…Les plans de changement de régime se poursuivent
Par Moon of Alabama – le 19 mars 2019
Le 23 février, les États-Unis ont mis en scène une opération d’aide humanitaire à la frontière entre la Colombie et le Venezuela. L’acrobatie s’est terminée par une émeute au cours de laquelle les partisans du soi-disant « président » Guaidó ont brûlé les camions censés transporter « l’aide ».
Les émeutes ont également marqué le jour où Guaidó a vu s’évanouir l’argument juridique qu’il avait utilisé pour se proclamer « président par intérim ».
Guaidó a également perdu sa position juridique initiale. En vertu de ce paragraphe de l’article 233 de la constitution vénézuélienne, il a annoncé sa présidence le 23 janvier :
« Lorsqu'un président élu devient définitivement indisponible avant son investiture, une nouvelle élection au suffrage universel au scrutin direct est organisée dans un délai de 30 jours consécutifs. Dans l'attente de l'élection et de l'investiture du nouveau président, le président de l'Assemblée nationale prend en charge la présidence de la République. » Que le « président élu devienne définitivement indisponible » n'a jamais été le cas. Mais si l'article 233 avait été appliqué, Guaidó aurait eu 30 jours pour organiser de nouvelles élections. Les 30 jours sont échus et Guaidó n'a même pas appelé à la tenue d'élections. Il a ainsi forclos lui-même l'article de la constitution sur lequel se fonde sa (fausse) revendication à la présidence.
Les malheureux comploteurs de coup d’État à Washington ont finalement été informés du fait que la question leur créait un problème juridique. Lors de la conférence de presse du 15 mars, Elliott Abrams, représentant spécial des États-Unis pour le Venezuela, a été interrogé sur le sujet :
Question : pouvez-vous nous expliquer l'article en vertu duquel M. Guaido s'est déclaré président ? On dit qu'il a expiré le mois dernier. Pourriez-vous nous expliquer cela ? Quel est le ... M. ABRAMS : En ce qui concerne la constitution vénézuélienne, l’Assemblée nationale a adopté une résolution stipulant que les 30 jours de présidence intérimaire ne commenceront pas avant le jour où Nicolas Maduro quittera le pouvoir. Donc, les 30 jours ne commencent pas maintenant, ils commencent après Maduro. Et c’est une résolution de l’Assemblée nationale.
Une résolution de l’Assemblée nationale, que la Cour suprême du Venezuela a disqualifiée pour avoir laissé siéger des personnes illégalement élues, pourrait changer la constitution du pays ? Cela ne me semble pas convaincant. Les journalistes présents à la réunion étaient également curieux de savoir comment les règles pourraient être modifiées de la sorte pendant le match en cours :
Q : Quand ont-ils… ils l’ont fait après qu’il…
M. ABRAMS : Ils l’ont fait – il y a environ un mois. Nous pourrions essayer de trouver la date pour vous.
Q : Quand il était…quand il était…a pris le rôle de président par intérim, ce n’était pas à ce moment là.
M. ABRAMS : Oui, quand…c’est correct. Et alors les gens…
Q : Pouvez-vous faire ça ex post facto comme ça ?
M. ABRAMS : Quand les gens posent une question, comment …
Q : C’est comme si on disait que j’ai été élu président pendant quatre ans, puis que deux ans plus tard, vous modifiez les règles de sorte que votre mandat ne commence pas – il n’a même pas encore commencé. Comment ça se passe ?
M. ABRAMS : Eh bien, vous n’obtenez pas de vote parce que vous n’êtes pas à l’Assemblée nationale.
Q : Bien, vous non plus. Vous n’êtes pas non plus à l’Assemblée nationale.
Si cela compte, les États-Unis considèrent-ils que cela est constitutionnel dans leur système ?
M. ABRAMS : oui Je veux dire, nous prenons le… l’Assemblée nationale est la seule institution démocratique légitime qui reste au Venezuela, et son interprétation de la constitution, comme vous le savez, est que, à la date de la prétendue législature de Maduro, la présidence est vacante. Mais ils ont également dit que cette période de 30 jours commence lorsque Maduro s’en va.
Q : Juan Guaido est donc le président par intérim d’un intérim qui n’existe pas encore ?
M. ABRAMS : La fin des 30 jours de sa présidence par intérim commence à compter. Parce qu’il n’est pas au pouvoir, c’est le problème. Maduro est toujours là. Ils ont donc décidé de compter cela à partir du moment où il sera au pouvoir et où Maduro sera parti. Je pense que c’est logique.
Q : Il n’est donc pas vraiment président par intérim ?
M. ABRAMS : Il est président par intérim, mais il n’est pas …
Q : Sans pouvoir.
M. ABRAMS :…capable d’exercer les pouvoirs du bureau parce que Maduro est toujours là.
Q : Donc leur interprétation est la suivante : tant qu’il n’aura pas le pouvoir de diriger le pays, il n’est pas le véritable président par intérim ?
M. ABRAMS : Non. Leur interprétation est que la constitution requiert une période intérimaire de 30 jours, mais ces 30 jours ne doivent pas être comptés tant que Maduro exerce toujours les pouvoirs depuis son ancien bureau.
