Par Pam Martens – Le 30 janvier 2017 – Source PCR
La politique officielle du Congrès des États-Unis permet aujourd’hui aux plus grandes banques de Wall Street de piller sans vergogne le public.
En 2008, après le pire accident financier survenu depuis la Grande Dépression, le Congrès et l’administration Obama se sont engagés dans le plus grand canular législatif de l’Histoire en adoptant la loi de réforme financière Dodd-Frank.
Plutôt que de réformer les pratiques corrompues et dangereuses des plus grandes banques de Wall Street, la loi Dodd-Frank a permis à celles-ci d’étendre leurs opérations mondiales de prêts usuraires, de se livrer à des crimes de plus en plus effrontés, en donnant à leur caniche, la Réserve fédérale – dont la surveillance négligente avait conduit à la crise de 2008 – des pouvoirs de contrôle élargis.
Que la loi ait été un canular pour le public ne fait plus débat.
Voici comment nous le savons :
Le vice-président pour la supervision des banques, que le président Obama a mandaté pour mettre en place à la Réserve fédérale dans le cadre de la loi Dodd-Frank, n’a jamais été nommé. Depuis le passage de la loi Dodd-Frank en 2010 jusqu’à ce qu’il quitte le Bureau ovale en 2017, le président Obama s’est moqué simplement de ce mandat.
En février 2015, cinq ans après le passage de Dodd-Frank, le Bureau de la recherche financière du Trésor américain a publié un rapport montrant que deux des plus grandes banques de Wall Street, JPMorgan Chase et Citigroup, posent le plus grand risque de contagion au système financier des États-Unis. En mai de la même année, les deux banques ont reconnu pour la première fois dans leur histoire centenaire des accusations criminelles de trucage des marchés de devises étrangères.
La section dite Volcker Rule de Dodd-Frank, qui avait pour but d’empêcher les banques de négocier pour leur propre compte et de les forcer à quitter les fonds spéculatifs et les fonds de capital-investissement, n’a pas encore été pleinement mise en œuvre. Les plus grandes banques de Wall Street sont encore autorisées à exploiter les dark pools 1 [chambres opaques]. Ce sont des marchés non réglementés, des quasi-bourses où les banques négocient des actions, y compris les leurs et celles de leurs concurrents, dans une opacité totale.
La facette la plus importante de Dodd-Frank, qui visait à forcer les banques de Wall Street à « éloigner » leurs produits dérivés risqués de leurs banques de dépôts, garanties par les contribuables, a été abrogée par Citigroup en 2014 en forçant effectivement un amendement contraignant à la loi de finance.
Le montant des dérivés détenus par les six plus grandes banques de Wall Street a été autorisé par les régulateurs bancaires à croître en taille réelle et en termes de concentration alors que ces dérivés ont joué un rôle majeur dans l’explosion de la crise de Wall Street en 2008. Le 30 septembre 2016, les six plus grandes banques détenaient $211 700 milliards en dérivés contre $179 100 milliards à la même date en 2008. Citigroup, qui a implosé en 2008 suite à ses paris irresponsables dans les dérivés et la dette subprime, détenait $38 200 milliards en valeur faciale de dérivés lors de son effondrement en 2008, elle en détient aujourd’hui $51 800, soit une augmentation de 36%.
Citigroup a augmenté son exposition à haut risque tout en étant accusée simultanément de pillage de plus en plus brutal du public. Ses crimes en série vont des accusations de mensonges aux actionnaires sur l’étendue des hypothèques subprime, jusqu’à l’engagement dans des fraudes de forclusion bancaire, au trucage des taux d’intérêt de références et à la vente d’hypothèques que la banque savait toxiques pour les investisseurs.
Beaucoup des accusations de fraude de Citigroup contre le public (ainsi que celles faites par les régulateurs à l’encontre d’autres grandes banques de Wall Street) concernaient des actes délictueux qui ont eu lieu après l’adoption de la loi de réforme Dodd-Frank – ne laissant aucun doute sur le fait que le Congrès avait compris que Wall Street ne s’était jamais réformé.
Juste deux ans après le passage de Dodd-Frank, JPMorgan Chase a été pris la main dans le pot de confiture pour une somme de centaines de milliards de dollars. La banque utilisait les dépôts assurés de ses clients bancaires pour effectuer des paris à risque élevé sur les dérivés à Londres. Après une enquête approfondie portant sur ce scandale, le sous-comité permanent des enquêtes du Sénat des États-Unis a tenu une audience le 15 mars 2013. Le sénateur John McCain, alors membre du sous-comité, a fait les remarques suivantes à l’ouverture de l’audience :
« Cette enquête sur la Baleine de Londres chez JP Morgan a révélé des échecs étonnants pour une institution qui se vante de son expertise en gestion des risques et se targue de la solidité de son bilan. L’enquête a également fait la lumière sur le monde complexe et volatile des dérivés synthétiques de crédit. En quelques mois, JPMorgan a été en mesure d’augmenter considérablement son exposition au risque tout en évitant la surveillance des régulateurs fédéraux. Les transactions ont finalement coûté à la banque et à ses actionnaires des milliards de dollars.
