US-Ukraine dilemme:
Armer ou pas armer?
Là n’est plus la question

Par Philippe Grasset – Le 5 février 2015 –  Source Dedefensa

Des armes pour Kiev ? L’odyssée de l’An-124/UR-82072

Le commentateur US Wayne Madsen donne un intéressant article, le 3 février 2015 sur Strategic-culture.org. Cet article, extrêmement minutieux quant à l’odyssée d’un exemplaire précis de l’avion de transport stratégique ukrainien An-124, permet de comprendre combien le débat actuel lancé par les USA pour la livraison d’armes létales au régime de Kiev est de pure communication. (La différence entre armes létales et non létales est, à ce point, également pur artifice de communication. Un monstre de la taille de l’An-124 en pleine activité depuis de nombreux mois, d’une façon clandestine, indique sans aucune hésitation qu’il suffit de parler d’armes, ou de systèmes d’arme, sans précision hypocrite nécessaire.) L’article de Madsen s’attache à cette odyssée clandestine, ou disons non officielle puisque Madsen l’a mise à jour, de cet avion de transport Antonov An-124 immatriculé UR82072 appartenant à l’armée de l’air ukrainienne, sur plusieurs mois sinon plus d’une année (disons, depuis fin 2013). Il permet de comprendre que les livraisons d’armes à Kiev, y compris éventuellement en préparation du putsch de Kiev de février 2014, sont une routine stratégique complètement établie. Là, il ne s’agit plus de communication mais bien de réalités stratégiques en cours.

Une précision doit être apportée, parce qu’à première vue un seul avion effectuant des missions de transport pourrait, pour la perception courante, ne pas sembler constituer un fait décisif, disons de type stratégique, par la quantité de produits (des armes) impliquée. Avec l’An-124, ce n’est pas le cas, à cause des dimensions formidables de cet avion et sa non moins formidable capacité d’emport (120 à 150 tonnes) de systèmes allant jusqu’à des masses très importantes (locomotives, hélicoptères, chars, etc.). L’An-124 est le plus gros avion de transport stratégique au monde en service régulier – et le deuxième plus gros avion au monde (toujours pour le service régulier), après l’Airbus A380. Un extrait du Wikipédia qui lui est consacré en donne une idée, impliquant que les déplacements de l’appareil qu’a identifié Madsen constituent l’équivalent du déplacement d’un groupe de six avions de transport militaire moyen (type-Transall, comme le précise l’extrait ci-après) :

«L’Antonov 124-100 surnommé ‘Ruslan’ (Code OTAN : ‘Condor’) est le second plus gros avion du monde produit en série (le premier étant l’Airbus A380) ; l’avion le plus gros du monde hors série est l’Antonov An-225. Il permet de transporter les charges les plus diverses telles que locomotives, grues, satellites, bateaux. Cet avion est équipé de deux ponts roulants disposant chacun de deux palans pouvant supporter un poids maximum de 20 tonnes. Il peut peser jusqu’à 400 tonnes au décollage et embarquer jusqu’à 150 tonnes (120 t en version de base An-124, 150 t en version An-124-100) de charge utile (six fois celle du C-160 Transall des armées française et allemande)…»

Nous citons ci-dessous l’essentiel du texte de Madsen, qui est extraordinairement détaillé et renvoie sans aucun doute à une source clandestine du renseignement dont Madsen est coutumier d’accès. (Source US ? Russe ? D’autres pays, également impliqués ? Le choix existe, mais on notera que Madsen fait allusion dans son texte au jugement de Poutine selon lequel l’armée ukrainienne est une légion étrangère au service du bloc BAO, US et OTAN principalement. Les services russes doivent avoir suivi à la trace l’odyssée du An-124/UR82072, d’autant que l’armée russe a des facilités d’accès et de renseignement sur les équipements militaires ukrainiens venus de ses propres arsenaux et des constructeurs qui ont alimenté les forces militaires de l’URSS.)

La lecture du texte de Madsen peut paraître fastidieuse, sur les vols de l’An-124 ainsi que les détails des escales qui concernent des lieux stratégiques de l’ensemble USA/CIA/OTAN et d’autres pays, etc. ; mais l’ensemble fournit une impression générale substantivée par tous ces détails précis d’une activité routinière extrêmement significative du point de vue stratégique du fait des caractéristiques inhabituelles du An-124/UR82072, terminée par un commentaire sur la signification stratégique de ces livraisons. A la suite de ce long texte, nous proposons quelques remarques sur notre interprétation.

