La rencontre entre Trump et Xi Jinping.


Donald charme Xi pour essayer de briser le partenariat Moscou-Pékin.


Par Sputiknews – Le 9 avril 2017

La semaine dernière, [au cours de leur rencontre à la résidence de Trump, Mar a Lago, NdT]  le président Donald Trump et le président chinois Xi Jinping, se sont accordés sur une série de points, y compris un nouveau plan commercial de 100 jours. Les observateurs disent que Washington travaille activement à tenter de briser le partenariat stratégique russo-chinois, mais ajoutent que la division internationale du travail rend ces plans voués à l’échec.

Vendredi, Trump a déclaré que les États-Unis avaient fait « des progrès considérables » dans ses relations avec Pékin après le sommet historique de jeudi et vendredi entre Xi Jinping et lui.

Les deux pays ont convenu d’établir un nouveau canal pour la communication militaire de haut rang afin d’éviter les incidents et de renforcer la coopération existante entre militaires, à tous les niveaux. Ils ont également conclu un plan de 100 jours de négociations commerciales visant à accroître les exportations des États-Unis et à réduire leur déficit commercial avec la Chine. Enfin, les responsables américains ont signalé que les deux parties avaient convenu de la nécessité de coopérer pour que Pyongyang abandonne ses ambitions nucléaires.

La réunion de Mar-a-Lago a coïncidé avec les frappes de missile de croisière américaines contre la Syrie, jeudi soir. Le président Trump a informé son homologue chinois de l’attaque lors de leur dîner ensemble. Dans cette ambiance, la petite-fille de Trump a chanté pour le dirigeant chinois et a récité un poème en chinois.

Des observateurs russes ont suggéré qu’une telle utilisation démonstrative de la « carotte et du bâton » dans les négociations démontre l’extrême importance que les États-Unis accordent à leurs relations avec la Chine. Cela contraste fortement avec la rhétorique du président lors de la campagne électorale, lorsqu’il affirmait que Pékin était un « manipulateur de devises », qu’il avait « violé » l’économie américaine et que l’argent et les emplois volés aux États-Unis par la Chine étaient « le plus grand vol de l’histoire du monde ». Maintenant, disent les analystes, le comportement de Trump témoigne du désir d’établir des liens plus étroits avec Pékin, aux dépens de Moscou.

Cependant, tout le monde n’est pas convaincu du succès de la tactique étasunienne, en particulier en ce qui concerne l’affaiblissement des liens russo-chinois. Sergei Sudakov, politologue et professeur à l’Académie des sciences militaires, estime que tout effort de Washington pour séparer Pékin de Moscou échouera.

« Le plus grand problème pour les États-Unis en ce moment est que Donald Trump n’a pas encore décidé de sa politique étrangère, a déclaré M. Sudakov. C’est pour cette raison que sa rencontre avec Xi Jinping a eu lieu dans le contexte d’événements dans la province de Homs (où les États-Unis ont lancé des missiles de croisière contre le gouvernement syrien). Bien sûr, Trump voulait impressionner le dirigeant chinois et montrer qu’il considère que sa tâche est de déchirer le lien entre la Chine et la Russie. »

Au cours des dernières années, rappelle l’expert, un triangle de grandes puissances s’est formé, dont les États-Unis, la Chine et la Russie constituent les trois angles. « Il vaut la peine de rappeler ce que Xi Jinping a déclaré lors du dernier forum de Davos. Il a déclaré que le monde change et que les États-Unis ne pouvaient plus dicter au monde la manière d’agir et qu’ils ne pouvaient plus être l’hégémonie mondiale unique. » Le système mondial, a-t-il dit, a besoin d’équilibre.

