La Transcarpatie et le Front de l’Ouest


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Par Andrew Korybko – Le 18 décembre 2017 – Source Oriental Review

Péter Szijjártó OSCELe ministre des Affaires étrangères Peter Szijjarto a pris la parole lors d’une réunion de l’OSCE à Vienne la semaine dernière pour demander à l’organisation d’envoyer une mission spéciale de surveillance dans la région occidentale de Transcarpatie en faisant valoir que les manifestations anti-hongroises ont rendu nécessaire que la communauté internationale garde un œil sur la situation. Il a également précisé que Budapest interprète la nouvelle loi linguistique de Kiev comme étant discriminatoire à l’égard de la minorité hongroise dans la région. Son gouvernement ne réussira probablement pas à faire que l’Ukraine revienne sur sa législation ultranationaliste, ni à faire pression sur l’OSCE pour envoyer préventivement une mission spéciale de surveillance en Transcarpatie avant que la situation ne s’aggrave. Mais ses commentaires ont attiré l’attention sur ces deux questions liées et cela a confirmé que la Hongrie ne soutiendra pas les aspirations institutionnelles pro-occidentales de l’Ukraine à court terme, jusqu’à ce que ces problèmes soient résolus.


Map of the Ukrainian Transcarpathia
En fait, la déclaration de Szijjarto suggère que la situation internationale entre les deux États voisins pourrait même se détériorer davantage. Les observateurs doivent garder à l’esprit que la Hongrie a pour politique de soutenir les Hongrois ethniques dans ce que l’on pourrait appeler le « proche étranger » du pays par la délivrance de passeports et d’aide au développement socio-économique. Selon Budapest, plus de 3 millions de ses compatriotes ont été injustement laissés à l’extérieur de leur patrie à la suite du traité de Trianon de 1920 qui a officiellement démantelé les terres de la Couronne de Saint-Étienne, le nom attribué officiellement à la Hongrie quand elle a rejoint l’Autriche dans leur double monarchie. Ce n’est que ces dernières années, sous le gouvernement du Premier ministre Viktor Orban, que l’État est devenu assez confiant dans son soft power et sa puissance économique pour faire de sérieux efforts afin de réintégrer informellement ces personnes dans le contexte plus large de la société hongroise.

En ce qui concerne l’Ukraine, environ 12% de la population de Transcarpatie est d’origine hongroise, soit environ 150 000 personnes vivant très près de la frontière de leur État éponyme et faisant partie de sa civilisation depuis plus d’un millénaire. Outre la signification émotionnelle et historique que leur bien-être confère à Budapest, la préoccupation croissante de la Hongrie pour ses droits et sa sécurité symbolise l’émergence d’un soi-disant « front occidental » pour compléter le front « oriental » que la Russie a ouvert de l’autre côté du pays lors de sa réunification avec la Crimée et en étendant son soutien politico-moral aux rebelles du Donbass. Du point de vue de Kiev, ses populations périphériques posent des problèmes pour l’unité nationale, bien que cela soit entièrement dû au fait que les dirigeants ultra-nationalistes les menacent, les spolient de leurs droits existants et les forcent à participer à l’« ukrainisation ».

Il est facile pour l’Occident de faire du soutien de la Russie à ses propres compatriotes une nouvelle forme d’« impérialisme » mais il est relativement plus difficile pour eux de le faire quand il s’agit de la Hongrie, membre de l’UE et de l’OTAN. C’est pourquoi les États-Unis se sont alliés avec Soros contre Orban en essayant de le dépeindre comme un « dictateur non libéral ». Les États-Unis craignent que les intérêts humanitaires de Budapest en Transcarpatie puissent « déstabiliser » l’Ukraine, déjà fragile, ignorant le fait que les problèmes dans ce coin du pays sont du fait de Kiev. Ils savent que s’ils ne stoppent pas la Hongrie rapidement, ce n’est qu’une question de temps avant que les partenaires d’Orban des Trois Mers, la Roumanie et la Pologne, se sentent suffisamment à l’aise pour soulever la question des droits et de la sécurité de leurs propres minorités et transformer le soi-disant « Front occidental » en une force sur laquelle il faut compter.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie « Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime » (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

Traduit par Hervé et relu par Cat pour le Saker Francophone

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