«… Dans un remake des bonds de cabri autour du globe des avions cargos chargés d’armes de la CIA à l’époque de la scandaleuse affaire Iran-Contra, et des bonds plus récents pour approvisionner en armes les rebelles libyens chargés de renverser Mouammar Kadhafi, un Antonov AN-124 ukrainien (numéro UR-82072), un avion de transport militaire de gros tonnage enregistré comme avion-cargo de transport international et appartenant au Bureau de Transport Antonov, a surpris les gens qui habitent à proximité de l’aéroport international Nikola Tesla, à Belgrade en Serbie, en y atterrissant le 28 janvier 2015. L’avion ukrainien, le plus gros avion au monde, était un spectacle rare sur l’aéroport d’un pays qui soutient généralement la Russie dans son conflit contre Kiev.

[Le secrétaire d’État John] Kerry et [le commandant général de l’OTAN, Philip] Breedlove parlent de la possibilité que l’OTAN se mette à faire des livraisons d’armes qui ont en réalité commencé l’année dernière. En septembre 2014, le président ukrainien Petro Porochenko a déclaré qu’un certain nombre de pays de l’OTAN avait accepté de livrer des armes aux forces ukrainiennes, formées non seulement des troupes régulières ukrainiennes mais aussi de bataillons irréguliers financés par le seigneur de guerre milliardaire israélo-ukrainien, Ihor Kolomoisky, et constitués de néo-nazis, de forces états-uniennes, de forces para-militaires et d’anciens membres des Forces de défense israéliennes. Lors du sommet de septembre 2014 de l’OTAN au Pays de Galles, le conseiller du président ukrainien, Youri Loutsenko, a déclaré que les Etats-Unis, la France, la Pologne, la Norvège et l’Italie avaient accepté de fournir des armes à l’Ukraine, et le Canada a révélé plus tard qu’il avait également commencé à transférer des armes aux putschistes de Kiev. Les forces militaires ukrainiennes ont reçu, de l’OTAN, tellement d’aide militaire, d’assistance et de personnel que le président russe Vladimir Poutine a récemment déclaré que l’armée ukrainienne était en quelque sorte la légion étrangère de l’OTAN. Et selon des rapports fiables, l’OTAN a fourni au régime de Kiev des bombes à fragmentation mortelles qui sont utilisées contre la population civile en grande partie russophone de la région du Donbass dans l’est de l’Ukraine.

L’AN-124 qui a atterri à Belgrade semble avoir apporté des armes en provenance d’un certain nombre de terminaux aériens de l’OTAN connus pour servir à ce genre de chose. De Bucarest, en Roumanie, où il est arrivé le 23 janvier 2015 en provenance de l’île italienne de Lampedusa, au large des côtes de la Libye, l’avion a décollé le 23 janvier pour le New Jersey aux États-Unis. Lampedusa était une base d’étape essentielle pour l’approvisionnement en armes des rebelles libyens par l’OTAN pendant la rébellion fomentée par les islamistes et l’Occident contre le gouvernement Kadhafi. Bucarest est devenu une base importante dans le cadre du soutien militaire de l’OTAN à Kiev.

»Le 25 Janvier, l’Antonov a quitté l’aéroport international de Newark Liberty, au New Jersey, pour Trondheim, en Norvège. Le 26 janvier, l’avion de transport ukrainien a quitté Trondheim pour l’aéroport de Prestwick, à Glasgow, en Écosse. L’avion a décollé de Prestwick, le 28 janvier et a atterri le même jour à Belgrade. Prestwick était un centre de transit apprécié par la CIA pour le transport des détenus kidnappés* après le 9/11.

Les États-Unis ont installé six unités de stockage dans les montagnes de Trøndelag, une région du centre de la Norvège dont la capitale est Trondheim. Le matériel militaire américain, y compris des chars et des véhicules blindés, est stocké dans deux bases de l’armée de l’air norvégienne de la région, l’une d’elle étant localisée au même endroit que l’aéroport Værnes de Trondheim, où l’Antonov ukrainien a atterri le 26 janvier 2015.