Ces pertes sont apparues non pas à cause de l’admirable stratégie de gestion des risques de JPMorgan ou à cause d’une surveillance efficace par des organismes de réglementation diligents mais parce qu’elles étaient si dommageables qu’elles ont secoué le marché, et si accablantes qu’elles ont attiré l’attention de la presse. Après la révélation que ces énormes transactions provenaient du bureau de Londres de JPMorgan, les pertes de la banque ont continué de croître. À la fin de l’année, le total des pertes s’élevait à la somme astronomique de $6,2 milliards. »
Le but légitime des banques d’investissement de Wall Street est d’optimiser l’allocation du capital pour faire croître de nouvelles entreprises et industries en Amérique afin de maintenir la compétitivité de la nation, et développer de bons emplois. Mais depuis que la loi Glass-Steagall a été abrogée en 1999, après plusieurs années de pression de la part des lobbyistes de Wall Street, les plus grandes banques de Wall Street engrangent de plus en plus leurs profits en ciblant les personnes financièrement peu sophistiquées. Dans ce qui est devenu un mécanisme de transfert de richesse très efficace, des milliards de dollars passent, chaque mois, des poches de ceux qui sont le moins en mesure de se protéger contre les abus financiers, dans celles du 1% en Amérique qui siège dans les bureaux de ces banques.
En vertu de la loi Glass-Steagall de 1933, les banques qui détenaient des dépôts assurés n’avaient pas le droit d’être affiliées aux banques d’investissement et aux maisons de courtage de Wall Street – qui ont une longue et sordide histoire de fraudes boursières. Cette protection a été retirée lorsque le président Bill Clinton a promulgué la loi Gramm-Leach-Bliley le 12 novembre 1999, la loi qui a abrogé la loi Glass-Steagall. Après avoir protégé la nation pendant 66 ans, il n’a fallu que 9 ans après son abrogation pour voir Wall Street s’écraser, emportant dans la débâcle des noms emblématiques centenaires de l’économie américaine et forçant les contribuables au plus grand renflouement de l’histoire des marchés.
La Glass-Steagall Act a exceptionnellement bien servi ce pays pendant 66 ans jusqu’à son abrogation. Elle a bien fonctionné en raison de sa simplicité et de la menace de cinq ans de prison pour ceux qui auraient violé ses dispositions clés.
Les dispositions interdisant aux banques de dépôt de s’engager dans le secteur des valeurs mobilières (articles 16, 20 et 21) sont élégantes par leur simplicité. Contrairement à Dodd-Frank, il n’y a pas 900 pages de règles à étudier et à débattre pendant une décennie avant son entrée en vigueur. Les principales dispositions de ces trois articles ont pris effet un an après la promulgation de la loi en 1933.
L’article 16 disait que « L’activité de négociation de titres de placement par l’association [bancaire] se limitera à l’achat et à la vente de ces titres sans exception, uniquement sur l’ordre et pour le compte des clients, et en aucun cas pour son propre compte, et l’association n’assurera aucune émission de titres. »
L’article 20 prescrivait : « Après un an à compter de la date de promulgation de la présente loi, aucune banque membre ne sera affiliée, de la manière décrite à l’alinéa 2b des présentes, avec une corporation, association, fiducie commerciale ou autre organisation semblable engagée principalement dans l’émission, la nationalisation, la souscription, la vente publique ou la distribution ou la vente au détail ou par l’intermédiaire d’une participation syndicale d’actions, d’obligations, de débentures, de billets ou d’autres titres. »
L’article 21 a confirmé les dispositions des articles 16 et 20 en notant : « a) après l’expiration d’un an suivant la date de promulgation du présent acte il sera illégal (1) pour toute personne, société, association, fiducie commerciale ou autre organisation semblable, ayant pour mission de délivrer, de souscrire, de vendre ou de distribuer, en gros ou au détail, ou par l’intermédiaire d’une participation syndicale, des actions, des obligations, des débentures, des billets ou d’autres titres, à engager en même temps, dans une mesure quelconque, les dépôts apportés par chèque ou les remboursement sur présentation d’un livret, les certificats de dépôt ou autre preuve de dette ou à la demande du déposant. »
La législation Dodd-Frank était un labyrinthe complexe de légitimité juridique dont l’intention claire n’était pas de réformer Wall Street, mais de freiner la réforme de Wall Street.
Les programmes [électoraux], démocrate et républicain de l’année dernière ont insisté pour rétablir la loi Glass-Steagall. Les États-Unis disposent de peu de temps pour faire ce travail avant que Wall Street n’ait complètement pillé le pays et abandonné la génération suivante à une société dystopique de seigneurs de Wall Street.
Pam Martens est un vétéran de Wall Street. Elle publie régulièrement sur les liens de corruption entre Wall Street et Washington à www.WallStreetOnParade.com
Traduit et édité par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone
- Un dark pool a pour objectif de traiter des volumes d’ordres de bourse importants (transactions sur blocs), hors marchés officiels (grandes bourses réglementées ou systèmes multilatéraux de négociation), et sans afficher le prix des transactions avant leur finalisation. Wikipédia ↩
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