n’est que trop consciente.

En 1970, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la Résolution 2625 qui, entre autres, déclarait : « Les États ont le devoir de s’abstenir de toute propagande pour les guerres d’agression » une résolution apparemment sans importance pour le New York Times, qui n’est que trop heureux de diffuser de la propagande pour les guerres d’agression au service d’une tyrannie américaine qui, loin d’exercer une autorité morale, continue de déployer ses ailes sombres sur le monde entier, sous la direction d’un fou placé au sommet d’un système d’oppression et d’exploitation mondiale, d’où est issu un programme de guerre néocoloniale et de confrontation croissante avec la Chine et la Russie.

Stephen Gowans

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker francophone

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