L’Ukraine entre fascisme, ochlocratie et éclatement


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Par le Saker US – Le 14 mai 2016 – Source thesaker.is

Ces derniers temps, on parle moins de ce pays croupion qu’est l’Ukraine dans les informations, en particulier dans les médias commerciaux occidentaux, et il y a une bonne raison à cela : ce Banderastan éphémère est en plein délabrement. C’est à peine surprenant puisque le concept entier, tout d’abord, n’a jamais été viable. Souvenons-nous de comment tout ceci a commencé.

Il est essentiel de se rappeler qu’il n’y a pas eu de révolution ou d’insurrection spontanée en Ukraine, l’Euromaïdan n’avait rien à voir avec l’Europe et tout à voir avec les États-Unis. Oh sûrement, on a dit aux Ukrainiens qu’il s’agissait de rejoindre l’Union européenne, mais cela n’a jamais été même une possibilité lointaine. L’unique but de l’Euromaïdan était d’empêcher la renaissance d’une nouvelle Union soviétique. Peu importe à quel point l’idée d’une URSS version 2 pourrait être ridicule, c’est ce qui habitait les esprits toujours atteints de paranoïa, d’auto-illusions et d’ignorance de l’État profond étasunien. Deux des principaux porte-parole de cet État profond ont été tout à fait clairs à ce propos.

Premièrement, nous avons la déclaration cruciale faite par Hillary Clinton au début de décembre 2012:

«Il y a un mouvement de re-soviétisation de la région [] Il ne sera pas appelé comme ça. Il sera appelé une union douanière, il sera appelé Union eurasiatique et tout ça [] Mais ne nous y trompons pas. Nous savons ce qu’est le but et nous essayons de trouver des moyens efficaces pour le freiner ou l’empêcher

Bon, il est tout à fait hors de propos de discuter si Hillary avait tort ou raison dans son interprétation. Ce qui importe, c’est qu’elle, et ses maîtres politiques, croient réellement que Poutine veut recréer l’Union soviétique.

Ensuite, nous devons rappeler une autre déclaration fondamentale, due cette fois à Zbigniew Brzezinski, qui a écrit :

Sans l’Ukraine la Russie cesse d’être un empire, tandis qu’avec l’Ukraine – achetée d’abord et ensuite soumise, elle se transforme automatiquement en empire… Selon lui, le Nouvel ordre mondial sous hégémonie étasunienne est créé contre la Russie et sur les fragments de la Russie. L’Ukraine est l’avant-poste de l’Occident pour empêcher la recréation de l’Union soviétique.

Encore une fois, cela n’a aucune importance que Zbig ait raison ou tort. Ce qui compte, c’est que c’était la cause véritable de l’Euromaïdan : les Américains voulaient créer une anti-Russie exactement en face de la frontière russe. Cette anti-Russie aurait été un voisin extrêmement dangereux et déstabilisant pour la Russie. Et si celle-ci intervenait en Ukraine, cela aurait réactivé une Guerre froide de basse intensité à de nouveaux niveaux, justifiant la protection de l’Europe par les États-Unis pour les 50 ou 60 prochaines années, au moins. C’était un très bon plan, sauf qu’il n’a jamais marché, évidemment.

Premièrement, les Russes ont stupéfait les Américains par deux fois : d’abord en utilisant l’armée là où on ne se serait jamais attendu à ce qu’ils le fassent (en Crimée) et, ensuite en n’utilisant pas la force militaire là où on s’attendait à ce qu’ils le fassent (au Donbass). C’étaient vraiment de très mauvaises nouvelles pour l’Empire anglosioniste : la Crimée, le joyau de la Couronne incontesté de l’Ukraine indépendante, était réunie à la Russie sans un seul mort, tandis que le Donbass (assurément la partie la plus riche et la plus avancée de l’Ukraine indépendante) a fait sécession sans la moindre intervention militaire russe déclarée. Ce n’était pas ce que les stratèges étasuniens avaient espéré.

Totalement désemparés, ils ont ordonné à l’armée et aux escadrons de la mort ukronazis de reprendre la région sécessionniste, et la junte y est presque parvenue. Seul un dernier sursaut désespéré de résistance des Novorusses, suivi par l’ouverture d’un vaste Voentorg (littéralement un commerce militaire, du nom du magasin de surplus militaire bien connu; Voentorg désigne maintenant la fourniture secrète de matériel militaire à la Novorussie), et un vent du Nord bien organisé (l’envoi de spécialistes militaires volontaires) ont sauvé l’affaire. Après ce passage critique, les Ukronazis n’ont plus jamais obtenu de succès important et leurs offensives opérationnelles à Saur Mogila et Debaltsevo se sont terminées dans un désastre total.

Ensuite la junte de Kiev a tout essayé, des bombardements et des attaques d’artillerie aveugles à l’usage de gaz de phosphore, aux attaques terroristes et même jusqu’au lancement de missiles balistiques et, bien sûr, l’attaque du MH-17 sous fausse bannière. Mais rien n’y fit. Les Novorusses s’étaient retranchés et leurs capacités tactiques et leur moral étaient largement supérieurs à ceux des forces de la junte. Pire, les Novorusses ont réussi, bien qu’au prix de grands efforts, à transformer finalement leurs milices de volontaires en une seule armée conventionnelle. Bien sûr, par rapport à l’armée russe, les forces de Donetsk et Lugansk sont encore très loin derrière, mais comparées à ce qu’on appelle l’armée ukrainienne ou aux escadrons de la mort nazis, elles sont largement plus capables et sophistiquées.

Deuxièmement, le niveau de mauvaise gestion, de corruption et de stupidité crasse manifesté par la nouvelle élite dirigeante (pour ainsi dire) était véritablement de qualité africaine. Pour une raison : ces imbéciles nationalistes ont commis un seppuku économique en coupant presque tous les liens avec la Russie. Alors que ces liens étaient très importants pour la Russie, ils étaient absolument vitaux pour l’Ukraine. En outre, Porochenko et la coterie d’oligarques pseudo-nationalistes qui l’entoure ont fait en sorte de détourner tout ce qui vaut la peine d’être détourné et ont tout simplement volé tout l’argent que l’Occident fournissait comme aide pour soutenir la Nouvelle Ukraine.

Troisièmement, en dépit du fait qu’une immense opération psychologique stratégique ait été organisée dans les médias commerciaux occidentaux pour présenter les Ukronazis comme des patriotes bien intentionnés désireux de rejoindre l’Europe et de vivre librement, les Ukies ont été si stupides et francs dans leurs paroles, leurs actions et leurs symboles qu’il est devenu de plus en plus clair pour les gens à l’Ouest que, loin de traiter avec des démocrates aimant la liberté, l’Occident couchait avec d’authentiques nazis. Non seulement cela, mais l’Occident, maintenant, payait pour coucher avec eux. Non que les chefs d’entreprise européens aient jamais été dégoûtés au point de ne pas vouloir aller au lit avec des meurtriers psychopathes, mais dans le cas ukrainien cela signifiait la perte d’un marché beaucoup plus important : la Russie.

Donc aujourd’hui, en mai 2016, il devient de plus en plus évident, sinon indéniable, que tout le projet ukrainien est un gâchis total, potentiellement bien pire et bien plus dangereux que le désordre en Libye ou en Irak. Au moins la Libye a une population très faible et l’Irak peut probablement être ramené à un semblant quelconque de normalité par les Iraniens, en supposant que l’Occident cesse d’utiliser Daech pour déstabiliser la région entière. Mais l’Ukraine a encore environ 40 millions d’habitants (officiellement 45 millions, mais entre la Crimée, le Donbass et ceux qui ont fui, c’est probablement bien moins que 40 millions actuellement), au cœur de l’Europe (du moins si vous considérez, contrairement à moi, l’Europe de l’Est comme faisant partie de l’Europe). Et elle part en lambeaux. Rapidement.

Le coup d’État en Ukraine a été décrit comme un coup de millionnaires contre des milliardaires et il y a beaucoup de vrai là-dedans. Les oligarques sont clairement l’une des forces essentielles dans la Nouvelle Ukraine. Les autres forces importantes sont les néo-nazis, la plupart provenant d’Ukraine occidentale. La troisième force, souvent oubliée, ce sont les diverses organisations criminelles (ethniques et régionales) qui, alors qu’elles sont souvent étroitement liées aux oligarques et aux nazis, sont pourtant distinctes des deux précédentes, principalement pour des motivations et un état d’esprit différents. L’essentiel pour toutes ces forces est ceci : elles sont aujourd’hui toutes armées jusqu’aux dents. C’est vrai – les oligarques ont leurs propres services de sécurité, les nazis ont leurs escadrons de la mort tandis que les truands ont tous leurs bandes de voyous armés. Quant aux flics ukies, ils se tiennent à l’écart, tandis que le très craint SBU (le KGB ukie), qui n’a jamais attrapé un seul espion occidental dans toute son histoire, est si occupé à enlever, à torturer et en général à terroriser tout Ukrainien anti-nazi, que ses agents n’ont pas le temps, ou pas envie, de mener des opérations de maintien de l’ordre. Autre chose encore : le SBU est essentiellement à louer par les oligarques, les nazis et même les truands.

Quant aux forces armées ukrainiennes, elles sont principalement composées d’hommes venant d’Ukraine de l’Est et elles manquent du genre d’entraînement idéologique qu’ont les escadrons de la mort, qui sont principalement composés d’Ukrainiens de l’Ouest. Elles ont cependant plus de puissance de feu que les escadrons de la mort, et cela explique en partie pourquoi ni les soldats réguliers ni les escadrons de la mort ne se sont bien débrouillés au combat. Ce qui est certain, c’est que ni l’armée régulière ni les escadrons de la mort n’ont les moyens, ou la volonté, de restaurer la loi et l’ordre, sans même parler de faire quelque chose à propos du désastre économique.

