Par Andrew Korybko – Le 2 novembre 2018 – Source orientalreview.org
Trump a ordonné le déploiement de 5200 soldats américains à la frontière mexicaine, pour contrer l’approche de la caravane de migrants. Certains craignent qu’il ne décide d’actions offensives.
Les apparences indiquent que Trump pourrait bien préparer une incursion limitée sur le territoire du Mexique, pour empêcher la caravane d’atteindre le sol américain. Ann Coulter, commentatrice conservatrice controversée, ainsi que certains des soutiens du président sur Twitter, l’ont exhorté de prendre cette décision, et l’ont même supplié de bombarder la colonne humaine avant qu’elle n’atteigne la frontière. La description faite par Trump sur Twitter d’une « invasion de notre pays » a soulevé des questions : irait-il jusqu’à ordonner aux soldats de répondre à l’événement selon les mêmes modalités qu’à une vraie invasion ? Kirstjen Nielsen, ministre de l’Intérieur [homeland security secretary, NdT], a déclaré que « nous n’avons aucune intention à ce stade d’ouvrir le feu sur les personnes », pour ajouter que « si elles pénètrent ici illégalement sans raison légitime de rester, elles seront sans aucun doute appréhendées et renvoyées immédiatement », non sans réaffirmer également que les instances de surveillance des frontières « ont bien entendu les capacités de se défendre ».
Trump a semblé partager ces pensées, lorsqu’il a déclaré que le gouvernement prévoyait d’ériger des « villes-tentes » pour héberger les demandeurs d’asile légitimes en attente de traitement, et celles-ci pourraient survenir rapidement, puisqu’il a émis le décret présidentiel cette année en ce sens au moment des événements de la première crise de la caravane. Tout ceci semble confirmer ce que Vox déclarait : pour des raisons légales limitant leur portée d’action, les soldats vont probablement jouer un rôle logistique important, en opposition avec l’image d’affrontement à laquelle de nombreuses personnes s’attendent. Mais dans l’ensemble, ce déploiement va dans le sens de la promesse de Trump d’améliorer la sécurité aux frontières, face à ce que Kelly M. Greenhill décrit comme un modèle d’« armes de migration de masse ». Ce modèle prendrait d’ailleurs du corps si les affirmations de Pence s’avéraient fondées, selon qui des groupes de gauchistes ou du Vénézuéla assureraient le financement de la caravane.
Des preuves circonstancielles semblent au demeurant venir étayer cette thèse, si l’on tient compte du fait que nombre de migrants ont tout bonnement refusé les propositions généreuses du Mexique, qui leur offrait un abri, des soins médicaux, des services d’éducation, et même du travail – ces migrants ont insisté pour qu’on les laisse passer vers les USA. Ce comportement est éminemment suspect, pour de vrais chercheurs d’asile fuyant la tourmente de leur pays natal et en recherche de sécurité. Cette réaction étrange donne du crédit aux thèses qui affirment que des forces obscures financent le trajet de ces migrants avec des objectifs politiques en tête, et explique pourquoi Trump s’est senti obligé de sévir contre l’immigration illégale, pour contrer leur passage de ses frontières, et celui de toute autre caravane clone. Non seulement ils vont être pris en charge par l’armée, et placés en détention dans les « villes-tentes », mais Trump veut également modifier la loi par décret présidentiel, afin de supprimer le concept controversé de « citoyenneté du sol », dont abusent certains ressortissants étrangers en déclarant opportunément un « bébé ancre » né sur le sol américain, qui leur permet dès lors de profiter d’une « migration en chaîne ».
Selon toutes probabilités, Trump ne s’apprête pas du tout à envahir le Mexique, mais s’emploie plutôt à renforcer les frontières des États-Unis pour empêcher son invasion depuis le Mexique d’« armes de migration de masse ». Toutes ses décisions apparaissent alignées vers cet objectif, qu’il s’agisse de la militarisation de la frontière, de la construction de « villes-tentes », du traitement accéléré des demandeurs d’asile ; et il fait ce qu’il peut au passage pour retirer de la constitution américaine l’interprétation du « bébé ancre », suite aux abus qu’elle a permis. Si l’on considère ces actions dans leur ensemble, les choix de Trump envers l’immigration illégale visent à servir de dissuasion, pour mettre fin à ces flots humains à grande échelle avant même que son célèbre mur ne soit construit à la frontière. Dans le cas improbable où les membres supposés de gangs, ou d’autres provocateurs au sein de la caravane aillent à l’affrontement face aux soldats américains, il ne fait aucun doute que les USA répondraient, mais il reste extrêmement peu probable que le territoire mexicain soit envahi.
Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Radio Sputnik le vendredi 2 novembre 2018.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Vincent, relu par Cat pour le Saker Francophone