… Le « dernier bastion de la liberté » est une ville infestée de partisans d’Al-Qaïda
Par Moon of Alabama – Le 6 décembre 2018
Cette semaine, le New Yorker a publié un long article sur Saraqib, une ville du gouvernorat d’Idleb en Syrie :
Le dernier bastion de la liberté en Syrie
Au milieu de la guerre civile brutale, une ville a combattu le régime et les fondamentalistes – et a osé tenir des élections. Son expérience de démocratie peut-elle survivre ?
L’article nous dit que, malgré le fait qu’Al-Qaïda dirige Idleb depuis au moins 2015, il s’agit en réalité d’un berceau pour la véritable démocratie :
À l’été 2017, pour la première fois en Syrie depuis 1954, les habitants de la ville de Saraqib ont décidé de prendre en main leur avenir et d’organiser des élections véritablement libres.
Au matin de l’ouverture des bureaux de vote, un militant du nom d’Osama al-Hossein se réveilla à cinq heures, inquiet. Il se dirigea aussitôt vers Idlib Gate, un ancien grand magasin transformé en salle de réunion. Une petite foule se pressait : des journalistes locaux, des observateurs des élections et des dignitaires à la mode qui représentaient l’opposition syrienne dans les milieux internationaux. Les élections avaient pour but de choisir le chef du conseil local, un organisme civil qui gouvernait la ville. Les agents électoraux ont vérifié dans leurs téléphones les rapports sur le trafic aérien : les avions à réaction syriens et russes étaient connus pour attaquer des rassemblements publics et des activistes avaient posté des sentinelles dans toute la province.
On nous dit que cette ville, Saraqib, se démarque vraiment :
Une ville syrienne après l’autre a échappé au contrôle du gouvernement, et de nouvelles horreurs ont surgi de cette anarchie. Les drapeaux de État islamique et d’Al-Qaïda ont été hissés à travers le pays. Les enfants réfugiés étaient jetés à la mer et les otages occidentaux assassinés devant les caméras.
…
En quelque sorte, Saraqib avait évité ce destin. Elle offrait une histoire alternative pour tout le conflit syrien – et, pensait Hossein, ses citoyens incarnaient la véritable âme de la révolution. Ce soir-là, il a imaginé d’autres démocraties minuscules s’épanouissant en Syrie, et que le reste du monde comprendrait enfin que son pays a plus à offrir que des effusions de sang et des tragédies.
En réalité, « une histoire alternative » n’est pas ce qui est arrivé à Saraqib. Mais ce qui est présenté dans l’article du New Yorker est la dissimulation d’une attaque internationale brutale contre la Syrie. C’est l’hagiographie d’un Osama al-Hossein, militant des Frères musulmans, qui a obtenu un financement des États-Unis. Cela inclut tous les clichés faussaires de la propagande sur les bombes-barils et les rebelles modérés, qui n’ont jamais été modérés, que les agences occidentales ont diffusés sur les chaînes de télévision. L’article est également plein d’affirmations stupides et non factuelles. Comment, par exemple, les vérificateurs de faits du New-Yorker ont laissé passer cette histoire de Humvees :
Le gouvernement a riposté avec encore plus de force ; le 11 août 2011, ses chars et Humvees ont de nouveau pris d’assaut Saraqib.
Quand et où la Syrie a-t-elle acheté ces véhicules ?
En 2017, Osama al-Hossein, après avoir eu quelques problèmes avec Al-Qaïda, a finalement fui en Turquie. Mais en août dernier, l’auteur de l’article, vraisemblablement plus à l’aise avec Al-Qaïda que le militant syrien, s’est rendu à Saraqib et a trouvé la ville en paix :
Contrairement à d’autres villes d’Idlib, il n’y avait pas de police religieuse, pas de drapeau d’Al-Qaïda. Bien que Saraqib soit au cœur d’une des guerres civiles les plus meurtrières au monde, je n’ai jamais vu un seul homme armé ni un poste de contrôle. Je suis tombé sur Abu Traad, le chef de la faction de l’Armée syrienne libre, et même lui n’était pas armé, portait un pantalon et un t-shirt. J’ai appris que les activistes avaient insisté pour que les armes ne soient pas transportées à l’intérieur des limites de la ville, immunisant ainsi Saraqib des conflits entre factions et protégeant le régime des révolutionnaires. De temps en temps, je remarquais des membres de Al-Nusra [branche d’Al-Qaïda] qui se cachaient dans un véhicule ; bien qu’il fasse très chaud, ils se cachent derrière des cagoules. Pendant ce temps, de nombreux habitants ont librement dénoncé les fondamentalistes : l’un d’eux m’a dit : « Ces personnes sont une malédiction de Dieu lui-même ». Il semblait qu’à Saraqib, au moins, les gens n’avaient pas peur de Nusra ; Nusra avait peur d’eux.
