Un dernier regard sur l’économie réelle avant qu’elle n’implose – Partie 2

Par Brandon Smith – Le 11 mars 2015 – Source www.altmarket.com

Partie 1.

Les dépenses de consommation aux États-Unis représentent environ 70% du produit intérieur brut, mais il est important de noter que la manière dont officiellement le PIB est calculé est très imprécise. Par exemple, tout l’argent du gouvernement utilisé dans le système de couverture Medicare qui paye pour les demandes de santé des consommateurs, ainsi que le programme d’aide sociale Obamacare, devenu un fléau, sont comptés dans le PIB, malgré le fait que ce capital est créé à partir de rien par la Réserve fédérale et génère également une dette pour le contribuable moyen. La création d’une dette par le gouvernement n’engendre pas d’amélioration de la production nationale. Si c’était une réalité, alors tous les pays socialistes et communistes (même chose) seraient largement enrichis aujourd’hui. Ce n’est tout simplement pas le cas.


Cela dit, le déclin rapide des emplois dans la production de biens aux États-Unis au cours des deux dernières décennies, y compris une baisse globale importante de 33% des emplois du secteur manufacturier de 2001 à 2010, ne laisse que les secteurs de la consommation et des services comme principaux pourvoyeurs d’emplois et de productions. Le secteur des services fournit environ trois quarts des emplois disponibles aux États-Unis, selon le Bureau of Labor Statistics (BLS).

La vérité est que l’Amérique produit en fait très peu de biens tangibles en dehors des Big Mac, des produits pharmaceutiques et occasionnellement d’un avion de combat trop cher qui ne fonctionne pas correctement et qui est rempli de pièces chinoises. Tous trois nous tueront chacun à leur rythme …

Dans la première partie de cette série d’article, j’ai exposé l’état réel de la demande mondiale, ainsi que la situation instable de nombreux indicateurs des exportations au détail. La demande mondiale en chute rapide pour les matières premières ainsi que pour les biens de consommation est une réalité indéniable. Le problème est distinct, si on se focalise sur les États-Unis, qui ont été, jusqu’à récemment, le pilote de la consommation primaire d’une grande partie du monde. Comme j’ai l’intention de le montrer, la demande américaine est sur le point de descendre encore plus loin dans l’abîme alors que le chômage réel et les dettes personnelles prennent de l’ampleur.

Maintenant, il est probablement important d’aborder les mensonges présentés dans le grand public et par le BLS en termes de statistiques du chômage parce que même après des années de démystification des statistiques officielles par des analystes alternatifs, sur leur mode de calcul notamment, on continue à entendre toujours les mêmes arguments répétés comme des perroquets par des agents de désinformation et des idiots utiles à leur insu.

Ces gens continuent de parader en vantant les derniers rapports du BLS sur la création d’emplois en faisant valoir que tout va bien parce que le taux de chômage a chuté à 5,5% alors que les autres parlent de sinistrose. Donc, une fois de plus, je dois rapporter le fait que les chiffres actuels sont une imposture totale du BLS.

Les statistiques officielles du chômage sont données au travers de méthodes de calcul fallacieuses qui ont été introduites dans les années 1990, juste avant l’éclatement de la bulle Internet; l’introduction de taux d’intérêt artificiellement bas, ce qui a créé la crise des produits dérivés; et le déraillement des équilibres du système financier américain, qui ont eu lieu depuis.

Alors, qui est considéré comme employé et qui ne l’est pas du point de vue du BLS?

Sur les 102 millions d’Américains en âge de travailler et sans travail aujourd’hui, seulement 8,7 millions sont comptés par le BLS comme chômeurs. Sur l’ensemble des Américains en âge de travailler, plus de 92 millions sont sans emploi et ne sont pas comptés par le BLS comme chômeurs. Pourquoi?

Eh bien, si vous avez jamais lu les sites de propagande officielle comme FactCheck ou Poltifact, l’argument essentiel est que ces 92 millions d’Américains ne sont pas comptés parce qu’ils refusent de participer, non pas parce qu’ils ne peuvent pas trouver un emploi convenable et non pas parce que le gouvernement déforme les chiffres. Oui, c’est vrai, 92 millions d’Américains ne comptent pas parce que, clairement, ils ne veulent pas travailler.