Voici une vidéo de l’échange. (Abrams semble mentir au sujet de la prétendue résolution de l’Assemblée nationale).
L’argument juridique produit par Abrams manque de logique et contredit clairement la lettre de la constitution citée ci-dessus.
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Le président élu n'est pas devenu indisponible. Maduro a été assermenté pour son deuxième mandat le 10 janvier. Si l'argument sous-jacent est que Maduro a été élu illégalement pour son deuxième mandat, Guaidó aurait dû se déclarer « président par intérim » le jour où son premier mandat a pris fin, le 10 janvier, et non pas au hasard 13 jours plus tard.
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La constitution stipule qu'une élection doit avoir lieu dans les 30 jours qui suivent l’indisponibilité du président élu. Si l'argument est que Maduro a été élu illégalement pour son deuxième mandat, les 30 jours ont commencé le 10 janvier. Si l'Assemblée nationale a changé cela « il y a à peu près un mois », ce doit être après la fin du délai imparti.
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Dans la constitution, l'élection dans les 30 jours est la condition préalable à l'existence du « président par intérim » et non l'inverse : « Dans l'attente de l'élection et de l'investiture du nouveau président, le président de l'Assemblée nationale prend en charge ... »
Sans élection en attente dans les 30 jours, il ne peut y avoir de « président par intérim » – avec ou sans pouvoir.
Le subterfuge juridique utilisé par Abrams ne convaincrait aucun tribunal sérieux. Il est bien connu que Abrams respecte peu le droit. Il a été condamné pour avoir menti au Congrès en deux occasions. Mais la question sera importante.
Les États-Unis ont saisi des avoirs vénézuéliens, en particulier les raffineries de Citgo en difficulté financière. Les États-Unis essaient de transférer tous les précieux atouts vers Guaidó afin de financer la prochaine phase de son plan de « changement de régime ». Les détenteurs d’obligations de Citgo vont probablement contester ces saisies et transferts d’actifs devant les tribunaux. Là, l’argument avancé par Abrams ne sera pas gagnant.
Le premier stade de la tentative US de changement de régime au Venezuela a échoué, mais c’est loin d’être terminé. Le Département d’État à lui seul prévoit d’y consacrer 500 millions de dollars supplémentaires :
La demande de budget pour l'exercice financier 2020 comprend des fonds pour soutenir la démocratie au Venezuela et offre la possibilité de dégager plus de fonds pour soutenir une transition démocratique, notamment une autorisation de transfert pouvant aller jusqu'à 500 millions de dollars.
La CIA et le Pentagone auraient formulé des demandes beaucoup plus importantes, même si une invasion du Venezuela est toujours improbable.
En août dernier, des soi-disant transfuges de l’armée vénézuélienne ont tenté de tuer Maduro avec des drones transportant des explosifs lors d’une cérémonie militaire. CNN a parlé avec eux. Les hommes disent avoir suivi une formation en Colombie et avoir rencontré au moins trois fois des représentants américains. Il est probable que de telles tentatives d’assassinat, sans doute organisées par la CIA, se poursuivront.
En préparation au coup de pub de « l’aide humanitaire », les États-Unis avaient demandé au Brésil d’utiliser la force militaire pour amener « l’aide » au Venezuela et permettre une présence américaine à la frontière. L’extrême droite, le président brésilien Jair Bolsonaro, a appuyé cette proposition, mais l’armée brésilienne, qui détient d’importants pouvoirs au sein du gouvernement, a opposé son veto.
Bolsonaro est actuellement à Washington pour rencontrer le président Trump. Il a également effectué une visite inhabituelle au siège de la CIA, probablement pour examiner les projets d’activités futures au Venezuela :
Un haut responsable de l’administration américaine, informant les reporters sous anonymat, a noté que le Brésil entretenait des relations étroites avec l’armée vénézuélienne et qu’il pourrait peut-être servir d’intermédiaire avec les forces de sécurité qui continuent de soutenir Maduro. ... « Nous devons régler le problème du Venezuela », a déclaré Bolsonaro. « Nous ne pouvons pas les laisser comme ils sont. Nous devons libérer la nation au Venezuela. »
Qu’un président brésilien se rende à la CIA, l’agence responsable des coups d’État violents et des dictatures brutales en Amérique latine, est dégoûtant. Beaucoup de gens au Brésil ne l’apprécieront pas. Soutenir un coup d’État de la CIA dans un pays voisin est pire. Il est difficile de tomber plus bas.
Le gouvernement du Venezuela se prépare à résister à la prochaine phase de la tentative US de changement de régime. Il exportera davantage de pétrole vers la Russie, qui est toujours prête à payer pour cela.
Après la panne d’électricité et d’autres tentatives de sabotage, la situation au Venezuela est revenue à la normale. Personne ne meurt de faim même si les prix sont élevés.
Le président Maduro a demandé à son cabinet de démissionner. Le nouveau gouvernement et ses tâches seront reconfigurés pour mieux résister à la pression américaine et aux sanctions supplémentaires à venir.
Ce sera un long combat.
Moon of Alabama
Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone