Par Moon of Alabama – Le 8 juin 2018
Les Syriens et les Irakiens croient que l’État islamique (EI) est un instrument utilisé par les États-Unis dans leur propre intérêt. L’attaque de l’EI d’aujourd’hui contre les forces du gouvernement syrien va renforcer leur sentiment.
Depuis novembre 2017, les États-Unis et leurs forces par procuration dans le nord-est de la Syrie n’ont absolument rien fait contre EI dans l’est de la Syrie, au nord de l’Euphrate. Les frappes aériennes américaines ont cessé et l’emprise territoriale de l’EI n’a pas bougé d’un iota.
En février, des forces tribales locales alignées sur le gouvernement syrien ont traversé l’Euphrate du sud au nord afin d’attaquer la poche de l’EI et de prendre le contrôle d’un champ pétrolier. Les États-Unis ont prétendu que les forces kurdes du FDS étaient attaquées par le groupe allié au gouvernement syrien. Curieusement, personne dans le camp des États-Unis et de leurs mandataires n’a été blessé. Mais rapidement, un grand nombre de moyens aériens américains sont arrivés et ont réduit le groupe syrien en cendres.
L’EI, dans son enclave nord-est, sert de justification à la poursuite de l’occupation étasunienne. Mais lorsque les forces gouvernementales syriennes ont attaqué les forces de l’EI, les États-Unis ont prétendu que seules leurs forces se trouvaient là. Le 6 juin, six mois après que les États-Unis ont cessé d’attaquer l’EI, le secrétaire américain à la Défense Mattis a finalement annoncé que les forces par procuration étasuniennes avaient repris le combat :
« Il y a 48 heures, la FDS, la force de coalition et — conseillant la Force démocratique syrienne, ont repris leur offensive contre l’une des dernières poches de l’EI. »
Aucun reporter n’a encore fait état de cette nouvelle offensive contre EI.
Selon Mattis, l’offensive a repris le 4 juin. Juste la nuit avant la reprise de l’opération américaine, plusieurs centaines de combattants de l’EI bien reposés ont traversé l’Euphrate en direction du sud et attaqué les forces gouvernementales syriennes sur la rive sud.
Ils ont brièvement interrompu la circulation sur la route qui mène de la ville de Deir Ezzor à Abu Kamal sur la frontière syro-irakienne et se sont ensuite planqués dans des fermes locales.
La nuit dernière, ces forces sont sorties de leurs planques, se sont déplacées vers le sud-est et ont attaqué la ville frontalière d’Abu Kamal :
« EI a utilisé au moins 10 kamikazes vendredi dans une attaque massive sur Albu Kamal, au cours de laquelle il a repris des parties de la ville syrienne orientale », a déclaré un observateur.
Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, au moins 25 combattants gouvernementaux et alliés ont été tués au cours de l’offensive, le plus important groupe de combattants depuis des mois.
Le passage frontalier entre Abu Kamal en Syrie et sa ville sœur Al Qaim en Irak est la seule route ouverte qui relie les parties de Syrie tenues par le gouvernement à l’Irak.
Il y a un autre point de passage important plus au sud-ouest, al-Tanf, mais il est illégalement occupé par les forces étasuniennes.
Beaucoup soupçonnent les États-Unis d’avoir organisé l’attaque actuelle de l’EI contre Abu Kamal pour prendre le contrôle du point de passage et couper cette route qui permet à l’Iran de ravitailler la Syrie via l’Irak. Les soupçons se trouvent renforcés en entendant les analystes militaires américains s’interroger ouvertement sur les nouvelles opportunités qu’ouvre le mouvement du groupe EI :
Nicholas A Heras @NicholasAHeras – 16:35 UTC – 8 juin 2018
Si #EI prend #AlbuKamal près de la frontière #Syro / #Irakienne à l’Alliance #Assad, est-ce que #CJTFOIR 1 qui travaille avec la #FDS essaiera de le lui prendre à son tour ? La zone US en E #Syrie pourrait augmenter par osmose, mais est-ce que #Trump le souhaite alors qu’il essaie de sortir de Syrie et non pas d’entrer plus profondément en Syrie ? #Daesh #Iran
L’EI traverse l’Euphrate et prend Abu Kamal. Les États-Unis « attaquent » alors l’EI à Abu Kamal et s’emparent de la ville frontalière. Ils tiendraient ainsi les deux principaux points de passage routiers entre les parties de la Syrie détenues par le gouvernement et l’Irak. Le très redouté « couloir iranien » de Téhéran à Beyrouth serait coupé. Cela permettrait de continuer à entraver les échanges économiques entre la Syrie et l’Irak. Cela donnerait plus de poids aux États-Unis dans de futures négociations sur un « changement de régime ».
Tout cela ressemble à un plan.
Il ne faut pas laisser les États-Unis utiliser le prétexte de l’EI pour prendre Abu Kamal. Le gouvernement syrien doit se dépêcher d’aller soutenir ses forces dans la ville frontalière. Il doit immédiatement demander à l’Irak d’envoyer les forces qui se trouvent à d’Al-Qaim, de l’autre côté de la frontière, pour soutenir les troupes syriennes en danger.
La prise du passage frontalier serait une catastrophe qui ne ferait que prolonger la guerre.
Traduction : Dominique Muselet
Note