Donc, premièrement, je voudrais demander comment il se fait que le BLS en vient à la conclusion que près d’un tiers de la population américaine ne veut pas travailler? Est-ce par ses prétendues enquêtes auprès des ménages? Les enquêtes, tout comme les sondages d’opinion publique, peuvent être facilement manipulés pour mettre en avant le biais voulu, notamment en changeant simplement la façon dont les questions sont formulées. Je serais vraiment ravi de voir les données brutes de ces sondages avant que le BLS n’y ajoute sa propre sauce.

Deuxièmement, même si ces allégations étaient vraies, que des dizaines de millions d’Américains ne veulent pas travailler, pourquoi cette question? Ne devraient-ils pas encore être comptés comme chômeurs afin de montrer une image la plus précise possible de notre situation économique? Ces 92 millions d’Américains apparemment en grève de longue durée de travail et de productivité ont sans doute un effet très négatif sur le PIB réel. Et, évidemment, ils doivent survivre d’une façon ou d’une autre. Est-ce que ces 92 millions de personnes n’ont pas besoin d’aide gouvernementale au travers des bons alimentaires et du système de santé? Est-ce que ces questions ne devraient pas concerner le BLS en terme d’image économique globale?

Troisièmement, si l’affirmation est que 92 millions de gens ne veulent pas d’emplois, alors par extension le BLS devrait démontrer que ces millions de personnes pourraient en effet obtenir un emploi si elles avaient tout simplement essayé d’en obtenir un. Où sont ces dizaines de millions d’emplois que les Américains refusent de demander et qui pourraient leur offrir une paye?

Quatrièmement, une déclaration fausse associée à la demande de refus de participer est que beaucoup de ces Américains sont des adolescents à l’école (16 à 18 ans) et de possibles retraités (55 ans ou plus). Le BLS et les grands médias supposent tout simplement que ces gens ne veulent pas d’emploi et ne doivent pas être comptés comme chômeurs. Bien sûr, le BLS inclut ces personnes dans ses statistiques quand elles ont un emploi. Ainsi, selon le BLS, si vous avez 16 ans, ou 55 ou 65, et que vous avez un emploi, alors vous comptez. Sinon vous ne comptez pas. Voici comment ça fonctionne!

Cinquièmement, des millions d’Américains perdent des prestations de chômage de longue durée chaque trimestre et sont retirés des statistiques du BLS. Beaucoup d’entre eux ne sont pas des adolescents ou des retraités. Ce sont des adultes en âge de travailler qui désormais n’ont plus de rampe de lancement réelle pour progresser dans leur carrière ou leur vie, et qui devraient être pleinement motivés pour obtenir un travail si les emplois étaient si facilement accessibles. Encore une fois, où sont ces emplois qui font dire que des gens dans la force de l’âge refusent de travailler?

Le BLS écarte aussi invariablement les Américains en âge de travailler qui entrent sur le marché du travail alors qu’il se vante d’emplois créés dans le public. La croissance du nombre des emplois ne contrebalance pas le nombre de nouveaux arrivants chaque mois avec le nombre d’emplois supposés mis à leur disposition, créant ainsi un malentendu à propos de la façon dont beaucoup de nouveaux emplois sont effectivement nécessaires pour maintenir l’économie fonctionnelle.

Un autre facteur important à observer dans les statistiques du travail du gouvernement est la question du travail à temps partiel. Lorsque le BLS publie ses statistiques mensuelles sur le chômage, il oublie largement de promouvoir ou commenter le fait que 18% à 20% de ceux portant la mention salarié sont considérés comme employés à temps partiel. Le BLS définit comme telle toute personne qui travaille de 1 à 34 heures par semaine. Oui, si vous travaillez une heure par semaine, vous avez contribué à faire baisser le taux de chômage global des États-Unis à un fantastique 5,5%, même si vous avez probablement une capacité nulle à vous soutenir financièrement, et encore moins à soutenir une famille.

Qu’est-ce que le chiffre de chômage de 5,5% représente effectivement à un niveau fondamental, où le monde réel importe, plutôt que le monde des calculs hypothétiques? Pas grand chose. Le chiffre est absolument et sans équivoque vide de sens.

Si l’on devait calculer le chômage en utilisant les méthodes d’avant 1990, comme le font des sites Web comme Shadowstats.com, compter les mesures U-6 (équivalent des catégories A, B, … en France, NdT) ainsi que le sous-emploi, vous arrivez à un taux de chômage aux États-Unis proche de 23%.

