Par Tim Korso – Le 19 juin 2021 – Source Sputnik News
L’élection présidentielle en Iran a eu lieu alors que le pays est engagé dans la résolution de plusieurs problèmes. Téhéran est notamment impliqué dans des discussions diplomatiques concernant le rétablissement de l’accord nucléaire et les relations avec son voisin régional, l’Arabie saoudite.
Le plus haut magistrat iranien, président de la Cour suprême, Ebrahim Raisi, âgé de 60 ans, a obtenu la majorité des voix lors de l’élection présidentielle d’hier, ce qui lui permet d’occuper le deuxième poste le plus élevé du pays, à compter du 3 août. Ebrahim Raisi est largement considéré comme un partisan de la ligne dure en ce qui concerne les relations avec les pays occidentaux. Cependant, malgré cela, et malgré les accusations occidentales de violations des droits de l’homme par Raisi, l’Occident pourrait encore avoir une chance de parvenir à certains accords avec Téhéran, notamment sur l’accord nucléaire.
Ebrahim Raisi pourrait aider l’Iran à résoudre les difficultés économiques qu’il connaît depuis quelques années, notamment en négociant la levée des sanctions – voici pourquoi :
Un juge lié au clergé (et au guide suprême)
Ebrahim Raisi a passé la majeure partie de sa carrière dans le système judiciaire iranien et occupe actuellement le poste le plus élevé de cette branche du pouvoir. Il est considéré comme ultraconservateur en ce qui concerne la loi islamique et entretiendrait des liens étroits avec le clergé iranien. En outre, les médias étrangers affirment qu’il bénéficie du soutien du guide suprême, l’ayatollah Khamenei, et qu’il pourrait même prendre sa place après le décès de ce dernier. Dans cette optique, sa victoire à l’élection présidentielle peut être considérée comme une étape sur cette voie, puisque l’actuel guide suprême a également été président de l’Iran pendant deux mandats.
Cependant, les compétences de Raisi ne se limitent pas uniquement à la sphère judiciaire et au fait d’avoir des relations en haut lieu. En 2016, il a été nommé à la tête de la fondation Astan Quds Razavi – une organisation caritative et une holding qui gère un large éventail d’affaires et joue un rôle économique et politique important dans le pays. En tant que conservateur, Raisi va probablement promouvoir le concept de développement économique dirigé par l’État, tout en refusant une plus grande ouverture aux investissements étrangers, après que ces derniers ont fui à la première menace de retour des sanctions américaines, en 2018.
Le nouveau président est également susceptible d’adopter une approche plus conservatrice en matière de libertés sociales et politiques, suggère le Dr Alam Saleh, maître de conférences en études iraniennes à l’Australian National University.
En outre, le président élu est entré dans l’histoire comme un président de la Cour suprême qui s’est consacré à la lutte contre la corruption au sein du gouvernement, bien que les avis sur son efficacité varient. Il a également pris l’engagement électoral de poursuivre cette ligne de conduite dans ses nouvelles fonctions de président.
Une ligne dure contre l’Occident et un politicien sanctionné
Les pays occidentaux seront probablement ceux qui auront le plus de mal à communiquer avec Raisi pour plusieurs raisons. Le président de la Cour suprême est un opposant intransigeant à l’Occident et aux politiques occidentales.
Raisi est également soumis aux sanctions mises en place par les États-Unis en 2019 en raison de son soutien au guide suprême, l’ayatollah Khamenei, ce qui pourrait compliquer les tentatives de l’Occident de négocier avec lui. Dans le même temps, le président de la Cour suprême est accusé de faire partie d’un « comité d’assassins » de quatre personnes qui aurait ordonné l’exécution de milliers de prisonniers en Iran, en 1988, pour la plupart des membres des Moudjahidines du peuple iranien.
C’est une organisation politique et militante qui veut renverser l’ayatollah Khamenei, mais plusieurs organisations de défense des droits de l’homme et des gouvernements occidentaux, notamment au Canada et en Italie, affirment que Téhéran a, en 1988, arrêté et tué des milliers de ses membres en tant qu’opposants politiques. L’Iran nie fermement avoir ordonné de tels meurtres.
Il est difficile de savoir si ces accusations affecteront les relations entre l’Iran et l’Occident. Toutefois, comme les États-Unis ont infligé des sanctions à Téhéran, ce dernier est susceptible de détourner l’attention de sa politique étrangère de l’Occident vers l’Orient, estime le Dr Alam Saleh. [C’est déjà largement le cas, NdT]
« L’élection de Raisi est la conséquence des pressions occidentales sur l’Iran, qui sapent sa sécurité […], notamment à la suite du retrait du président Trump de l’accord nucléaire. Nous assisterons à un rapprochement et à une plus grande dépendance à l’égard de la Russie et de la Chine pour de nombreuses années à venir« , déclare Saleh.
L’élection du président de la Cour suprême comme prochain président pourrait également influencer la façon dont l’Iran se comporte dans la région, poursuit le Dr Saleh. Il note qu’étant donné que la confiance de l’Iran en l’Occident, et en particulier en les États-Unis, a été ébranlée et que Washington a commencé à réduire son implication dans la région, Téhéran pourrait se sentir « dans une position plus confortable » et défier les intérêts occidentaux au Moyen-Orient dans les années à venir.
L’avenir de l’accord sur le nucléaire iranien
L’une des questions les plus importantes pour la future politique étrangère de l’Iran concerne les négociations en cours sur le rétablissement de l’accord sur le nucléaire iranien. Même si Téhéran a indiqué que des progrès avaient été réalisés lors des récentes discussions à Genève, les États-Unis et l’Iran doivent toujours se mettre d’accord sur les conditions de retour à l’accord. Bien que l’élection d’un partisan de la ligne dure anti-occidentale ait pu compromettre ces plans, Ebrahim Raisi pourrait quand même accepter de renouveler l’accord.
Il a demandé la levée des sanctions américaines par le passé, et l’accord nucléaire semble actuellement être le seul moyen d’y parvenir. En outre, le chef suprême iranien a également soutenu l’idée de restaurer l’accord, malgré le scepticisme qu’il exprimait à son égard en 2015.
Un accord restauré sera toutefois différent du document original de 2015 soutenu par le Conseil de sécurité des Nations unies, souligne le Dr Alam Saleh. L’Iran ne faisant plus confiance à l’Occident, il n’acceptera donc pas les conditions antérieures, d’autant plus que le pays est maintenant gouverné par un partisan de la ligne dure.
Tim Korso
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone