La hausse des prix du carburant en Haïti trouve son origine dans l’accord avec le FMI


La hausse des prix, retirée après des protestations massives, fait partie du programme dicté par les institutions financières internationales.


 

Au moins deux manifestants sont morts dans la répression policière des protestations contre la hausse des prix du carburant en Haïti.

Par Lautaro Rivara – Le 10 juillet 2018 – Source The Dawn

Vendredi de la semaine dernière, peu après l’annonce par le gouvernement haïtien de sa décision d’augmenter le prix du carburant de 50% des manifestations ont éclaté dans tout le pays. Des Haïtiens en colère ont bloqué les routes et incendié des véhicules. Samedi, face à la forte opposition à cette mesure, le gouvernement a annulé la hausse jusqu’à nouvel ordre. Mais cette décision n’a pas réussi à calmer la population en colère. Les syndicats des transports et des services publics, ainsi que des mouvements sociaux ruraux et urbains, ont appelé à une grève générale les 9 et 10 juillet.

Le premier jour de la grève générale, les manifestants, associés à différents secteurs, syndicats et mouvements, ont été stoppés par la police de Port-au-Prince alors qu’ils marchaient sur le bâtiment du Parlement. Les transports publics et la plus grande partie des entreprises dans tout le pays étaient arrêtés.

Cet article examine les raisons présidant à la hausse du prix du carburant et ses implications.

Le 6 juillet, le gouvernement de Jovenel Moïse a approuvé la hausse du prix du carburant annoncée en mai mais reportée en raison de la résistance manifestée par divers secteurs de la société. Selon un communiqué de presse signé par les ministres de l’Économie, des Finances, du Commerce et de l’Industrie, la hausse fera passer les prix de l’essence à 4.64 dollars, du pétrole à 3.97 dollars et du kérosène 3.94 dollars. La nouvelle grille tarifaire implique une augmentation des prix de 38% à 51%. Il est important de noter qu’en ce moment, le salaire minimum quotidien est environ de 330 gourdes (5.09 dollars), ce qui donne une idée de l’impact que cette mesure aura sur une économie extrêmement précaire dans le pays le plus pauvre de l’Amérique latine et des Caraïbes.

Port-au-Prince, la capitale de Haïti, a vécu une journée difficile le 6 juillet. Les manifestants ont convergé vers de nombreux quartiers de la capitale, ont dressé des barricades qui bloquaient les routes principales et ont brûlé des véhicules. Une épaisse fumée noire recouvrait la ville. En plus de la mobilisation massive dans la capitale et à Kenscoff, Delmas et Pétion-Ville, plusieurs manifestations ont été organisées à Les Cayes et à Jérémie, la capitale de Grand’Anse. Au moins deux manifestants sont morts de blessures par balle pendant la répression policière, bien que l’origine des tirs n’ait pas encore été confirmée. Un membre du service de sécurité privé d’un dirigeant politique a échappé de justesse au lynchage pendant les affrontements.

La hausse des prix est une conséquence directe des accords signés en février dernier entre le gouvernement de Haïti et le Fonds monétaire international (FMI), lorsque celui-ci a demandé la suppression des subventions sur les carburants et aux détaillants. Ces négociations asymétriques doivent être considérées dans le contexte de la dépendance chronique de l’État  haïtien à l’« aide extérieure » fournie par les ONG européennes et nord-américaines et les injections budgétaires des institutions internationales de crédit. Le 29 juin, la Banque interaméricaine de développement (BID) a offert un soutien budgétaire de 40 millions de dollars en échange de la concrétisation de l’augmentation des tarifs, qui avait été reportée en raison de l’opposition des syndicats des transports, du secteur public et de la population haïtienne. En outre, la BID a fait pression pour un ajustement fiscal et la réforme du secteur de l’énergie, qui comprend, entre d’autres mesures, la privatisation totale d’EDH (Electricité d’Haïti), l’entreprise publique de l’énergie.

Les représentants des organisations sociales et des syndicats prévoient que la hausse des prix du carburant va conduire à une importante augmentation des prix dans tous les secteurs, en particulier dans les domaines sensibles des transports et de l’alimentation, affectant les secteurs les plus vulnérables de la société. Camille Chalmers, économiste et chef de la plateforme PAPDA [Plateforme haïtienne pour la promotion d’un développement alternatif], a qualifié cette mesure d’« erreur fondamentale » et a souligné que « les gens qui sont déjà marginalisés et exploités ne devraient pas être les victimes de l’irresponsabilité des autorités ». Il a également suggéré des mesures alternatives pour équilibrer les comptes de l’État, comme l’augmentation des taxes sur l’alcool et le tabac, et la révision de la stratégie fiscale.

L’article original a été publié par ALBA Movimientos et traduit en anglais par Tanya Wadhwa/

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker francophone

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