Beaucoup de ces travailleurs dans le secteur des services à l’extrémité supérieure du spectre des temps partiel / temps plein ne peuvent toujours pas être financièrement autonomes en raison de la baisse des salaires, de la hausse des prix et de la croissance de la dette, ce qui m’amène à l’autre problème imminent.

Au-delà du chômage comme destructeur de la demande des consommateurs, il y a aussi la dette personnelle. Une grande partie de l’accent mis par les économistes officiels et alternatifs tourne autour de la dette nationale (je vais couvrir les nombreux mensonges entourant la dette nationale dans mon prochain article). Toutefois, les effets sur la demande des produits de base sont beaucoup plus clairs quand on examine les passifs des ménages. Selon les moyennes fournies par les statistiques du gouvernement (ce qui signifie que les chiffres réels sont probablement bien pires), le ménage américain moyen possède une dette entre 10.000 et 15.000 $ sur sa carte de crédit, 155.000 $ de dette hypothécaire et 32.000 $ de dette de prêt étudiant.

Les Américains devaient près de 12.000 milliards globalement en 2014, soit une augmentation de 3,3% depuis 2013. Les baisses de certaines dettes, y compris la baisse des dettes des cartes de crédit depuis 2011, sont attribuées à de nombreux défauts, non à des remboursements.

Ce que nous avons ici est une combinaison fiscale mortelle; à savoir la combinaison d’un chômage réel à des niveaux durablement élevés et de dettes personnelles réelles à des niveaux insoutenables. C’est la raison principale qui se cache derrière l’effondrement de la demande mondiale qui a été discutée dans le premier épisode de cette série. Avec des consommateurs US qui ne sont plus capables de soutenir leurs habitudes de consommation historiques et avec le squelette inflexible de l’économie américaine dépendant, en particulier, de la dynamique de consommation comme les années précédentes, le système a peu de solutions de rechange.

Ce n’est pas nécessairement une nouvelle tendance; mais il y a dix ans, les Américains étaient en mesure de compenser leur pouvoir d’achat en baisse en comptant sur un endettement massif au travers des facilités de crédit de la Réserve fédérale, qui alimentaient des prêts bancaires douteux. Ils n’ont plus cette option; ainsi, la consommation va se dégrader (et elle se dégrade), au point que la structure financière actuelle, coincée dans sa rigide et fragile dynamique, va s’effondrer. Il n’y a pas moyen de passer au travers.

Comme indiqué dans mon dernier article, les chiffres donnés ici sont dans la plupart des cas, des statistiques produites par le système. Un argument fréquent chez les apologistes de l’État et les propagandistes est que nous, dans le domaine économique alternatif, devrions être étiqueté comme hypocrites si nous démystifions quelques statistiques officielles tout en en utilisant d’autres comme points de référence. Je voudrais dire clairement encore une fois que ce sont des contradictions au sein des propres chiffres du gouvernement et j’affirme que les analystes alternatifs sont juste plus concernés par la situation réelle. Mon point de vue est que lorsque les chiffres traditionnels reflètent effectivement les tendances économiques négatives, ils devraient être multipliés par un facteur conséquent. C’est-à-dire, que lorsque les bureaucrates du gouvernement et les maîtres des narratives admettent enfin que les choses vont mal, elles sont en fait bien pires que celle indiquées au début de l’histoire.

Quelques statistiques ordinaires sont carrément frauduleuses; certaines sont à moitié vraies; d’autres sont plutôt cachées dans les méandres des sites grand public. Entre les lignes de l’ensemble de ces informations, bonnes et mauvaises, les économistes alternatifs tentent de discerner autant de vérités fondamentales que possible. Comme cette série continue, je crois que les nouveaux lecteurs du Mouvement Liberté, ainsi que des militants de longue date, auront une image plus large et plus complète de notre situation financière et en viendront à la même conclusion que moi: que la manière dont nous vivons aujourd’hui est sur le point de changer radicalement, et que ce changement nous est caché volontairement par ceux qui souhaitent utiliser une tactique financière de choc et d’effroi pour leur procurer un avantage décisif.

Traduit par Hervé, relu par Diane et jj pour le Saker Francophone.

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