Quand la dénonciation d’une « fausse nouvelle » est elle-même une fausse nouvelle


Moon of Alabama

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Le 16 février 2017 – Source Moon of Alabama

Un nouvel article assez amusant sur les fausses nouvelles a été publié dans le New York Times d’aujourd’hui.

 Voilà son titre :

Fausses nouvelles, faux Ukrainiens : Comment un groupe de Russes a influencé un vote hollandais

C’est amusant parce qu’aucun élément de l’article ne vient corroborer le titre. Au contraire, l’article se révèle n’être lui-même rien d’autre qu’une fausse nouvelle. Il fait état d’événements anciens, qui ne sont pas des nouvelles, et il n’apporte aucun élément à l’appui de sa thèse.

Quelques expatriés ukrainiens ont fait campagne aux Pays-Bas contre un vote sur un accord d’association UE-Ukraine. Des Hollandais d’origine russe ont fait campagne dans le même sens. Les Néerlandais ont finalement rejeté l’accord avec 61,1% de voix contre et 38,1% pour.

Ce vote a eu lieu en avril 2016. Je ne comprends pas pourquoi ce vote mérite aujourd’hui un article. Son but n’est certainement pas de d’informer sur l’actualité ou sur le vote lui-même. L’article n’explique pas sur quoi portait précisément le vote, ni ne mentionne les chiffres du résultat.

Quelques expatriés aux Pays-Bas ont participé à des discussions publiques et ont fait campagne contre l’accord et ils ont finalement gagné. Ils l’ont fait sans cacher leur identité, honnêtement et dans le cadre de la loi. Absolument rien ne prouve qu’ils aient eu une influence indue sur le vote.

Mais cela ne convient pas au NYT. « C’est Poutine qui l’a fait » est un impératif permanent pour le NYT. Et donc, les Ukrainiens qui ont fait campagne doivent être de « faux Ukrainiens », et en réalité des Russes, parce qu’il est impossible, aux yeux du NYT, qu’un Ukrainien se prononce contre le putsch violent de Maidan et ses conséquences :

Ils ont assisté à des réunions publiques, ils sont apparu à la télévision et ont utilisé les réseaux-sociaux pour dénoncer le gouvernement pro-occidental de l’Ukraine comme une kleptocratie sanguinaire, indigne d’un soutien néerlandais.

[…]

Les membres les plus actifs de l’équipe ukrainienne venaient en réalité de Russie, ou des régions russophones d’Ukraine, et ont relayé la ligne du Kremlin comme des perroquets.

L’auteur semble dire que les gens « des régions russophones d’Ukraine » (qui représentent au moins le tiers du pays) sont de « faux Ukrainiens » ? Qu’ils n’ont aucune volonté propre en tant qu’Ukrainiens et qu’ils sont seulement capables de « relayer la ligne du Kremlin comme des perroquets » ? Ces Ukrainiens russophones sont-ils de moindre valeur ? Est-ce mal de ne pas relayer comme un perroquet la ligne de Washington / Bruxelles ?

Puis vient une restriction qui ôte toute sa force au coup que l’article voulait porter :

Il est difficile de savoir si l’équipe ukrainienne a été dirigée par la Russie ou si elle a agi de la sorte parce qu’elle partage les mêmes idées…

Est-ce que la raison de leur attitude ne pourrait pas être ni l’une ni l’autre de ces deux raisons, mais une troisième ? Peut-être qu’ils sont convaincus que l’accord UE-Ukraine n’est dans l’intérêt bien compris d’aucun des deux pays ? (Ce n’est pas dit dans l’article mais l’accord en question est beaucoup plus qu’un accord commercial ou économique. Il comprend des clauses d’alignement dans les domaines de la défense et de la politique.)

Voyons de plus près ces « faux Ukrainiens » et ce « groupe de Russes » :

Un de ces contacts [russes] est Vladimir Kornilov, un historien et analyste politique né en Russie ; il a grandi dans l’Est de l’Ukraine et vit actuellement à La Haye, où il mène des recherches personnelles au Centre des études eurasiennes.

