Poutine, Clinton et César


Par Israel Shamir – Le 8 septembre 2016 – Source The Unz Review

Le mauvais danseur s’en prend au plancher qui n’est pas droit, mais on ne s’attendait pas à ce que Mme Clinton se révèle aussi mauvaise dans les compétitions pour la présidence, face au nouveau patron excentrique qui mène la danse à New York. On s’attendait à ce qu’elle s’incline gracieusement dans la défaite comme dans le triomphe, comme il sied à une ex-première dame, mais c’est un boulet, et elle voudrait que ce soit la faute du pauvre Poutine.

C’est vrai qu’il fait peur ; au musée Altes de Berlin, on fait la queue pour constater personnellement son ahurissante ressemblance avec le buste de César en marbre. C’est si frappant, qu’on ne peut pas en vouloir à la Clinton de soupçonner le KGB d’avoir subtilisé en douce l’original du premier siècle pour le remplacer par un faux, russe bien entendu. Chacun sait que Poutine était en poste à Berlin dans sa prime jeunesse.

César était célèbre pour sa facilité à accomplir plusieurs tâches à la fois. Il était capable de dicter jusqu’à sept lettres en même temps, rapporte Pline. Mais même sa copie conforme, l’empereur des Russes, ne saurait jouer le rôle concocté pour lui par la Clinton et quelques autres cerveaux occidentaux du même calibre, celui de coupable de toutes ses balourdises à elle.

La semaine dernière, Frau Merkel a perdu des élections dans son fief natal de Meckenburg, au profit d’un nouveau parti nationaliste. Un politicien honnête – si tant est qu’il en existe – reconnaîtrait qu’en invitant des hordes de réfugiés dans son pays (au profit de qui ?) et en assujettissant la souveraineté allemande aux lois occultes du TTIP, elle avait doublement claqué la porte au nez des ouvriers allemands, ce qui les a amenés à voter contre elle ; elle a préféré rendre Poutine responsable de sa déconfiture.

Même chose, c’est la faute à Poutine, les retentissants échecs clintoniens. Si elle était honnête, elle admettrait qu’elle est impopulaire, même dans son propre milieu. Les scandales autour de la Fondation reptilienne, pardon, clintonienne, loin de s’apaiser, se multiplient, parce qu’il semble bien que le couple aux dents longues se faisait payer pour chaque meeting et chaque contrat gouvernemental.

C’est Poutine qui lui avait demandé de solliciter quelques millions de dollars auprès du sioniste milliardaire Haim Saban, ou de Wal Mart, le brigand en chef des compagnies de marchands ? C’est Poutine qui lui a suggéré de faire mauvais usage de sa boîte mail privée, et de mélanger ses affaires privées et celles de son ministère ? C’est Poutine qui l’a forcée à jurer qu’elle détruirait les mines de charbon si elle était élue ? C’est encore lui qui l’a convaincue d’annoncer qu’elle ouvrirait les portes à un million et demi de musulmans ?

C’est Poutine qui a falsifié le résultat des primaires démocrates, pour voler la victoire à Sanders ? Et c’est lui aussi qui a rédigé les furieux discours de Sanders, démasquant son alliance avec le calamar géant, le vampire tentaculaire Goldman Sachs, qui a payé des centaines de milliers de dollars pour ses conférences ?

C’est Poutine qui gère son emploi du temps de sorte que, comme le dit le New York Times, elle passe tout son temps en période préélectorale avec les ultra riches, au lieu de s’adresser à ses électeurs ? Quand elle se déplace, là où on est prêt à payer 250 000 dollars pour la rencontrer, c’est encore sur injonction de Poutine ?

Il lui aurait suggéré de qualifier les gens susceptibles de voter pour Trump, de racistes et de demeurés, ce qui était censé les effrayer, alors que cela les insupporte franchement ?

Eh non, il est très fort, mais tout ça c’est au dessus de ses moyens ; elle devrait se méfier du peuple américain qui refuse de faire confiance à sa chutzpah, à son amour du gain, à ses bravades. Apparemment, elle n’est pas rassurée du tout, et c’est pour cela qu’elle veut faire porter le chapeau à Poutine pour tous ses faux-pas.

Dans son camp, ses larbins des services secrets et les sénateurs disent qu’ils redoutent que Poutine ne se mêle de leurs affaires électorales et sème la méfiance chez les électeurs. Mais aucun besoin des Russes pour cela ; si c’est ça que veulent les Russes, la Clinton et ses supporteurs s’en chargent parfaitement.

Comment pourraient-ils faire confiance à celle qui, étant secrétaire d’État, a sollicité le Qatar pour des contributions privées, et a ensuite autorisé des livraisons d’armes américaines pour les clients terroristes du Qatar ? Comment feraient-ils confiance à Sanders, qui avait condamné la Fondation Clinton comme antre de la corruption, et maintenant soutient la Clinton et crée sa propre fondation sur le même modèle ?

Des histoires de piratages obscurs, dans l’Illinois et l’Arizona, justifieraient l’idée que Poutine voudrait interférer dans les résultats électoraux. Pas la moindre preuve de quoi que ce soit, encore moins du côté de la Russie, mais «il y a débat». Je parie que l’establishment prépare le terrain pour faire annuler ou falsifier les résultats, en cas de victoire probable de Trump. S’il gagne, le gang de la Clinton va hurler «c’est Poutine !» Puis ils refileront la chose – bricolée – à la Cour suprême, où Ruth Bader Ginsburg et ses collègues proclameront la victoire de Clinton.

«Personne n’a jamais interféré dans les élections US, jusqu’à l’arrivée de Poutine.» Voilà une protestation du gang, vociférée dans les médias et les milieux du renseignement, aussi crédible qu’une revendication de virginité chez une professionnelle du trottoir. Poutine n’a ni les moyens ni l’occasion d’interférer, quand bien même il le voudrait. Julian Assange l’a bien expliqué, quand on lui a demandé pourquoi il n’attaquait pas les États-Unis. La Russie de Poutine a le PIB de l’Italie, elle ne peut pas jouer contre les équipes des États-Unis et de la Chine, ce qui est au demeurant bien douloureux pour les Russes, qui se souviennent de la grandeur de l’Union soviétique.

Les Russes n’interfèrent pas dans les élections US et Poutine a fait de son mieux, en disant dans son entretien tendu avec Micklethwait de Bloomberg : «Nous sommes prêts à travailler avec le prochain président choisi par le peuple américain, quel qu’il soit, dans la mesure, bien sûr, où la prochaine administration s’y prêtera ; bienvenu, celui qui voudra travailler avec la Russie. Et celui qui voudrait se débarrasser de la Russie doit s’attendre à une approche bien différente, évidemment.»

Non, vraiment, Poutine ne veut pas se mêler de ce qu’il considère comme relevant des affaires internes de chaque pays, il est trop bien élevé pour ça. Il n’a rien fait, en février 2014, alors qu’il aurait pu avoir toute l’Ukraine, s’il avait apporté son soutien au président Ianoukovitch chassé de son poste. Il n’a pas interféré en Géorgie en 2008, alors que ses troupes stationnaient aux portes de Tbilissi ; il le ferait encore bien moins, s’agissant des États-Unis.

Ce sont les États-Unis qui ont coutume de se mêler des élections chez les autres, en faisant la promotion des politiciens pro-américains, et souvent avec succès. En Europe, de la Suède à l’Italie, au Japon et en Corée du Sud, en Israël et en Arabie saoudite, ce sont les pro-américains qui tiennent les partis au gouvernement, et les partis d’opposition aussi. Seuls échappent à cette emprise les nouveaux partis d’extrême droite, et c’est là la clef de leur succès.

Ce que l’on sait moins, c’est que l’élection ou la sélection de Mikhail Gorbatchev au poste de secrétaire général du Parti communiste en 1985 est le résultat de l’ingérence britannique et étasunienne. L’avion de son principal concurrent Grigory Romanov avait été retardé jusqu’à l’intronisation de Gorbatchev, tandis que la visite de celui-ci à Londres était présentée comme le signe d’une approbation universelle.

Les États-Unis sont intervenus dans les élections russes en 2011, lorsque le vice-président Joe Biden a appelé le candidat Poutine à se retirer de la course à la présidence, et que l’ambassadeur Mc Faul avait rencontré l’opposition, tandis que Clinton encourageait les troubles dans les rues de Moscou.

Il va sans dire que la Russie moderne n’aurait aucune chance de succès, si elle voulait interférer dans le processus électoral américain.

Des pirates russes auraient fourni de la matière à Wikileaks : mais cela ne tient pas debout, puisque nous savons maintenant que c’est un membre de la direction du DNC, feu M. Seth Rich, qui a fait fuiter la correspondance du DNC, ce pourquoi il a prestement été assassiné par des inconnus. Je ne peux pas croire à l’histoire des fonctionnaires russes faisant du piratage, pour deux raisons : les Russes sont intraitables sur certaines règles, et ils sont constamment surveillés par la NSA, comme nous l’avons appris par les révélations de M. Snowden.

