Syrie. L’armée libère le Maarat al-Numan


Mais les États-Unis insistent pour garder le contrôle de la région


Par Moon of Alabama – Le 28 janvier 2020

Aujourd’hui, l’armée arabe syrienne a libéré la ville de Maarat al-Numan, au sud-est d’Idleb. Avant la guerre, la ville comptait environ 60 000 habitants. Cette libération a eu lieu après plusieurs semaines de progrès constants au cours desquelles deux douzaines de villages ont été repris aux djihadistes qui dirigeaient la région d’Idleb.

Sud-est d’Idleb. Le 28 janvier 2020 – Agrandir

Venant de l’est, l’armée syrienne a traversé l’autoroute M5 au nord et au sud de la ville en un mouvement de pince. Les djihadistes qui tenaient la ville ont fui vers l’ouest en direction de Kafranabel et Al Barah sur les seules routes qui restaient pour sortir. La ville elle-même a été prise sans combat. La carte ci-dessus ne reflète pas encore cette dernière évolution. Les photos prises par un photographe russe montrent les troupes syriennes à l’intérieur de la ville. La campagne de bombardement qui a précédé l’attaque a causé d’importants dégâts dans la ville.

Selon un producteur de la BBC en Syrie, les djihadistes ont confirmé la prise de contrôle :

Riam Dalati @Dalatrm - 14:36 – 28 Janvier 2020

#Les comptes des rebelles syriens semblent confirmer le récit pro-régime de la prise de contrôle de MaaratalNuman. "Cher Dieu, nous plaçons Maarat sous votre garde. S'il vous plaît, préservez-le avec soin". Une répétition de la prise de #KhanSheikhoun quand #HTS avait évacué pendant la nuit par une brèche intentionnelle de la #SAA.

Le mouvement coupe un point d’observation turc au sud de Maarat al Nunman. C’est le troisième point de ce type qui est maintenant entouré par les forces gouvernementales syriennes. Plus tôt dans la journée, un convoi d’une trentaine de véhicules turcs était entré dans le gouvernorat d’Idleb en provenance de Turquie. Ils devraient ériger un nouveau point d’observation près de Saraqib où les autoroutes M4 et M5 se rejoignent. Saraqib sera la prochaine cible de la campagne de l’armée syrienne.

Cette avance intervient alors que le gouvernement turc engage des djihadistes d’Idleb pour les envoyer en Libye comme mercenaires au côté du soi-disant gouvernement d’entente nationale à Tripoli. Au moins 2 000 hommes y ont déjà été déployées et le nombre total devrait atteindre au moins 6 000. Il s’agit là d’une réduction significative des forces auxquelles l’armée syrienne devra faire face dans le cadre de sa campagne pour récupérer le gouvernorat d’Idleb.

Entre-temps, la crise bancaire au Liban a frappé très durement l’économie syrienne. La livre syrienne s’est encore dévaluée au cours du mois dernier et les importations sont devenues presque inabordables.

Ces difficultés économiques obligent la Syrie à trouver un accord avec son voisin, la Turquie. La Turquie a soutenu la rébellion djihadiste en Syrie depuis le tout début et elle occupe plusieurs régions du nord de la Syrie. La Russie a fait pression sur les deux pays pour qu’ils trouvent un accord et mettent fin à la guerre :

L'intensification des efforts russes s'est finalement traduit par un dialogue direct de haut niveau entre les deux parties lorsque le chef des services de renseignement turcs, Hakan Fidan, et son homologue syrien, le général Ali Mamlouk, se sont rencontrés à Moscou le 13 janvier. Malgré des contacts discrets, cette rencontre en face à face est la première réunion de haut niveau entre les deux parties depuis 2011.

Consciente du fait que la crise syrienne ne peut être réglée sans établir des ponts, la Russie fait pression pour rétablir les liens sur la base de l'accord d'Adana de 1998, qui prévoit une coopération renforcée en matière de sécurité contre les organisations terroristes. Les deux maîtres de l'espionnage se seraient mis d'accord sur une feuille de route en neuf points pour faire avancer le dialogue, dont un objectif de coopération contre le terrorisme, selon des rapports turcs.

Pour la Turquie, le terrorisme désigne les Kurdes du PKK/YPG en Syrie qui combattent également les forces turques en Turquie et en Irak. Dans l’est de la Syrie, les Kurdes coopèrent avec les troupes américaines qui occupent les ressources pétrolières syriennes. La Turquie veut que la Syrie désarme au moins les Kurdes. Les Kurdes utilisent cependant leurs relations avec les États-Unis pour demander l’autonomie et pour empêcher tout accord avec le gouvernement syrien.