Avant le référendum néerlandais l’an dernier, M. Kornilov a fait campagne contre l’accord commercial de l’Ukraine en disant plaisamment de lui-même qu’il est un « expatrié ukrainien à La Haye » qui, stupéfait du « flux apparemment interminable de mensonges et de propagande » contre la Russie, s’est senti obligé de répondre.

Vladimir Kornilov semble avoir la quarantaine. Quand il est né, il n’y avait pas de « Russie » ni d’« Ukraine » comme aujourd’hui. La Russie historique comprenait l’Ukraine. Lorsque Kornilov est né, c’était l’Union soviétique avec ses nombreuses entités fédérales. « Né en Russie » et « a grandi en Ukraine orientale » sont des catégorisations nationales que personne n’avait faites avant que l’URSS ne s’effondre. Les gens auraient dit « né à Moscou » et « a grandi à Donetsk » ou quelque chose comme ça.

Kornilov s’insurge avec force contre l’article du NYT et surtout contre le titre sur les « faux Ukrainiens » :

Vladimir Kornilov @ Kornilov1968

@nytimesworld Chers éditeurs ! Qu’est-ce que cela signifie « faux Ukrainiens » ? Votre auteur sait très bien que je suis un citoyen ukrainien et que je n’ai pas d’autre passeport.

4:07 AM – 16 Feb 2017

Le seul « Russe » mentionné dans l’article est un jeune étudiant qui est arrivé enfant aux Pays-Bas :

Nikita Ananjev était un membre particulièrement actif de l’équipe ukrainienne ; c’est un étudiant de 26 ans né à Moscou qui est arrivé avec sa mère aux Pays-Bas, où il préside maintenant l’Association des étudiants russes.

Ananjev se décrit lui-même publiquement comme quelqu’un qui « a été élevé comme un Hollandais mais qui est encore russe à 80% ».

Kornilov et Ananjev sont les deux seuls noms que le NYT peut fournir à l’appui de sa thèse. Ils sont les « faux Ukrainiens » et le « groupe de Russes », dont le titre parle.

Le « faux Ukrainien » n’est pas « faux » du tout, c’est un vrai Ukrainien. Le « groupe de Russes » est un étudiant de Rotterdam élevé en Hollande. Le NYT n’a trouvé aucun signe d’une quelconque pression russe sur leurs idées ou leurs opinions. Il n’y a aucune preuve dans l’article, pas la moindre preuve, que ces personnes « aient fait basculer » le vote hollandais. Le NYT n’essaie même pas de le démontrer.

Le peuple néerlandais a voté contre la préférence des éditeurs du NYT à une large majorité. Que la raison puisse en être le fait que l’accord sur lequel portait le vote n’était pas très bon, ou l’illégalité du putsch de Maidan organisé par les États-Unis, cela ne les intéresse pas du tout et ne soulève aucune question. À la place, ils nous servent de fausses allégations qu’ils présentent comme des faits sur une soi-disant influence étrangère, sans aucune preuve à l’appui.

L’expression « fausse nouvelle » du titre ne prend sens que si on l’applique à l’article lui-même.

Il n’y a aucun argument dans l’article qui justifie le titre. Il n’y a pas de « faux Ukrainiens », il n’y a pas de « groupe de Russes » et les quelques militants expatriés n’ont pas « fait basculer le vote néerlandais ».

L’article est aussi une fausse nouvelle dans le sens qu’il ne contient aucune nouvelle du tout. Le vote a eu lieu il y a 10 mois. Avant le vote, les expatriés ont fait campagne contre l’accord tout à fait ouvertement. Rien n’a changé depuis. Il n’y a pas un seul fait nouveau dans l’article.

C’est de la propagande pure et simple. Il n’y a pas un seul fait qui vienne corroborer le titre. C’est un effort plutôt raté pour alimenter la campagne anti-russe qui a été exacerbée par Hillary Clinton pour gagner l’élection et ensuite pour expliquer son échec quand elle a été battue. Il colle avec l’illusion impériale de la « seule superpuissance » qui est le fond de commerce du NYT. Mais il rate son coup. L’article ne convainc personne et il est facile à percer. Ce sont des fake news.

Traduction : Marie Staels

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