L’affrontement entre la Turquie et la Russie se poursuit
Par Moon of Alabama – Le 25 février 2020
L’armée arabe syrienne poursuit sa campagne pour libérer le gouvernorat d’Idleb. La principale zone d’opération actuelle se situe au sud-est de la zone tenue par les terroristes que l’armée syrienne attaque en poussant vers le nord et l’ouest. L’objectif de l’opération est de placer l’autoroute M4, allant de Lattaquié à Alep, sous le contrôle du gouvernement.
Au cours des deux derniers jours, plus de 20 villes et villages du sud-est ont été libérés. Les lignes ennemies dans la région se sont effondrées et ce qu’il reste de résistance n’est pas vaillante.
Un combattant et « correspondant de guerre » du côté des « rebelles » explique pourquoi l’armée syrienne peut progresser si rapidement :
Les Russes utilisent très bien leurs drones de reconnaissance, ce qui vous empêche de déplacer vos forces sur les lignes de front et d’utiliser vos voies de ravitaillement comme vous le souhaitez. Tout ce que le drone voit en mouvement est touché au bout de 2-3 minutes maximum par les avions de guerre russes. Je pense et j’espère que maintenant que les lignes de front sont des zones plus vallonnées et montagneuses, les militants d’Assad, soutenus par les Russes et les Iraniens, auront plus de difficultés et devront faire face à une résistance beaucoup plus forte de la part des factions combattantes.
Les montagnes ne sont pas un problème pour les avions et les drones.
D’autres combats se déroulent à l’ouest de Saraqib, dans la ville de Nayarb, au bord de l’autoroute M4. Des forces terroristes soutenues par la Turquie y ont contre-attaqué et, la semaine dernière, Nayarb a changé de mains à quatre reprises. Elle est actuellement considérée comme un no man’s land.
Le plan turc est visiblement de reconquérir Saraqib et d’interrompre ainsi le trafic sur l’autoroute M5 que l’armée syrienne vient juste de libérer et de rouvrir au trafic civil. Mais toutes les attaques se sont enlisées à Nayarb et une grande partie du nouveau matériel turc utilisé a été détruit.
Depuis son invasion d’Idleb, la Turquie a équipé ses mercenaires et les terroristes de Hayat Tahrir al Sham (HTS) de véhicules de transport d’infanterie M-113 de fabrication américaine et de blindés d’infanterie légers. Ils ont également reçu d’autres missiles antichars. L’armée turque les soutient avec de l’artillerie. L’armée turque a également tiré avec des armes portables de défense aérienne (MANPAD) contre des hélicoptères syriens et des avions de guerre russes. Dans la journée, un drone turc qui avait pénétré dans l’espace aérien syrien a été abattu.
Plusieurs convois turcs qui tentaient de se déplacer vers le sud ont été attaqués par l’aviation russe. La Russie a affirmé qu’au moins 13 soldats turcs sont morts ou ont été blessées hier mais la Turquie n’a pas donné d’information à ce sujet.
Aujourd’hui, l’aéroport militaire près de Taftanaz, au nord de Saraqib, a été bombardé par des avions syriens et russes. L’aéroport n’est pas utilisé mais l’armée turque s’en servait de position d’artillerie et centre de logistique.
Les Russes semblent avoir rendu au contingent syrien les avions qui avaient été retirés auparavant [probablement pour maintenance, NdSF]. Ils sont actuellement de retour et effectuent plus de 200 missions par jour.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan est toujours en conflit avec la Russie au sujet de la campagne de l’armée syrienne. Il ne parviendra à aucun nouvel accord s’il ne s’engage pas sur les points proposés par la Russie :
- Bande frontalière de 16 km à Idlib sous contrôle turc.
- La Russie contrôle le passage entre la bande d’Idlib et Afrin.
- M4 et M5 ouvertes sous la supervision conjointe russo-turque.
- Retrait des postes d’observation vers la bande frontalière.
Une tentative d’organiser une réunion le 5 mars avec la France, l’Allemagne, la Turquie et la Russie n’a pas encore été acceptée par la partie russe. Elle serait probablement inutile car la Russie n’a rien à gagner à changer sa position.
Aujourd’hui, le ministre russe des affaires étrangères, Sergey Lavrov, a de nouveau défendu le point de vue russe dans un discours au Conseil des droits de l’homme des Nations unies :
Selon lui, la communauté internationale et le Conseil des droits de l’homme doivent créer une barrière contre les extrémistes car certaines forces tendent à justifier les atrocités des groupes radicaux et terroristes. « Sinon, il est difficile d’expliquer leurs déclarations sur une éventuelle trêve avec les bandits, qui sont faites lors des discussions sur la situation à Idleb », a souligné M. Lavrov. « Cela n’a rien à voir avec les préoccupations relatives aux droits de l’homme, c’est une capitulation devant les terroristes, ce qui les encouragerait à continuer à violer de manière flagrante les conventions universelles et les nombreuses résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies », a ajouté le Ministre russe des Affaires étrangères.
Les États-Unis ont clairement fait savoir qu’ils ne soutiendraient pas l’aventure syrienne d’Erdogan, sauf avec des mots. Cela a été évident la semaine dernière lorsque le porte-parole de la campagne américaine anti-ISIS a déclaré que le gouvernorat d’Idleb est un « aimant » pour les groupes terroristes qui sont une « nuisance, une menace et un danger » pour des centaines de milliers de civils en Syrie.
La menace d’Erdogan d’attaquer avec toute son armée si la Syrie ne se retire pas sur les lignes antérieures d’ici le 1er mars est évidemment creuse. L’armée de l’air russe pulvériserait les forces turques avant qu’elles n’atteignent les lignes de front.
Erdogan est dans une position difficile. S’il ordonne à son armée d’attaquer en force, il devra justifier les très lourdes pertes probables dans une guerre qu’il ne pourra pas gagner. S’il change sa rhétorique agressive et accepte les points de vue russes, les nationalistes qui le soutiennent encore auront de nouveaux doutes sur ses qualités de dirigeant.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone