Par Mike WHITNEY – Le 30 avril 2015 – Source CounterPunch
La plus grosse économie mondiale s’immobilise pendant le premier trimestre de 2015, ravagée par des pertes d’emplois massives dans le secteur du pétrole, la baisse de la consommation individuelle, la faiblesse des exportations et l’investissement fixe en berne. Le produit intérieur brut réel (PIB) – la valeur de la production de biens et services aux États-Unis -–a augmenté en taux annuel de seulement 0,2% au premier trimestre 2015.
Selon le Bureau of Economic Analysis [BEA], la démonstration concluante est faite que six ans de taux zéro et l’achat d’actifs à grande échelle (LSAP), qui ont enrichi les spéculateurs boursiers, gonflé la plus grande bulle des prix des actifs dans l’histoire et exacerbé les inégalités à des niveaux jamais vus depuis le Gilded Age, n’ont rien fait, par contre, pour améliorer l’économie réelle, stimuler la demande ou réduire le chômage. Comme l’illustrent les données du BEA, l’économie américaine est morte au bout du compte, fondamentalement victime de la négligence criminelle du Congrès et des magouilles de la Banque centrale.
Selon les données du BEA, «Le ralentissement de la croissance du PIB réel au premier trimestre reflète une décélération de la consommation, une baisse des exportations, de l’investissement fixe des non-résidents et des dépenses des gouvernements locaux, ainsi qu’une décélération de l’investissement fixe des résidents, partiellement compensée par une décélération des importations et par la reprise dans les investissements en stocks privés et les dépenses du gouvernement fédéral.»
Traduction [en langage humain, NdT] : l’économie est dans les chiottes. Les consommateurs ne dépensent plus parce que les emplois de merde qu’ils ont trouvés après la crise payent moitié moins que les emplois perdus avant que Wall Street fasse sauter le système financier. Les épargnes personnelles sont en hausse et les dépenses en baisse parce que les ménages font face à un futur incertain où les pensions sont écrémées et où la Sécurité sociale est attaquée. Les dépenses sont aussi impactées par le taux, historiquement faible, des anticipations d’emplois, indiquant que le chômage est beaucoup plus élevé que les chiffres bidonnés du gouvernement. Lorsque les travailleurs sont au chômage ils ne dépensent pas, l’activité diminue, et l’économie sombre. C’est aussi simple que ça. Les données actuelles confirment ce que les gens savent déjà, que l’économie pue et qu’ils sont plumés et tondus par une oligarchie vorace qui a empilé sur le pont en sa faveur pendant qu’ils restaient à fond de cale.
L’économie américaine est embourbée parce que notre Congrès, acheté et corrompu jusqu’à la moelle, a renoncé à toute autorité et a remis la gestion de l’économie à la Réserve fédérale, contrôlée elle même par le big business. Alors que nos déficits budgétaires actuels sont de l’ordre de 2% par an, le gouvernement devrait dépenser beaucoup plus pour compenser le ralentissement des dépenses du secteur privé et de l’investissement. Dans le passé, le Congrès et le président auraient mis en œuvre des programmes de relance budgétaire keynésiens importants pour que l’économie continue à crachoter tandis que les ménages rééquilibrent leurs comptes et que les entreprises retrouvent un minimum de demande des consommateurs. Ces remèdes, testés et efficaces, ont été jetés aux orties par la nouvelle orthodoxie monétariste qui exige que toute la richesse de la nation passe par les mains du racket des casinos de Wall Street, afin que les voleurs chouchoutés, qui ont détruit le pays avec leurs arnaques aux titres hypothécaires et leur système de Ponzi, puissent encore être récompensés pour leur avidité insatiable.
Les usines, la vente au détail, les demandes de prêts hypothécaires, l’investissement des entreprises, etc., sont tous dans les toilettes. Il y a une très bonne chance pour que l’économie soit déjà en récession, ce qui va, sans aucun doute, faire envoler la valeur des actions, puisque chaque proclamation de mauvaises nouvelles génère une frénésie d’achat par les spéculateurs intelligents qui prévoient que la Fed va continuer sa politique de crédit à taux zéro et d’argent facile [pour eux, NdT] à l’infini.
Il est intéressant de noter que l’économie a vécu à grand peine, au jour le jour, principalement grâce à une forte activité dans le secteur pétrolier où se pratiquaient l’expansion du crédit, l’investissement important des entreprises, et des emplois bien rémunérés, ce qui a contribué pour plus de $200 Mds par an au PIB. Maintenant, la production nationale de pétrole est en profonde détresse. Les licenciements ont récemment dépassé le seuil des 100 000 (Oil Layoffs Hit 100,000 and Counting, Wall Street Journal) et l’emprunt est tari. Warren Mosler explique l’impact de la réduction de la production de pétrole sur le PIB dans cette vidéo de Russia Today que j’ai transcrite :
«La chute des prix du pétrole s'est avérée être, sans ambiguïté, le fait négatif dont nous avions parlé avant [...] où l'argent épargné par le consommateur est perdu pour un autre consommateur. Pour chaque dollar non dépensé par un consommateur, un autre ne l'obtiendra pas.Ainsi il ne reste que l'effondrement des dépenses dans les immobilisations (investissement des entreprises). On constate que $150 Mds environ ont été empruntés dans le secteur du pétrole l'an dernier, entraînant la modeste croissance que nous avons connue l'année dernière. Depuis que cet effort d'investissement a disparu, tous les indicateurs se sont écroulés. A moins que quelque chose ne vienne remplacer les emprunts à fonds perdus pour extraire un pétrole au coût de $100 le baril, je ne vois aucun espoir.»(Entretien Warren Mosler, RT)
La reprise économique nécessite l’expansion du crédit, l’investissement des entreprises et l’emploi. Tous trois ont été gravement affectés par le plan stupide d’Obama pour faire baisser les prix du pétrole afin de détruire l’économie russe. Voici un bref résumé :
John Kerry, le Secrétaire d’État américain, aurait conclu un accord avec le roi Abdallah en septembre 2014 en vertu duquel les Saoudiens vendraient leur pétrole en dessous du prix du marché. Cela aiderait à expliquer pourquoi le prix a chuté à un moment où, compte tenu des crises en Irak et en Syrie causées par le groupe État islamique, il aurait normalement été en hausse. (Stakes are high as US plays the oil card against Iran and Russia, Larry Eliot, The Guardian)
Comme indiqué par les données épouvantables du PIB aujourd’hui, Obama non seulement s’est tiré une balle dans le pied, mais il s’est fait exploser toute la jambe. Mise à part la croissance colossale des stocks privés, qui sera un frein à la croissance pour l’avenir, ce que l’on voit aujourd’hui n’est rien d’autre qu’un désastre.
MIKE WHITNEY
Mike Whitney vit dans l’État de Washington. Il est un contributeur à Hopeless : Barack Obama et la politique de Illusion (AK Press). Hopeless est également disponible dans une édition Kindle. Il peut être joint à fergiewhitney@msn.com.
Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone