Le 15 novembre 2015 – Source Deutsche Wirtschafts Nachrichten
Les attentats de Paris pourraient mener vers un engagement militaire massif de l’Otan en Syrie. C’est pourquoi Poutine, le président de la Russie, pose la question sur les instigateurs des intrigues. La question a un rapport avec les succès militaires russes en Syrie et avec l’intention des néoconservateurs étasuniens de se servir au plus vite des attentats afin de les instrumentaliser pour un élargissement de la guerre en Syrie.
Une fois de plus le président de la Russie Vladimir Poutine a posé la question juste : qui étaient les tireurs de ficelles des attentats de Paris ? Poutine, d’après l’agence de presse TASS, a offert sa pleine coopération aux Français pour «l’éclaircissement du crime, aussi bien en ce qui concerne les exécutants que les tireurs de ficelles».
Que savons-nous exactement ?
Basiquement en fait, nous ne savons pas grand-chose.
Frappant : aussi impréparées qu’étaient les forces de sécurité françaises avant les attentats, aussi rapides étaient ensuite les réponses à portée de main. L’auteur doit être la milice terroriste État islamique (ISIS). C’est ce qu’a constaté le président François Hollande et il a déclaré la guerre à ISIS qui vient de revendiquer les attentats. Mais Charles Winter de l’institution Quilliam, qui s’est spécialisé sur la Syrie et ISIS, fait remarquer qu’actuellement on ne peut pas juger si les attentats ont été directement organisés par ISIS ou s’ils ont été inspirés par les terroristes. Il est tout à fait concevable que ISIS, qui se trouve sous une pression énorme en Syrie, revendique les attentats simplement pour encourager ses propres adhérents.
Le New York Times cite Bruce Hoffman du Center for Security Studies à l’université de Georgetown : l’organisation des attentats porte plutôt la signature d’Al-Qaida.
Hoffman rappelle un message d’Oussama ben Laden, qui a exigé des partisans de la terreur qu’ils réalisent des attaques, comme a Mumbai,
sur des cibles molles au milieu de la société civile.
Les informations des chercheurs français sont à prendre avec prudence : un passeport syrien a été trouvé chez un terroriste qui s’est dynamité lui-même. Dans le milieu des service secrets, on tient pour improbable qu’un auteur d’un attentat suicide se promène avec un passeport dans la poche pour sa dernière action. En lien étroit avec ceci, on se souvient des attentats sur Charlie Hebdo. À l’époque, les tueurs avaient également oublié par hasard leurs passeports dans la voiture avec laquelle ils ont fui. Le flou persiste jusqu’à aujourd’hui sur l’identité des vrais tireurs de ficelles de ces tueurs. En même temps les services de sécurité grecs affirment que les tueurs seraient venus avec les réfugiés en Europe. Avec cela, on attise la peur des réfugiés – ce qui est vraiment dans l’intérêt de la Turquie qui peut faire monter ainsi les enchères.
Poutine appelle à la coopération étroite de la communauté mondiale en Syrie : il fait cela actuellement à partir d’une position de force militaire. Les Syriens, soutenus par la Russie et l’Iran, se trouvent, après une offensive couronnée de succès au sud d’Alep, à quelques kilomètres de Saraqib, au croisement décisif des autoroutes de Damas et de Lattaquié vers Alep.
D’ici quelques jours, les troupes de mercenaires américains, que l’on avait rassemblées pour l’assaut sur Damas et Lattaquié – où se trouve la base militaire russe – au nord de Hama et 50 kilomètres avant Lattaquié, seront encerclées. Il s’agit de quelques centaines de mercenaires, financés et conseillés par des militaires turcs et étasuniens.
La Turquie avait déjà au cours des dernières semaines mis les combattant de ISIS à l’abri des Russes.
Pour la retraite, il existe le modèle historique de l’encerclement des talibans au nord de l’Afghanistan. Bush avait toléré a l’époque un pont aérien des Pakistanais pour les chefs talibans et les conseillers militaires – 5 000 combattants mouraient plus tard dans la tempête militaire. Maintenant, un destin semblable menace ISIS entre Kweires et Alep.
Cette fois-ci il manque par contre un aérodrome convenable; c’est pourquoi les Américains devraient être actifs militairement très rapidement, si l’on veut éviter que les mercenaires et les conseillers ne soient annihilés par les Syriens et les Russes.
C’est pourquoi les néocons étasuniens, les généraux des États-Unis et de l’Otan ont très vite instrumentalisé les attentats de Paris pour mettre le président Barack Obama sous pression : Obama veut se retirer de Syrie. À la lumière des attentats à Paris, les néoconservateurs et les généraux analysent cela comme de la faiblesse. L’analyste militaire Jerry Hendrix du Center for a New American Century dit dans le magazine Time : «L’attentat parisien pourrait être un événement catalyseur qui poussera la communauté internationale à agir.»
William Kristol se joint dans Weekly Standard à la critique de la stratégie syrienne d’Obama contre ISIS et exige également une lourde répression – l’engagement des troupes au sol.