La destination de l’Antonov, en quittant Belgrade, était Mombasa, au Kenya, via Athènes. Selon des sources serbes, l’avion transportait une cargaison spéciale d’armes. On peut penser que le UR-82072 a déposé à Athènes, pour qu’elles soient ensuite réexpédiées en Ukraine, des armes collectées dans les aéroports de l’OTAN de Lampedusa, Glasgow, et Trondheim, ainsi que des armes provenant des caches serbes chargées à Belgrade et, peut-être aussi, des armes américaines stockées à l’Arsenal de Picatinny dans le comté de Morris, dans le New Jersey, au site du Département de la Défense spécialisé dans les armes à feu et les munitions, et à la base navale de Earle, au New Jersey. Les deux bases d’armement sont très proches de l’aéroport international de Newark Liberty. L’AN-124 est basé de façon permanente à l’aéroport de Gostomel à Kiev. La visite de l’avion à l’aéroport de Newark a été qualifiée de rare par les locaux.

Depuis que les combats ont éclaté entre les forces ukrainiennes et les séparatistes russophones de l’est de l’Ukraine, le mystérieux AN-124 ukrainien a été repéré partout dans le monde, chargeant probablement des armes. Le 18 juin 2014, il a été vu à l’aéroport international  Ben Gurion à Tel Aviv. Auparavant, le 22 mai 2014, il avait été vu à Las Palmas, aux Canaries, sans doute pour se ravitailler. Les 1er et 6 janvier 2015 et le 23 novembre 2014, il a été repéré à l’aéroport de Leipzig/Halle en Allemagne; le 2 juillet 2014, il était à Luka International à Malte (Malte était aussi une base de transit pour les livraisons d’armes aux forces anti-Kadhafi pendant la guerre civile libyenne); le 15 avril 2014, à l’aéroport Francisco Sá Carneiro à Porto, au Portugal, et une semaine plus tard, le 27 avril, à l’aéroport Schwechat de Vienne. En juin 2014, l’avion de transport ukrainien a été vu à l’aéroport Logan de Boston, à Tulsa International à Oklahoma (là où ses trouve la base Tinker de l’armée de l’air états-unienne, un centre logistique majeur), et à l’aéroport international de Philadelphie (près de Rotorcraft Systems de Boeing à Ridley Park, en Pennsylvanie). L’avion ukrainien y serait arrivé en provenance de Ben Gurion à Tel Aviv pour charger un hélicoptère Agusta Westland ICH-47F Chinook, sous licence Boeing, pour l’armée italienne. Cependant, nul ne sait ce qui a été chargé en plus du Chinook destiné à Italie ni où cette cargaison supplémentaire a été livrée.
Le 14 mai 2014, l’Antonov ukrainien a été vu à l’aéroport international de Calgary en Alberta. Calgary est un trait d’union important entre les complexes militaro-industriels canadien et américain. On y trouve la division de production de missiles Raytheon canadiens et les usines qui fabriquent la mitrailleuse Phalanx et l’équipement infrarouge et de ciblage des véhicules blindés, ainsi que General Dynamics, Harris Corporation, et les usines NovAtel qui fabriquent de tout, depuis les systèmes avioniques jusqu’au matériel de communications par satellite.
Toujours en juin 2014, l’avion-cargo ukrainien globe-transporteur d’armes a été vu à l’aéroport international Ted Stevens d’Anchorage, en Alaska. En juin 2014, il a été vu à Buenos Aires. En octobre 2013, juste un mois avant le déclenchement, à Kiev, des manifestations du Maïdan soutenues par la CIA et le Département d’État, l’UR-82072 a été vu sur la piste de l’aéroport international de Dulles, qui se trouve au milieu d’un complexe industriel partagé par l’armée et le renseignement américain, dont la CIA, la Defense Logistics Agency, et les principaux fournisseurs de matériel de guerre comme Boeing et Lockheed Martin. Dulles accueille également une base militaire allemande sur le sol américain.
Le 4 avril 2014, l’Antonov transporteur d’armes a été aperçu à l’aéroport international de Portsmouth, qui était auparavant la base Pease de l’armée de l’air, et qui est désormais la base de la Garde nationale de l’air du New Hampshire. De là, il semble être parti pour Dakar, au Sénégal. Cependant, une des tactiques les plus courantes de la CIA et de l’armée américaine au cours de l’âge d’or de l’Iran-Contra était de faire enregistrer de faux plans de vol et de fausses factures de chargement. Le Mossad israélien a aidé à l’envoi clandestin d’armes américaines, comme le missile antichar TOW, vers Iran.