Ah bon, Nusra avait peur d’eux !
C’est pourquoi, en juin, les djihadistes de Nusra ont pu détruire les pierres tombales du cimetière de Saraqib malgré les murmures de colère de certains habitants. Et Saraqib est tellement « immunisée contre les conflits entre factions » que le 24 août, Nusra, alias Hayyaat Tahrir al-Sham [donc branche de Al-Qaïda], a arrêté six membres d’une autre faction djihadiste. Et la ville est si paisible que deux mois plus tard, l’Observatoire syrien y signalait une campagne d’exécutions vengeresses :
[Aujourd’hui], le 7 octobre 2018, une explosion dans la région de Saraqib, dans la campagne à l’est d’Idlib, près des zones à désarmer, a visé Khattab al Hamwi, un important responsable de la sécurité à la célèbre prison d’Al-Iqab dans la région de Saraqib… et membre du groupe Hayyaat Tahrir al-Sham [Al-Qaïda].
C’est le « dernier bastion de la liberté », Saraqib, qui abrite la principale prison d’Al-Qaïda dans la région. D’une manière ou d’une autre, l’article du New-Yorker omet de le mentionner.
Depuis le début de la guerre contre la Syrie, Saraqib était l’un des centres d’activités terroristes djihadistes. En mars/avril 2011, ce fut l’une des premières villes à avoir subi de violentes attaques contre les forces et les institutions gouvernementales. C’est dans cette ville qu’en décembre 2011 a été fondé le groupe terroriste notoire Ahrar al-Sham, dirigé par Abou Khalid al-Suri, un membre de longue date d’Al-Qaïda. En 2014, la BBC a rapporté comment Al-Qaïda, alias Nusra, alias Hayyaat Tahrir al-Sham dirigeait la ville :
Abu-Qedama, l’envoyé d’Al-Qaïda à Saraqib, dans le nord-est de la Syrie, est jordanien. Sa tâche est de veiller à ce que la charia soit appliquée.
Ce film arabe de la BBC le suit, ainsi que ses compagnons islamistes à Saraqib, et montre comment ils prennent le contrôle de la ville. Les cinéastes entrent dans les tribunaux et révèlent comment la loi de la charia est appliquée. Nous voyons le juge à l’œuvre à la Cour, rendant son jugement sur la place publique. Pour la première fois, nous voyons une flagellation publique devant une foule nombreuse, ce qui dissuade les autres.
À un moment donné, les habitants de Saraqib ont peut-être organisé des élections croupions. Mais cela ne change pas le fait que leur ville était et est toujours fermement contrôlée par un groupe terroriste internationalement interdit. Saraqib n’est un « bastion de la liberté » que lorsqu’on ignore tout ce qui s’est passé là-bas et s’y passe encore.
Cela soulève une question sérieuse. Comment l’auteur de l’article du New-Yorker, Anand Gopal, a-t-il réussi à traverser le gouvernorat d’Idleb, contrôlé par Al-Qaïda, alias Nusra, alias Hayyaat Tahrir al-Sham, puis visiter la ville infestée de djihadistes en évitant d’être jeté dans la « Prison notoire d’al-Iqab dans la région de Saraqib » ?
Serait-ce parce qu’il était l’un de ceux qui ont expliqué à tous comment se joindre aux islamistes ?
Serait-ce parce qu’il insiste, trompeusement, sur le fait qu’il n’y a pas et qu’il n’y a jamais eu de politique américaine de changement de régime en Syrie ?
Peut-être est-ce parce que lui-même, ayant expliqué aux gens comment rejoindre État Islamique, a affirmé que l’unique raison pour laquelle les gens adhéraient à État Islamique était la lutte brutale du gouvernement syrien contre une insurrection alimentée par l’étranger ? Ceci en dépit du fait qu’Obama et Kerry ont reconnu publiquement qu’ils avaient favorisé la croissance de État Islamique ?
Il est triste de voir que le New-Yorker, jadis respectable, laisse la place à un conte de fée inventé par un recruteur de terroristes, propagandiste d’Al-Qaïda et apologiste méprisable des guerres de l’empire.
Moon of Alabama
Traduit par jj, relu par wayan pour le Saker Francophone