« En retour, suggère Sudakov l’objectif de Trump a été de montrer que les États-Unis restent le leader [mondial] […] Cependant, la question clé est celle du commerce entre les États-Unis et la Chine. Aujourd’hui, la Chine a un excédent commercial de 200 milliards de dollars. La tâche du président américain est d’accroître les échanges entre les deux pays d’environ mille milliards de dollars. »

Le président Xi, pour sa part, « n’a pas été inspiré par sa rencontre avec Trump, estime Sudakov. Il n’a pas entendu les propositions qu’il s’attendait à entendre du dirigeant de la puissance mondiale. Il y a eu beaucoup de platitudes et de bons vœux mutuels, mais la Russie reste plus proche de la Chine que les États-Unis », mis à part le coté commercial. « En d’autres termes, remarque l’expert, l’expansion des relations bilatérales entre Washington et Pékin peut être appelée une politique d’’amis assermentés’… »

Le politologue et expert de l’Eurasie, Leonid Krutakov, est d’accord avec son collègue. Selon lui, la Russie et la Chine sont destinées à une coopération stratégique, en raison des particularités de la division internationale du travail et de la répartition inégale des ressources à travers la planète.

Les États-Unis, dit-il, peuvent être classés comme une économie transactionnelle, la politique de la Réserve fédérale la transformant consciemment en prestataire de services institutionnels pour toutes les autres économies, d’où la concentration de banques, de compagnies d’assurance, de la R & D, etc. qu’on trouve aux États-Unis. Ceci, cependant, a entraîné des effets secondaires majeurs, y compris la mort de l’industrie américaine, qui a déménagé en masse en Chine, créant ainsi des problèmes de chômage généralisé et de dégradation régionale.

« L’Allemagne est également importante en tant que puissance de haute technologie, mais elle n’est pas perçue comme dangereuse pour les États-Unis, car il s’agit effectivement d’un territoire occupé. Le troisième secteur, en dehors des services et de la production, est celui des ressources. Cela inclut le Moyen-Orient et la Russie. »

Krutakov a souligné que « lorsque le groupe de pays constituant les BRICS est apparu, il devint clair que les pays du secteur des ressources, dont la Russie et le Brésil, essayaient de s’unir aux économies industrielles que sont l’Inde et la Chine d’une manière nouvelle. Pour les États-Unis, c’est une menace, car si une partie du marché mondial de cette taille devait abandonner la zone dollar, alors peu d’autres pays auraient encore besoin des services transactionnels américains. Washington ne servirait que l’Europe et les Amériques, alors que les principaux centres de production industrielle et de ressources, se situent à l’extérieur de cette zone. »

La Russie et la Chine, possédant des ressources d’une part et une base industrielle développée de l’autre, ont besoin l’une de l’autre, selon l’analyste. « D’où la politique de convergence. »

« L’orientation de la Russie vers l’Est n’a pas eu lieu soudainement – seulement en 2014. En 2008, toutes les revendications territoriales [entre Moscou et Pékin] ont été réglées. La base a été établie pour que les accords stratégiques puissent suivre. Nos initiatives dans l’Arctique, le renouvellement de la route Northen Sea comme elle est appelée, le développement de la région Caspienne – tout cela prépare un avenir commun », une stratégie économique et géopolitique commune.

Selon Krutakov, Washington a déjà calculé qu’en 2025-2030, la croissance économique de la Chine dépendra à 90% de l’accès du pays aux ressources énergétiques. En conséquence, si les États-Unis sont en mesure de mettre le Moyen-Orient et la Russie de leur coté, ils pourront continuer à assurer leur position hégémonique. « Dans ce cas, la Chine ne pourra pas tenir la compétition. Par conséquent, pour Pékin, l’alignement sur Moscou a un caractère stratégique. Le maintien de la parité avec les États-Unis contredit tout conflit futur éventuel dans l’espoir d’avoir suffisamment de temps pour devenir autosuffisant avec ses alliés. »

Par conséquent, note Krutakov, comme ils sont incapables de lutter à la fois pour les bases industrielles et énergétiques du monde, l’objectif stratégique des États-Unis est d’empêcher Moscou et Pékin de quitter la zone dollar et de créer leur propre système de règlement des paiements, ce qui les rapprocherait encore plus.

« D’où la politique de la carotte et du bâton. Trump utilisera toutes les méthodes possibles pour y parvenir : la menace, le tir de Tomahawks et courtiser la Chine. Mais tout rapprochement à grande échelle entre les États-Unis et la Chine est [en fin de compte] peu probable », a conclu l’analyste.

Sputniknews

Traduit par Wayan, relu par M pour le Saker francophone.

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