En septembre 2014, le transporteur d’armes ukrainien a été repéré sur une piste de l’aéroport international de Tbilissi en République de Géorgie. Non loin de lui, il y avait un avion-cargo C-17 Globemaster de l’armée de l’air états-unienne censé livrer des armes en Géorgie. La rencontre du gros transporteur d’armes ukrainien et du C-17 sur l’aéroport de Tbilissi a coïncidé avec le sommet de l’OTAN au Pays de Galles. En 2013, l’avion ukrainien avait été impliqué dans le transfert.

Il y a peu de doute que Breedlove, un va-t-en guerre impénitent, avait précédemment autorisé le transfert à l’Ukraine d’armes de l’OTAN via Tbilissi. La Géorgie et l’Ukraine ont formé une alliance de membres-candidats à l’OTAN contre la Russie sur une ligne de front s’étendant de l’Ossétie du Sud, à travers l’Abkhazie, l’Ukraine orientale et la Crimée, à la République de Transnistrie au nord de la Moldavie. C’est sur cette ligne de front que les stratèges de l’OTAN rêvent aujourd’hui d’affronter directement les troupes autochtones et russes qui protègent l’indépendance du groupe d’Etats composé de l’Ossétie du Sud, de l’Abkhazie, de Donetsk, de Lougansk et de la Transnistrie, ainsi que le flanc sud de la Russie, y compris la république autonome russe de Crimée et la ville fédérale russe de Sébastopol.

Il est clair, si l’on en juge par les arrivées et départs du gigantesque transporteur d’armes ukrainien, que les déclarations de Breedlove sur l’éventualité de fournir à l’Ukraine des armes létales sont depuis longtemps caduques. Une fois de plus, l’Amérique a choisi la dangereuse stratégie de la guerre aux dépens de la diplomatie. Et, une fois encore, elle va payer un prix terrible, en sang comme en argent. »

Une fois de plus, ces diverses précisions qui paraissent irréfutables sur l’activité routinière de livraisons d’armes depuis de nombreux mois à l’Ukraine, posent le problème du décalage extraordinaire, en contenu et en chronologie, entre la communication et les vérités de situation. Quel sens réel ont les conversations entre Obama et Merkel du 9 février sur la question des livraisons d’armes, et que représente l’opposition de la chancelière à ces pratiques qui se déroulent de façon routinière depuis de nombreux mois ? Plus précisément se pose à nouveau cette autre question : que savent Merkel et même Obama de ces livraisons d’armes quand on connaît l’autonomie d’action de facto des myriades de services et d’agences, américanistes et autres, dans cette sorte d’activité ? La même question vaut pour tous les dirigeants, parlementaires, etc., personnalités civiles qui sont en général tenues à l’écart des activités et des informations de ces services et agences du complexe de sécurité nationale du bloc BAO répondant directement aux impulsions de surpuissance du Système. A cet égard et tenant compte du fait irréfutable que la communication a remplacé la politique, il s’en déduit que la politique est totalement paralysée et inféconde et ne peut qu’entériner les faits accomplis que lui impose ce même complexe, une fois que ces faits sont devenus avérés et trop connus pour être niés. L’incursion de la communication des réseaux alternatifs et antiSystème complique encore plus le problème et rendent la politique des directions encore plus inopérantes puisque ces réseaux, par définition, travaillent à faire correspondre le plus précisément possible les informations de leur communication avec les vérités de situation. Pour qui s’aventure dans cette sorte de lecture, le texte de Madsen constitue un acte ridiculisant complètement les discussions Obama-Merkel sur le sujet des livraisons d’armes, et dégradant à mesure l’autorité et la légitimité de ces dirigeants politiques. Cette dégradation intervient effectivement, même pour ceux qui ignorent les précisions du type-Madsen, simplement parce que ces précisions circulent dans les milieux concernés et créent un climat favorable à cette dégradation.

