Par Petr Ivanchenko – Le 3 mars 2015 – Source: Fort Russ
La démobilisation sanglante de l’Ukraine
Le ministre ukrainien de la Défense, Stepan Poltorak, a annoncé la démobilisation de toutes les troupes punitives enrôlées depuis un an ou plus. Cette mesure concerne les réservistes rappelés au front comme les conscrits.
«Nous allons achever la formation des nouvelles recrues en mars et avril, pour qu’elles puissent remplacer ceux qui sont au front en ce moment», a déclaré Poltorak
La démobilisation doit commencer le 18 mars 2015
«La démobilisation débutera le 15 mars. Les conditions sont les suivantes: pour être démobilisé, vous devrez, à cette date, avoir servi pendant un an moins 10 jours, à compter du jour de votre arrivée au commissariat militaire suite à votre mobilisation», a annoncé Sergey Galushko, le chef adjoint du Département de la technologie de l’information au ministère de la Défense.
Si on comprend bien, quelqu’un qui est arrivé au commissariat le vingt avril de l’année dernière devrait être démobilisé et devenir réserviste le dix avril de cette année.
Toutefois, la démobilisation et l’affectation à la réserve militaire, où il restera prêt à effectuer de futures missions, seront conditionnées à l’arrivée de remplaçants formés dans les unités en question.
Il est clair que cette rotation va grandement diminuer la déjà faible préparation au combat des formations ukrainiennes, du fait qu’ils vont perdre une part importante de soldats qui ont une véritable expérience du combat (en supposant que Poltorak tienne sa promesse).
De nombreuses sources confirment que la formation des remplaçants est déplorable et que les camps d’entraînement sont de la pure fiction. Il est évident que le fardeau de la formation va retomber sur les commandants d’unités qui vont recevoir les remplaçants.
Cela signifie que les forces ukrainiennes ne seront pas en mesure de mener des opérations de combat pendant un certain temps. Cela signifie-t-il que la junte va renoncer à la guerre et que ses unités ne participeront pas à des opérations de terrain? La junte est-elle prête à accepter un armistice après sa défaite totale?
J’en doute. La junte a cruellement besoin d’une victoire ou de quelque chose qu’elle puisse présenter comme une victoire. Certains espéraient qu’il y aurait des désordres à Moscou, ce qui aurait pu être décrit comme un succès, et un succès d’importance. Mais cela n’a pas marché non plus.
La population de l’Ukraine, pour sa part, s’est lassée de la frénésie révolutionnaire et commence à poser plus de questions à la junte. Son attention pourrait être détournée par une escalade dans le Donbass.
Par conséquent, il est fort probable que la junte va essayer d’effectuer une opération quelconque qui pourrait être présentée à la société ukrainienne comme une victoire. Et ensuite, forts de leur statut de vainqueurs, ils pourraient conclure un cessez-le-feu, et envisager sérieusement de détruire le Donbass.
On ne peut donc pas exclure la possibilité d’une provocation armée contre la Russie aux abords de la Crimée, qui escaladerait le conflit une nouvelle fois. Il y a de nombreux signes que l’Ukraine se prépare à quelque chose de ce genre.
En tout état de cause, le calendrier de la démobilisation annoncé par Poltorak suggère que la provocation armée aurait lieu à ce moment-là, soit contre la Novorussie, soit contre la Russie en Crimée. La junte de Kiev y enverra ses meilleurs combattants. Ce sera leur chant du cygne.
Naturellement, la junte préférerait ne pas démobiliser, mais elle y est forcée par la rapide montée des tensions sociales (les parents des réservistes mobilisés sont prêts à se rebeller) et par l’échec de la quatrième vague de mobilisation. Elle utilise, par conséquent, la démobilisation pour donner un peu d’espoir à la future chair à canon.
En outre, elle peut aussi se servir de la démobilisation pour semer la discorde entre les parents des combattants et de ceux qui fuient la mobilisation, en disant que l’armée ne peut pas libérer le mari, le fils, le père de quelqu’un, parce que ses voisins ne veulent pas le remplacer au combat.
Mais les promesses sont faites pour ne pas être tenues. Il se peut bien qu’il n’y ait même pas de démobilisation, surtout si les opérations de combat s’intensifient. Par conséquent, la seule chance que les nouvelles recrues ukrainiennes auront d’être démobilisées, ce sera en se faisant honteusement tuer dans un autre chaudron du Donbass et d’être renvoyés chez eux sous forme de cadavre.
Commentaire de J. Hawk (traducteur du russe à l’anglais):
Avec ou sans Nemtsov, l’Ukraine est un pays en crise qui doit maintenant décider quoi faire de tous les réservistes qu’il a appelés l’année dernière. Il est difficile d’imaginer que Poltorak ou quelqu’un d’autre oserait annuler la démobilisation, même si on n’est pas sûr qu’il y ait de la relève. Garder les soldats sous les drapeaux au-delà du terme de leur engagement peut engendrer de gros problèmes de discipline et même des mutineries et des révoltes. Peut-être qu’ils seraient prêts à rester s‘ils avaient l’espoir de participer à une rapide campagne victorieuse, mais ce n’est absolument pas le cas.
Cependant, l’ordre de demobilisation ne concerne que les FAU (Forces armées ukrainiennes). Il ne concerne pas les bataillons de volontaires ou de la Garde nationale dont l’importance relative augmentera, par voie de conséquence. Mais ces formations ne suffiront pas à compenser la perte des combattants expérimentés des FAU. Étant donné les problèmes de personnel et d’équipement, il semble hautement improbable, à mon sens, que Kiev envisage sérieusement une nouvelle offensive de sitôt.
Traduit de l’anglais par Dominique, relu par Diane et jj pour le Saker Francophone