Par Moon of Alabama – Le 11 septembre 2018
Le candidat américain au poste de Premier ministre d’Irak, Haider al-Abadi, n’est plus dans la course. Après les récentes émeutes qui se sont déroulées à Bassorah, le parti de Moqtada al-Sadr a renoncé à soutenir sa candidature. Même avant cela, Abadi n’avait pas les voix nécessaires au Parlement pour être élu. De plus, l’Ayatollah Sistani a fait savoir qu’il ne soutiendrait aucun candidat qui aurait déjà essayé et échoué à résoudre les problèmes de l’Irak. Les anciens Premiers ministres Maliki et Abadi entrent tous les deux dans cette catégorie.
L’envoyé américain Brett McGurk a essayé de faire pression sur les factions sunnites et kurdes pour qu’elles soutiennent Abadi et a encouragé les Saoudiens à soudoyer Moqtada al-Sadr. Il a échoué. Il semble maintenant que les différents partis chiites, plus quelques indépendants sunnites et kurdes, forment une coalition solide et assez importante pour régner sur le pays. La plupart d’entre eux veulent que l’armée américaine quitte l’Irak. L’Irak aura un donc nouveau Premier ministre et ce ne sera pas celui que les États-Unis voudraient voir jouer ce rôle. Cela créera de sérieuses difficultés logistiques pour les forces étasuniennes qui augmentent en nombre en Syrie.
La lutte contre État islamique en Irak n’est pas terminée. L’instabilité politique permet à EI de revenir (vid) sous la forme d’une armée de guérilla informelle. L’Irak manque encore d’outils, de renseignements et de capacités de combat nocturne pour faire disparaitre ces groupes. Avec un gouvernement anti-américain, le problème EI va certainement s’aggraver à mesure que les États-Unis l’utiliseront pour garder un outil de pression au Moyen Orient.
Robert Fisk est en voyage sur la ligne de front du gouvernorat d’Idlib en Syrie. Il ne voit que remarquablement peu de forces syriennes. Il s’attend à ce que l’attaque à venir soit plus petite que prévue et qu’elle se déroule plutôt lentement.
Le géographe Fabrice Balanche suppose, avec de bons arguments, que l’armée syrienne n’attaquera, dans une première phase, que les rebelles « modérés » soutenus par les Turcs, ceux peints en vert clair sur la carte, dans la partie sud de la poche d’Idlib. Les brigades al-Qaida/Nusra/HTS, peintes en un vert plus foncé, ne seront attaquées que dans une phase ultérieure. Cela correspond aux observations faites par Robert Fisk sur le terrain.
Un scandale récent aux Pays-Bas prouve, une fois de plus, que les rebelles « modérés » ne sont pas modérés du tout. La chaine d’informations hollandaise NOS Nieuwsuur et le quotidien Trouw rapportent (en hollandais) que le gouvernement néerlandais a jusqu’à tout récemment dépensé au moins 25 millions d’euros pour fournir aux rebelles « modérés » en Syrie des camionnettes, des uniformes, des téléphones satellites, des caméras, des kits médicaux, des tentes et des matelas en caoutchouc.
Les journalistes ont découvert que ces fournitures « non létales » ont bien sûr été utilisées pour combattre le gouvernement syrien. Ils révèlent également que les groupes approvisionnés, dont le gouvernement refusait de diffuser la liste, étaient tous des djihadistes et que le Procureur général des Pays-Bas avait déjà inculpé plusieurs de leurs membres pour terrorisme.