(Une remarque annexe à la présente est le constat de l’extraordinaire autonomie d’action dont disposent les agences et services du complexe de sécurité nationale du bloc BAO. Cette autonomie s’étend à l’usage d’une myriade de bases dans de très nombreux pays, mais aussi à l’usage d’aéroports civils, y compris dans des pays étrangers inattendus par rapport à leur position politique (Argentine). Ces divers points impliquent des complicités, des liens secrets et officieux, entre les divers services, agences, armées, etc., de très nombreux pays, dans le bloc BAO bien sûr, mais aussi hors du bloc. Loin de faire penser à une sorte de complot mondial, l’ensemble laisse une impression de désordre planétaire et d’absence complète de contrôle des autorités politiques. Madsen a raison de comparer cette affaire à celle des livraisons clandestines US aux contras nicaraguayens, dans les années 1984-1986. Mais l’action clandestine décrite ici est infiniment plus globalisée, mieux organisée et quasi-officiellement si l’on peut dire, à cause de la présence active des services et agences, donc en essence très différente justement par le désordre et l’absence de contrôle.)

Si l’on fait une hypothèse acceptable du volume des armes transférées vers Kiev ne serait-ce que par ces vols de l’An-124/UR-82072 (rien n’interdisant évidemment de supposer, avec toutes les raisons du monde, que d’autres livraisons ont eu lieu, par d’autres vols ou d’autres moyens), on comprend effectivement que l’armée ukrainienne a déjà reçu des quantités importantes de systèmes divers en provenance du bloc BAO. Diverses mesures, au niveau du déploiement, des processus d’autodestruction, etc., peuvent avoir protégé ces systèmes de saisies spectaculaires par les séparatistes – outre que l’on ignore la politique de publicité ou non de telles éventuelles saisies que suivent ces mêmes séparatistes, notamment en fonction des pressions russes selon une politique qui s’est avérée jusqu’ici d’une prudence extrême et attentive à éviter toute provocation ou actes pouvant susciter une aggravation de la crise. Quoi qu’il en soit, la situation qui se révèle conduit à penser que, dans tous les cas, l’aide militaire occidentale à l’armée ukrainienne n’est en rien un facteur décisif pouvant changer les capacités de cette armée et la fortune actuelle de la guerre civile qui favorise les séparatistes. On peut donc avancer l’hypothèse que, si le bloc BAO, et les USA précisément, veulent une action militaire décisive contre les séparatistes, éventuellement pour forcer les Russes à une intervention plus directe, on en viendra à des engagements plus directs, c’est-à-dire des engagements de forces militaires du bloc BAO. Au reste, cet engagement devrait devenir inévitable si les livraisons de systèmes d’arme continuent et si des systèmes extrêmement avancés sont livrés, les USA notamment ne faisant aucune confiance à des forces non US pour le maniement de tels systèmes.

La conclusion générale de ces différents constats et hypothèses à partir du texte de Madsen et de ce qu’il nous dit de la situation en Ukraine, c’est que les faits sont très largement en avance sur les intentions pseudo-politiques, dans le sens de l’aggravation. Bien entendu, c’est bien peu de dire que le pouvoir politique a perdu le contrôle des événements puisqu’on sait bien qu’il ne l’a jamais eu… La crise ukrainienne présente aujourd’hui le cas extrême de la dissolution de toute action politique, dans tous les cas dans le chef du bloc BAO, bien plus que dans toutes les autres séries crisiques – y compris celles du Moyen-Orient. Le complet transfert de la non-politique vers la communication, c’est-à-dire vers les narratives, explique le décalage stupéfiant entre le discours des directions politiques et les vérités de situation qui se succèdent. La crise ukrainienne est sans aucun doute le modèle ultime de la crise hors de tout contrôle politique, c’est-à-dire hors de tout contrôle humain rationnel, pour s’en remettre aux seules impulsions des acteurs du système du technologisme (services, agences, etc.), agissant évidemment dans le sens de la dynamique surpuissante du Système. La crise ukrainienne est la crise-Système par définition et, pour cette raison, elle nous entraînera très, très loin, et elle dupliquera évidemment le sort du Système lui-même.

Note du traducteur :
*An Américain : rendition (extradition)

Traduction des parties en anglais Dominique Muselet, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone

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