Par Dmitry Orlov – Le 28 novembre 2017 – Source Club Orlov
Un livre très intéressant a récemment été publié : « La garde prétorienne de Poutine : les confessions des meilleurs trolls du Kremlin » par Phil Butler. C’est un bon livre à lire pour tous ceux qui veulent regarder au-delà du miroir déformant mis en place par les médias occidentaux. Il comprend des contributions de personnes qui ont été actives face au barrage médiatique d’une presse spécialisée dans la contrefaçon émanant des usines à « fausses nouvelles » que sont le Washington Post, le New York Times et CNN.
Le titre est facétieux : les personnes en question ne sont pas des trolls car les trolls en question n’existent pas. Les trolls du Kremlin sont un faux mème qui est systématiquement déployé pour couvrir les propres échecs du système mais n’est pas utilisé en cas de succès.
Par exemple : l’establishment politique de Londres a manipulé avec succès le référendum sur l’indépendance écossaise pour le faire échouer avec une combinaison de pots-de-vin et de tactiques alarmistes ; par conséquent, les trolls fantômes du Kremlin n’y ont joué aucun rôle. Mais Londres n’a pas réussi à le faire avec le référendum sur le Brexit ; par conséquent, les trolls du Kremlin ont été utilisés comme têtes de Turcs pour ce résultat non voulu et non scénarisé.
Un autre exemple : Madrid a échoué dans ses efforts pour empêcher le référendum sur l’indépendance catalane ; l’exercice s’est transformé en une tentative de contrecarrer un exercice d’autodétermination démocratique ; il y a eu du sang dans les rues. Alors, sortons les trolls du Kremlin, et accusons-les. Mais maintenant que l’usure du référendum s’est installée et que la majorité de la population a dit avoir des doutes sur cette indépendance, les trolls ont apparemment fait leurs bagages et sont rentrés chez eux.
Et puis bien sûr, il y a aussi celui-là : Hillary Clinton a perdu son élection, inexplicablement dans son esprit et dans l’esprit de ses partisans, alors qu’elle a vraiment été une très mauvaise candidate qui a fait des choses inexplicablement absurdes, comme de traiter la moitié de son électorat potentiel de « panier de déplorables ». Alors, sortons les trolls du Kremlin encore une fois.
Et maintenant que tout le récit de l’« ingérence russe », poursuivi sans relâche par les médias des « fausses nouvelles » depuis l’élection de Trump, s’enfonce dans un cul de sac où tout le monde doit admettre que le tout était un montage crapuleux, Washington décide de mettre en scène une attaque contre Russia Today, la forçant, elle seule parmi tous les médias étrangers tels que la BBC, Al Jazeera et bien d’autres, à s’inscrire en tant qu’agent étranger. En substance, ce faisant, Washington a admis que son « ordre mondial » pouvait être abattu par un simple échange libre d’informations ! Si ce n’est pas une position d’extrême faiblesse, qu’est-ce que c’est ?
Bref, il est clair que les trolls du Kremlin se matérialisent spontanément au milieu de la défaite et se voient automatiquement remettre les lauriers de la victoire. Qu’est-ce que les trolls doivent faire pour s’assurer de cette victoire ? Mais rien du tout ! En fait, ils n’ont même pas besoin d’exister ! Mais pourquoi perdre une si bonne occasion de se lever, de faire un tour de terrain sous les ovations, de s’incliner devant cet honneur, d’accepter les lauriers, etc. Mais parce que quelqu’un pourrait s’en attribuer le mérite à notre place. Si tout ce que vous avez à faire pour gagner est d’émettre une déclamation assez populaire pour montrer que vous existez, cela semble être une proposition à très faible risque. Et les gens les plus méritants s’avèrent être ceux qui se sont constamment opposés à ces faux récits anti-Russes émanant de divers porte-parole occidentaux, comme moi-même.
On ne sait pas vraiment si la Russie en général ou le Kremlin tirent un réel bénéfice de ces victoires putatives des trolls du Kremlin, sauf peut-être comme une sorte de service de relations publiques, en faisant passer les ennemis de la Russie pour des idiots. Mais tout ce problème provient de la totale incompétence des dirigeants occidentaux – ce qui peut difficilement être considéré comme positif pour l’Occident, ou pour la Russie ou même le monde entier. Et voici comment les soi-disant « prétoriens de Poutine », les « trolls du Kremlin » de Phil Butler, peuvent et jouent parfois un rôle positif : en expliquant au reste du monde comment nous sommes gouvernés (ou, devrais-je dire, « manipulés ») par certains choix stupides, et comment ce n’est pas nécessairement une bonne chose. Il faut donc leur donner plus de pouvoir. Alors s’il vous plaît achetez et lisez ce livre. En attendant, je vous confie à mon ami le Saker, un Russe blanc qui a abandonné la doctrine arbitraire de son milieu ancestral et a appris à respecter Poutine.
Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateur de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie », c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.
Liens
Ce texte fait évidemment suite au texte du Saker publié ce jour.
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Catherine pour le Saker Francophone
Ping : Pourquoi les « trolls du Kremlin » gagnent toujours | Réseau International