Trouw et Nieuwsuur ont décidé de poursuivre leurs recherches sur ce programme d’approvisionnement. Ces derniers mois, les deux médias ont donc interviewé une centaine de chefs rebelles et de personnes impliquées dans ce programme, et ont réussi à déterminer quels groupes les Pays-Bas ont soutenu. Il s’agit de la brigade du sultan Murad, de la brigade Suleyman Shah, du soukour al Jabl et de la division 13 de la Free Idlib Army, la brigade 51 et Jabhat al-Shamiya. Les commandants de ces groupes nous ont parlé au cours des derniers mois et nous ont dit quel genre de biens ils ont reçus des Pays-Bas. (…)
Le ministère public a lancé des poursuites contre des volontaires hollandais pour avoir rejoint les brigades de l’armée syrienne libre. Prenez le cas du Syrien néerlandais Driss M. Le 21 mars 2017, il a dû comparaître devant un tribunal. Il est accusé d’avoir participé au groupe islamiste Jabhat al-Shamiya en 2014 et 2015. Selon le ministère public, il s’agit d’une organisation salafiste/djihadiste qui cherche à établir un califat et qui fait partie du groupe djihadiste Ahrar al-Sham. Mais, en même temps, Jabhat al-Shamiya fait également partie de l’armée syrienne libre soutenue par les Pays-Bas et décrite comme modérée.
Au moins un procureur semble croire que le gouvernement a commis un crime :
L’envoi de matériel de secours à des groupes de combat peut également être répréhensible, car vous contribuez ainsi à la lutte terroriste et peut-être même à son financement. « Si vous envoyez des camionnettes, vous permettez à quelqu’un de voyager, vous permettez à une organisation de se rendre de A à B », conclut Van Veghel sur un ton strict : « Si vous jouez un rôle dans cette bataille, soit en tant que combattant, soit en tant que combattant moins actif mais permettant à une autre personne de prendre part à cette bataille, alors vous avez une responsabilité pénale. »
Des problèmes juridiques se profilent également à l’horizon pour le gouvernement allemand.
Les États-Unis ont demandé à l’administration Merkel de participer à des frappes de « représailles » contre les forces gouvernementales syriennes quand un autre incident « chimique » monté de toutes pièces sera probablement bientôt imputé au gouvernement syrien. Plusieurs membres de haut rang du parti de la chancelière Merkel veulent suivre cet appel. Mais les services scientifiques du Bundestag allemand, l’équivalent du Service de recherche du Congrès américain, ont publié un avis juridique faisant autorité (pdf, en allemand) sur cette question. Une telle attaque serait illégale au regard du droit international et violerait également la constitution allemande. Il n’y aura pas de soutien officiel allemand pour une attaque d’une telle ampleur contre la Syrie. (Dans un avis précédent, le service scientifique avait estimé que le maintien de la présence américaine en Syrie lui aussi, était illégal).
À l’occasion de l’anniversaire du remarquable incident qui a eu lieu à New York, Maram Susli, alias SyrianGirl, a publié cette vidéo (en anglais) mélangeant des citations de Brett McGurk, envoyé spécial du président pour la coalition mondiale contre EI, et de Nicky Halley, ambassadeur des États-Unis à l’ONU.
Traduction de la vidéo :
Brett McGurk : La province d’Idlib est le refuge le plus sûr pour al-Qaida depuis le 11 septembre.
Nicky Halley : Nous considérons tout assaut contre Idlib comme une sérieuse escalade du conflit en Syrie.
BMG : Et maintenant Idlib est un énorme problème. C’est un refuge pour Al Qaida juste aux frontières de la Turquie.
NH : Maintenant, une offensive contre Idlib est en train de débuter malgré les clairs avertissements du président des États Unis et d’autres dirigeants du monde. Des frappes aériennes contre Idlib ont déjà été lancées par la Russie et le régime.
BMG : Des dirigeants d’al-Qaida ont réussi à s’introduire dans Idlib.
NH : Ils veulent punir les civils qui ont eu le courage de se dresser contre Assad.
Scènes d’extrémistes islamiques en pleine célébration après le 11 septembre :
- Nous avons détruit l’Amérique
- Avec un avion civil
- Le World Trade Center est devenu un tas de poussière
- Notre dirigeant Ben Laden, celui qui terrorise l’Amérique avec la force de notre foi et nos armes est le PIKA (??)
NH : si Assad, l’Iran et la Russie continuent, les conséquences seront sévères.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.