…qu’essaie de relancer la guerre des étoiles de Reagan »
Par Moon of Alabama − Le 18 janvier 2019
Le 12 décembre 2001, le président Bush s’est retiré du traité sur les missiles anti-balistiques. En vertu du traité ABM de 1972, l’Union soviétique et les États-Unis étaient convenus de ne déployer qu’un seul système de missile antimissile balistique. Cette limite ayant disparue, les États-Unis ont commencé à mettre en place un système mondial de défense antimissile en Alaska et en Californie, conçu pour se défendre contre les missiles russes en approche.
Le président russe a mis en garde contre l’illusion qu’un tel système créerait :
« Depuis 2002, après le retrait unilatéral des États-Unis du Traité ABM, pierre angulaire de la sécurité internationale, de l’équilibre stratégique des forces et de la stabilité, la création du système américain de défense antimissile mondiale s’est poursuivie avec persistance », a déclaré le président russe. Selon lui, cela constitue une menace non seulement pour la sécurité de la Russie, mais également pour le monde entier, en raison du risque de rupture de cet équilibre des forces stratégique.
« Je pense que cela est également néfaste pour les États-Unis, car cela crée une dangereuse illusion d’invincibilité », a déclaré Poutine.
La Russie, comme d’autres pays, craignait que les États-Unis en viennent à croire qu’ils pourraient lancer une première frappe de grande envergure contre les armes stratégiques russes et utiliser leur défense antimissile pour éviter d’être frappés par une frappe de représailles russe moins importante. Cela a bouleversé l’équilibre de la destruction mutuelle assurée qui avait empêché, jusqu’à ce jour, une guerre nucléaire à grande échelle.
Le système mondial de défense antimissile installé par les États-Unis s’est révélé en grande partie inapte. Sur un total de dix tests soigneusement chorégraphiés, cinq ont complètement échoué, les autres étaient en grande partie irréalistes.
Néanmoins, la question a prévalu et les États-Unis ont continué à étendre leurs projets de défense antimissile. En conséquence, la Russie a lancé des programmes de recherche visant à créer un nouveau système d’armes qui serait à l’abri de toute défense antimissile. Le Président Poutine a présenté les nouvelles armes dans son discours sur l’état de la nation en mars 2018. Les systèmes comprennent des armes hypersoniques, des missiles de croisière à propulsion nucléaire et des torpilles à longue portée. Tous les experts s’accordent pour dire qu’il n’y a actuellement aucune défense possible contre les nouveaux systèmes russes.
Hier, l’administration Trump a publié le Missile Defense Review (pdf), conformément au mandat du Congrès. Ce rapport est plus belliciste que le dernier (pdf) publié en 2010 sous l’administration Obama. Les plans techniques n’y ont pas beaucoup changé. La nouvelle étude prévoit principalement davantage de recherches sur certains projets loufoques, tels que les lasers déployés dans l’espace, qui ne seront probablement jamais déployés.
Le rapport prouve également que la défense antimissile est un cornet de crème glacée qui se consomme lui-même. Il prend prétexte des nouveaux systèmes russes, construits en réaction aux nouveaux systèmes de défense antimissile américains, pour justifier davantage de défense antimissile américaine :
Les adversaires potentiels investissent considérablement dans leurs capacités en matière de missiles. Ils étendent leurs capacités de missiles dans trois directions différentes simultanément : augmenter les capacités de leurs systèmes de missiles existants ; ajouter à leur arsenal de nouveaux types de missiles ayant des capacités sans précédent ; et intégrer de plus en plus les missiles offensifs dans leurs menaces coercitives, leurs exercices militaires et leurs plans de guerre.
L’analyse vise à justifier une expansion de la défense antimissile même s’il est clair qu’il n’existe aucune défense contre les nouveaux systèmes russes et chinois à venir.
Trump a profité de l’occasion du lancement du rapport MDR pour exagérer les possibilités offertes par les nouveaux systèmes de défense antimissile :
Notre objectif est simple : nous pourrons détecter et détruire tout missile lancé contre les États-Unis, partout, à tout moment. …
Nous sommes déterminés à mettre en place un programme de défense antimissile capable de protéger toutes les villes des États-Unis. …
Mon prochain budget investira dans une couche de défense antimissile déployée dans l’espace. C’est une nouvelle technologie. En fin de compte, cela constituera une partie très importante de notre défense et, bien entendu, de notre attaque. Le système sera surveillé et nous mettrons en échec tout lancement de missile par des puissances hostiles, voire par des puissances qui se trompent. Cela n’arrivera pas. Peu importe le type de missile ou l’origine géographique de l’attaque, nous veillerons à ce que les missiles ennemis ne trouvent pas de sanctuaire sur la Terre ni dans les cieux au-dessus de nous.