En d’autres termes, il n’y a plus du tout d’État de droit, et si le pays n’a pas encore totalement emprunté la voie somalienne, c’est principalement par inertie. Mais que les conséquences de l’effondrement économique deviennent évidentes, et la violence explosera.

Maintenant que l’aide occidentale est plus ou moins tarie et que le pays a été vidé de ses ressources, le gouvernement central a de moins en moins d’importance dans les régions, chacune d’elles est maintenant dirigée par des oligarques/chefs de guerre locaux. C’est très probablement la première étape du processus inévitable d’éclatement de ce qu’il reste de l’Ukraine, avec Lvov et Ivano-Frankovsk qui uniront leurs forces pour créer un mini-Banderastan à l’ouest du pays. Tôt ou tard, Odessa et l’Ukraine du sud se libéreront du contrôle de Kiev et seront indépendantes ou rejoindront la Russie d’une manière ou d’une autre, tandis que l’Ukraine du centre sera laissée sans rien, à part des bandes errantes de voyous à la Mad Max.

Quant au Donbass (et à la Crimée, bien sûr), ils sont partis pour toujours – et Kiev le sait. La meilleure preuve que Kiev en est conscient peut être trouvée dans le fait indéniable que la junte n’a accompli absolument aucun effort pour tenter de récupérer ou attirer d’une manière ou d’une autre les gens dans les régions sécessionnistes d’Ukraine pour qu’ils retournent au bercail à Kiev. Au lieu de leur payer leurs retraites (ce qu’ils étaient légalement obligés de faire), ils ont volé tout l’argent des pensions des gens du Donbass. En ce qui concerne la Crimée, Kiev a imposé un blocus de l’eau, un blocus des transports, un blocus de la nourriture et un blocus de l’électricité. Et alors que la Russie a fourni tout ce qu’il faut aux gens en Crimée, ce genre de harcèlement mesquin et carrément méchant n’incitera guère les habitants de Crimée à soutenir la junte nazie de Kiev. Le fait est que ceux de Kiev ont renoncé depuis longtemps à convaincre les vatniki, qu’ils ont toujours haïs et considérés de toute façon comme des métis semi-asiatiques infra-humains.

Le nouveau président de la Verkhovna Rada, le Parlement ukrainien, et numéro 2 du pays, Andry Parouby, un nazi avéré atteint, selon des rumeurs, de problèmes mentaux, est actuellement en train de discuter sérieusement l’introduction d’un régime de visas avec la Russie – privant ainsi 4 à 5 millions d’Ukrainiens vivant en Russie d’y travailler et d’envoyer de l’argent chez eux. Ça semble fou ? Ça l’est. Mais ce sont les mêmes gens qui ont fermé l’espace aérien ukrainien aux avions russes, ce qui, c’était à prévoir, a eu pour résultat que la Russie a fermé son espace aérien aux Ukrainiens. Celui qui regarde une carte vous dira qui y a perdu le plus.

Évidemment, comme l’économie est bloquée, les luttes idéologiques seront progressivement remplacées par des formes encore plus primitives de compétition pour les biens et les services et, dans certaines régions, même pour la nourriture et un abri. Lorsque ce processus commencera, l’Ukraine sombrera dans un processus de transformation, passant du fascisme à l’ochlocratie, à tel point que ce pays croupion éclatera et qu’une nouvelle vague de réfugiés déferlera sur l’Union européenne.

Le plus étonnant dans tout cela est que les nationalistes ukrainiens ont vraiment tout fait par eux-mêmes. Si entre 1991 et 2014, l’Ukraine était gouvernée d’une manière corrompue et incompétente, après 2014 les nouveaux dirigeants de Kiev se sont embarqués sur un parcours qui ne peut qu’être qualifié de suicidaire. À voir le chaos en Ukraine aujourd’hui, il est difficile de croire qu’en 1991, c’était un pays hautement développé, avec un potentiel immense et qui semblait en passe de bénéficier énormément du fait d’être un pont naturel entre l’Est et l’Ouest. L’apocalypse actuelle est entièrement due à l’action humaine, guidée par un délire idéologique haineux, des niveaux extraordinaires de corruption et apparemment un manque total de bon sens.

On avait promis aux Ukrainiens un avenir ressemblant à l’Allemagne et, au lieu de cela, ils ont eu la Somalie. Cela va coûter cher à tous ceux qui ont été impliqués dans cette gigantesque supercherie.

The Saker

L’article original est paru sur The Unz Review

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Diane pour le Saker francophone

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