Kori Schake de Hoover Institution écrit dans Politico : «La stratégie d’Obama pour l’endiguement d’ISIS est mauvaise». Il exige la destruction d’ISIS, pas seulement son endiguement. Ce n’est possible qu’avec des troupes au sol.
Samedi, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, s’est déclaré prêt à intervenir, et invite franchement Paris à activer l’article 5 de la Charte de l’organisation.
Dans ce cas, tous les membres de l’Otan devraient aussi intervenir activement militairement en Syrie. C’est pourquoi, le journal Bild, dont les positions apparaissent étroitement accordées à celles de l’Otan, demande déjà : «Après la terreur à Paris – devons nous maintenant passer à la guerre ?». Le président de l’association des réservistes de la Bundeswehr et membre CDU du Parlement, Roderich Kiesewetter, a dit au journal Bild : «J’œuvre aussi pour que nous employions nos capacités militaires en Syrie. Nous pourrions soutenir nos alliés avec nos détachements de reconnaissance.» Le journal Bild résume les efforts de l’Otan sous le titre en gras : «La préparation à une intervention militaire se précise».
Au sommet de crise chez la chancelière, les représentants des services secrets qui augmentent leur puissance après chaque attentat terroriste étaient aussi présents.
Ils pourraient en savoir plus sur les coulisses mais ne donneront à ce sujet que les informations qui leur conviennent. Cela signifie la désinformation.
Un rôle particulier dans l’engagement de troupes au sol pourrait être joué par la Turquie. Elle fait depuis des mois sa propre guerre, une guerre extrêmement douteuse et illégale du point de vue des droits des peuples pendant qu’elle lutte sur les territoires de l’Irak et de la Syrie contre le PKK.
Erdogan disait que la Turquie connaissait le terrorisme et ses effets de par sa propre expérience. Le président turc Recep Tayyip Erdogan disait à propos des attentats parisiens : «Il faut maintenant arrêter les discours.» Il exige une action militaire massive.
La logique «mon terroriste est bon, le tien est mauvais» ne devrait plus être la règle : «Le terrorisme n’a aucune religion, aucune nation, aucune race, aucune patrie.» C’est exactement avec les mêmes paroles que Erdogan avait reproché à l’UE, il y a quelques semaines à Bruxelles, de ne pas l’avoir suffisamment soutenu dans la lutte contre le PKK.
Les avances des Russes en Syrie mettent Erdogan dans une situation difficile. Il a urgemment besoin d’une excuse pour défendre ses intérêts en Syrie. L’attentat pourrait lui procurer la légitimation, en tant que pays de l’Otan qui se tient fidèlement aux côtés de la France, pour entrer avec des troupes au sol en Syrie. Erdogan peut en tous cas se mobiliser plus vite que les États-Unis, qui sont encore soumis a certaines procédures démocratiques avant d’envoyer des troupes. Du fait de la longueur de ces procédures, il pourrait être trop tard à cause des succès des Russes. Vladimir Poutine lui même vient du milieu du renseignement. Il comprend comment le jeu se joue. Les Russes sont de facto actuellement les seuls qui luttent vraiment contre ISIS.
Il y aura certainement une rencontre entre Poutine et Obama au sommet du G20 en Turquie [elle a eu lieu et a duré 35 minutes, NdT].
Ironiquement, Poutine est l’allié le plus proche d’Obama, avant tout contre les néoconservateurs et les généraux US. Au cours de ce somment, on devrait aussi discuter de la crise des réfugiés avec laquelle Erdogan fait chanter l’UE et la chancelière fédérale, complètement dépassée par cette question.
Les réfugiés jouent simplement un rôle secondaire dans les origines de la tuerie parisienne.
Car quelques terroristes qui tirent autour d’eux-mêmes avec des Kalachnikovs à Paris n’ont, en réalité, pas besoin de se cacher «dans le flot des réfugiés».
Mais l’on attise davantage la peur dans l’UE devant la menace posée par les réfugiés avec des affirmations selon lesquelles deux des tueurs auraient voyagé avec les réfugiés en Europe . Ainsi l’UE pourrait être forcée à accepter une action militaire et à autoriser, avant tout, Erdogan à en être le fer de lance.
Il serait maintenant décisif que Poutine et Obama s’entendent sur un processus commun et que Obama réussisse à tenir les néoconservateurs en laisse.
C’est surtout John McCain qui a mis une pression énorme et exigé vendredi la destruction d’ISIS. Au contraire, le ministre des Affaires étrangères John Kerry a parlé seulement des terroristes en général et n’a pas désigné ISIS explicitement comme le responsable des attentats à Paris, selon l’analyse du New York Times.
La demande principale de Poutine que les instigateurs des attentats soient «dénichés et punis» pourrait cependant, dans la Syrie troublée par la guerre, n’aboutir a rien. Comme on l’a déjà vu dans le cas du crash de l’avion MH17 en Ukraine, il y a beaucoup moins d’intérêt à obtenir des éclaircissements qu’à profiter du crime à l’avantage de ses propres visées géopolitiques.
Traduit par Jefke, édité par jj, relu par Literato pour le Saker Francophone