Ni Ankara ni Damas ne semblent encore prêtes à faire la paix. Mais les deux pays ont des problèmes économiques et devront trouver une solution. Il y a encore 10 000 djihadistes dans le gouvernorat d’Idleb dont le sort doit être réglé. Aucun des deux pays ne veut de ces gens. L’exportation de ces djihadistes vers la Libye, dont la Turquie est à l’origine, laisse entrevoir une solution assez peu conventionnelle à ce problème.

Les États-Unis n’ont toujours pas renoncé à leurs efforts pour renverser le gouvernement syrien par de nouvelles sanctions économiques. Ils font également pression sur l’Irak pour que leurs troupes puissent rester dans le pays.

Après l’assassinat par les États-Unis du général iranien Soleimani et du chef du PMU irakien al-Muhandis, leur position en Irak est gravement menacée. Si les États-Unis étaient contraints de quitter l’Irak, ils devraient également abandonner leur emprise sur le pétrole syrien. Pour éviter cela, les États-Unis ont réactivé leur ancien plan de division de l’Irak en trois États :

Il y a neuf mois, un groupe de politiciens et d'hommes d'affaires irakiens des provinces d'Anbar, de Salah al-Din et de Ninive ont été invités à la résidence privée de l'ambassadeur saoudien en Jordanie à Amman.

Leur hôte était le ministre saoudien des affaires du Golfe, Thamer bin Sabhan al-Sabhan, l'homme de confiance du prince héritier Mohammed bin Salman pour la région.

On ne sait pas si Mohammed al-Halbousi, le président du parlement, ayant des liens à la fois avec l'Iran et l'Arabie Saoudite, a assisté à la conférence secrète d'Amman, mais on dit qu'il a été informé des détails.
A l'ordre du jour figurait un plan visant à faire pression pour une région autonome sunnite, semblable au Kurdistan irakien.

Le plan n'est pas nouveau. C’est une idée avec laquelle les États-Unis ont longtemps joué, mais comme ils se battent pour maintenir l'Irak dans leur sphère d'influence, elle a trouvé un nouveau souffle pendant que l'Arabie Saoudite et l'Iran se disputent l'influence et la domination de la région.
La région d'Anbar représente 31 % de la superficie de l'État irakien. Elle possède d'importantes réserves inexploitées de pétrole, de gaz et de minéraux. Elle a une frontière commune avec la Syrie.

Si les troupes américaines devaient effectivement être forcées par le prochain gouvernement irakien à quitter le pays, elles devraient également quitter les champs pétrolifères du nord de la Syrie car c'est de l'Anbar que les fournitures arrivent. Anbar héberge quatre bases militaires américaines.

La province occidentale est en grande partie désertique, peuplée d'à peine plus de deux millions d'habitants. En tant que région autonome, elle aurait besoin de main-d'œuvre. Celle-ci, a-t-on dit à la réunion, pourrait provenir de réfugiés palestiniens et s'inscrirait donc parfaitement dans le plan de Donald Trump, dit "l’Accord du siècle", qui vise à débarrasser Israël de son problème de réfugiés palestiniens.

Anbar est presque entièrement sunnite, mais Salah al-Din et Ninive ne le sont pas. Si l'idée fonctionnait à Anbar, d'autres provinces dominées par les sunnites suivraient.

Au moins trois grandes réunions ont déjà eu lieu à propos de ce plan, la dernière aux Émirats arabes unis. Le calendrier indique que le plan a été initié lorsque John Bolton, en tant que conseiller à la sécurité nationale de Trump, était encore en poste.

Diviser l’Irak en trois États que les États-Unis contrôleraient est un vieux rêve néoconservateur.

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Au plus fort de la guerre en Irak, Joe Biden l’avait publiquement soutenu. Le plan initial a échoué lorsqu’en 2006 le Hezbollah a contré l’attaque israélienne sur le Liban et que la résistance irakienne a écrasé les forces d’occupation américaines.

Je doute fort que le plan puisse être réalisé tant que le gouvernement de Bagdad est soutenu par une majorité de chiites. Bagdad comme Téhéran feront tout pour empêcher un tel plan.

Après le meurtre de Soleimani, l’Iran a tiré des missiles balistiques bien guidés contre les forces américaines sur la base aérienne d’Ain al Assad à l’ouest de Ramadi dans la province d’Anbar et contre l’aéroport d’Erbil dans la région kurde. Ce sont exactement les bases dont les États-Unis veulent garder le contrôle. Les missiles ont démontré que les États-Unis devraient mener une toute nouvelle guerre pour mettre en œuvre et protéger leur plan.

Du point de vue de la Résistance, ce nouveau plan n’est qu’une nouvelle tentative des États-Unis pour diriger la région après l’échec de ses nombreuses tentatives précédentes.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

 

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