En tout état de cause, rien de plus ordinaire que l’ingérence. Israël s’interpose dans chaque élection US­ : il y a quelques mois à peine, les candidats se battaient pour être les premiers à lécher les bottes de l’AIPAC, ou ce qu’elle leur aurait demandé, et c’est Hillary qui a gagné, de peu. Vous pouvez lire la fascinante histoire rapportée par Unz, sur ce qui s’est passé en 1940, quand des agents britanniques se sont ingérés pour faire en sorte que Roosevelt soit réélu président, ce qui leur a permis de forcer les États-Unis rétifs à entrer en guerre. Ajoutez à cela l’ingérence judéo-américaine dans la politique britannique en faveur de Churchill le va-t-en guerre.

Entre Clinton et Trump, au début de la campagne, le Kremlin n’avait pas de préférence. Bien des dirigeants préféraient la Clinton, une tête familière, Trump faisant figure d’outsider, voire de mauvais cheval. Le camp pro-occidental derrière les murs du Kremlin – qui existe bel et bien, et qui est puissant – tentait d’établir des ponts pour rallier la campagne de la Clinton, par l’intermédiaire de la représentante de la BBC, Elizaveta Osetinskaia, comme leur émissaire à Washington.

Cependant la violente campagne de propagande anti-russe menée personnellement par la Clinton allait faire changer l’humeur moscovite. Une hystérie de cette dimension contre la Russie, c’était du jamais vu, même au plus fort de la Guerre froide, à l’époque de Reagan et de Barry Goldwater, surtout chez les Républicains. La campagne actuelle contre la Russie de Poutine ressemble à s’y méprendre à la campagne contre l’Irak de Saddam Hussein, et on ne saurait oublier que la campagne des colonnes de tanks a pris le relais de celle des colonnes de la presse.

Maintenant, les journaux et les sites dominants publient des philippiques furibondes contre la Russie. Selon Newsweek, le «président» Vladimir Poutine est l’Hitler du vingt-et-unième siècle, et on devrait se méfier. Forbes écume, fou de rage, et précise : «J’ai mis « président » entre guillemets, parce qu’en 2012, il n’avait pas été élu librement et honnêtement ; il ne mérite donc pas le respect dû à sa fonction.»

Qu’est-ce que vous feriez, si vous étiez le président russe ? D’un autre côté, les agents de la Clinton ont fait passer un message rassurant au Kremlin : ne vous en faites pas, c’est juste un argument de campagne. Mais Poutine a toutes les raisons du monde de se faire du souci.

Il y a des néo-cons à l’ancienne, et aussi quelques généraux, qui croient qu’ils peuvent pulvériser les missiles russes s’ils déclenchent des frappes nucléaires subites. Ils appellent cela «frappe préventive», mais ce qu’elle est censée prévenir, c’est de l’ordre du fantasme.

Les Russes doivent comprendre que la campagne médiatique peut relever de la préparation psychologique, pour que les foules US soient prêtes à applaudir une telle attaque. Le président Obama en est conscient, et c’est la raison pour laquelle il veut mettre en place une déclaration contre une initiative nucléaire ; mais son cabinet et leurs alliés ont coupé court au projet, selon WSF.

Le mois dernier, les militaires russes ont observé des alertes de niveau élevé, des manœuvres et des inspections. Les forces du district Sud, une partie des forces des districts occidental et central, la flotte du Nord, le haut commandement des forces aérospatiales, le commandement des troupes au sol, tous étaient prêts pour le combat.

Il y a un sentiment général que la guerre mondiale est possible, voire imminente. Le président Poutine a les nerfs solides, mais il n’y a pas de système absolument infaillible contre un coup de folie. Peut-être que la campagne contre la Russie ne vise que l’électorat US ; mais les propos rassurants pourraient aussi rendre plus aisée une attaque nucléaire dévastatrice, contre un pays qui n’y serait pas préparé.

Ce que nous ressentons comme un écho de la situation en 1939 peut être en fait plus proche de 1941, quand l’Allemagne a soudainement attaqué la Russie, malgré le traité de non-intervention qu’elles avaient signé ensemble. En 1941, l’attaque avait été précédée de multiples messages rassurants de la part de Berlin. Un dirigeant russe doit tenir compte de tout cela, parce que les campagnes de haine ont leur dynamique propre.

Israel Shamir

Traduction Maria Poumier

Pour joindre l’auteur, adam@israelshamir.net

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