Le but de Trump est une reprise de l’Initiative de Strategic Defense Initiative, surnommée par dérision Star Wars. Il comprenait des armes folles comme les « flèches de Dieu », des projectiles en tungstène de la taille d’un poteau télégraphique lancés depuis l’espace.
La mise en orbite terrestre basse de 1 kilogramme coûte entre 5 000 et 20 000 dollars. Ce ne sont que les coûts de transport, pas le coût de la charge de haute technologie elle-même, plus coûteuse. Une couche de défense antimissile dans l’espace couvrant toute la surface de la Terre à tout moment exigerait des milliers de systèmes, chacun pesant plusieurs tonnes. Les satellites à orbite basse nécessitent des remplacements permanents. Ils peuvent être détruits par des armes anti-satellites russes et chinoises. Un tel programme, même s’il était techniquement réalisable, ce qui n’est pas le cas, ruinerait les États-Unis.
Les lecteurs assidus de ce site se souviendront que nous avions prédit que Trump prendrait cette voie. Le 20 janvier, jour de l’investiture de Trump, nous avons écrit au sujet du lobby militaire qui a aidé Trump à remporter les élections :
L’armée exigera son dû au-delà des trois généraux actuellement dans le cabinet de Trump. Mais les soldats n’aiment pas partir en guerre. Cela signifie que Trump amplifiera la rhétorique belliqueuse contre certains pays étrangers mais qu’il ne déclenchera aucune guerre sérieuse. Attendez-vous à l’annonce d’une nouvelle arme militaire merveilleuse, nouvelle mais inutile, pour laquelle Trump promettra des milliers de milliards de dollars (la guerre des étoiles de Reagan revisitée).
En août 2017, nous avions prédit que Trump utiliserait le cas de la Corée du Nord pour plaider en faveur de sa reprise de la saga Star Wars de Reagan :
Le candidat qui aimerait ressembler à Reagan, actuellement à la Maison Blanche, pourrait relancer l’Initiative de défense stratégique de Reagan (SDI), surnommée « Star Wars », lancée pour la première fois en 1984. SDI était le rêve coûteux mais irréaliste de lasers dans l’espace et autres gadgets similaires. Dans le cadre de la SDI, l’armée américaine a dépensé des centaines de milliards de dollars pour un système mondial de défense antimissile balistique, censé défendre le continent américain contre tout missile intercontinental. Le programme a été enterré au début des années 1990. Un fils de Star Wars a survécu. Il s’agit du National Missile Defense (NMD) avec 40 intercepteurs en Alaska et en Californie. Cela n’a jamais bien fonctionné et ne fonctionnera probablement jamais. Si NMD fonctionnait comme promis, il n’y aurait aucune raison de craindre les ICBM nord-coréens. La défense antimissile est en grande partie une arnaque pour transférer des milliards de dollars des contribuables américains vers divers conglomérats producteurs d’armes.
Je pense que la « menace » nord-coréenne sera bientôt utilisée pour lancer « SDI – Le Retour », une autre tentative de militarisation de l’espace avec des milliards de dollars investis dans des projets de « défense » futuristes mais inutiles. Cela apaisera le chagrin du Pentagone devant le succès remporté par la Corée du Nord en dépit de décennies de tentatives américaines pour soumettre cet État.
Le premier pays que la nouvelle National Missile Defense a nommé « Menaces actuelles et futures en matière de missiles pour la patrie américaine » est bien sûr la Corée du Nord. Viennent ensuite l’Iran, la Russie et la Chine.
Pourquoi l’Iran est mentionné n’est pas clair. Il possède des capacités régionales en matière de missiles, mais ni les armes nucléaires, ni la technologie, ni l’intention de construire un missile intercontinental pouvant atteindre les États-Unis :
Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a limité la portée des missiles balistiques fabriqués dans le pays à 2 000 kilomètres (1.240 miles), a déclaré le chef des gardes révolutionnaires paramilitaires ..
Il est probable que le conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, qui en 2001 était à l’origine du retrait de Bush du traité ABM, a poussé à inclure l’Iran dans le rapport sur la défense antimissile.
En tous cas, pas grand chose ne sortira du rêve de Trump de disposer de nouveaux jouets, si ce n’est un flot d’argent pour les laboratoires de recherche et les fabricants d’armes qui imagineront les systèmes les plus cinglés mais ne parviendront jamais à atteindre l’objectif de Trump.
La Russie a montré comment même une défense antimissile efficace peut être contournée et d’autres suivront son chemin.
L’ « illusion d’invincibilité » des États Unis n’est que cela : un rêve.
Moon of Alabama
Traduit par jj, relu par Hervé pour le Saker Francophone