L’Islam radical dévoile ses prétentions sur le Sri Lanka


Les Musulmans du Sri Lanka n’avaient jamais causé de problème à quiconque, ils étaient même un modèle de respect de la loi. Dans ce cas, quelle a été la cause de la série d’attaques terroristes qui ont frappé l’île à Pâques, et à quoi devons-nous nous attendre maintenant ?


Par Serguey Latyshev − Le 23 avril 2019 − Source Katehon.com

La série d’explosions dans des églises catholiques et des hôtels de luxe au Sri Lanka qui a tué 321 personnes et en a blessé plus de 500 [bilan plus récent ici, NdT], a été revendiquée par un groupe obscur, Jamaat al-Tawhid al-Watania (Armée de l’unité nationale). L’information a été confirmée par le ministre de la Santé Rajitha Senaratne.

À son tour, le ministre de la Défense du Sri Lanka, Ruvan Wijevardene, a déclaré mardi à Newsfirst que, selon les premiers éléments de l’enquête, les explosions dans les églises et les hôtels de l’île ont été commises par des « extrémistes locaux ». On suppose qu’elles constituent une réponse à l’attaque des deux mosquées par un extrémiste d’extrême-droite à Christchurch (Nouvelle-Zélande), qui avait tué 50 personnes.

À ce stade, bien sûr, tout est possible mais, très probablement, cette dernière déclaration est une tentative délibérée de présenter la tragédie de ce dimanche comme un phénomène local auquel les autorités pourront faire face sans difficulté.

Les autorités sri-lankaises ont un intérêt vital à présenter une telle version pour parer l’impact sur l’industrie touristique, l’un des gros morceaux de l’économie nationale. Car, après les attaques de dimanche et lundi, la « perle de l’Océan indien », où aucun visa d’entrée n’est nécessaire, a montré les signes d’une fuite massive de visiteurs étrangers.

Pourquoi présenter ainsi les événements ?

Pendant ce temps, les autorités sri-lankaises ont affirmé à chaud que, sans un soutien conséquent de l’étranger, les extrémistes, parmi lesquels se trouvaient sept kamikazes, n’auraient pu mener des attaques terroristes de cette ampleur. C’est ce qu’a déclaré le ministre de la Santé Rajitha Senaratne : « Nous ne pensons pas qu’un groupe de Sri lankais aurait pu organiser ce massacre », suggérant qu’« un réseau international était impliqué dans les attentats ».

Et en effet, si l’on juge par le nom du premier groupe à avoir déclaré son implication dans les attaques terroristes, celui-ci a de grandes chances d’être associé au bien plus actif Jamaat al-Tawhid al-Jihad (Armée du monothéisme et du djihad), connu en Jordanie et en Irak. Ce groupe salafiste de tendance radicale et anti-chiite, créé en 1999 par Abou Moussab al-Zarqaoui à la suite de l’invasion américaine en Irak, a développé des réseaux comptant de nombreux combattants et des mercenaires étrangers.

Ce groupe s’est appuyé sur l’utilisation de kamikazes, de martyrs, spécialisés dans la guérilla urbaine, assurant sa « promotion » par des vidéos montrant des otages décapités. En 2004, al-Zarqaoui a fait allégeance à Oussama Ben Laden et a donc renommé son groupe en Irak. Cette « métastase » semble être le Jamaat al-Tawhid al-Jihad. Au passage, les musulmans sri-lankais étaient initialement chiites en majorité. Dans la perspective de la guerre entre sunnites et chiites qui se déroule actuellement à la grande satisfaction des États-Unis et d’Israël, pour que les Salafistes clament leurs revendications au Sri Lanka où les Musulmans représentent environ 10% de la population, cela implique d’ouvrir un second front, sans aucune trêve, dans la guerre contre l’Iran chiite. Il n’y a visiblement aucun problème pour trouver les sponsors d’une « pieuse ».

Quelle direction suit l’enquête ?

La police et les services de sécurité sri-lankais ont déjà appréhendé 40 personnes (dont un Syrien), suspectées d’être impliquées dans les attaques.

Comme le journal sri-lankais The Island le rapporte, citant une source policière confirmée, un des kamikazes a laissé une lettre. Demandant le pardon de sa mère, il a écrit qu’il allait « mener une attaque-suicide au nom de sa religion ». On a trouvé ce message à l’occasion d’une fouille dans la maison du terroriste.

L’éventualité de nouvelles attaques terroristes est évidente. Après les huit explosions de dimanche, une a encore eu lieu lundi, et les artificiers sri-lankais sont parvenus à neutraliser plusieurs autres engins explosifs. Hier encore, 87 détonateurs pour des bombes de fortune ont été découverts dans l’actif district commerçant de Pett…

Les scénarios les plus probables

Nous avons assez d’informations pour tirer des conclusions consistantes, proposer trois versions de ce qui s’est réellement passé au Sri Lanka et réfléchir à quoi on peut s’attendre à l’avenir.

La première de ces versions, et la plus probable, est que les métastases du terrorisme islamiste ont finalement atteint le Sri Lanka.

Il y a longtemps que le terrorisme est une entreprise : certains islamistes, recevant de l’argent de milieux intéressés par des actions qui permettront d’imposer la loi de l’Islam dans le monde, ont ouvert un nouveau front, où il est possible d’obtenir d’importants succès avec des efforts et une mise de fonds modestes : à commencer par l’ostracisme puis la radicalisation consécutive des musulmans sri-lankais qui, n’ayant pas été historiquement marqués d’une « piété » particulière, parce qu’ils n’avaient pas subi de fanatisme, vivaient tranquillement et ne dérangeaient personne.

Après tout, par de telles attaques, on peut dépenser moins d’argent qu’il en a été alloué, et la différence peut être utilisée à la discrétion des organisateurs. Jamaat al-Tawhid al-Watania est, semble-t-il, un réseau créé pour une série d’activités terroristes spécifiques, un groupe sans structure organisationnelle claire, qui peut être dissoute ou rebaptisée demain, selon la façon dont les choses se déroulent. Il est clair que cette version est donc extrêmement désavantageuse pour les autorités du Sri Lanka, car la mise en œuvre de cette terreur éloigne le tourisme étranger, base de l’économie et du bien-être du pays.

La deuxième explication, de dimension internationale, moins probable, ne peut toutefois pas être exclue. Le Sri Lanka a des relations tendues à la fois avec les États-Unis et l’Inde en raison de ses liens forts avec la Chine, que les deux pays considèrent comme leur adversaire. Or, si l’Inde n’instrumentalise pas les islamistes pour atteindre ses buts politiques, les États-Unis quant à eux sont présents partout où le facteur islamique s’exprime : au Moyen-orient, dans les parties centrale, méridionale et orientale de l’Asie, en Russie. Ni New Delhi, ni Washington ne sont vraiment satisfaites du fait que les Chinois ont construit à partir de rien le port de Hambantotta dans le sud de l’île, il y a plusieurs années, et ont signé un bail de 99 ans pour son utilisation. Or le port peut être utilisé non seulement à des fins commerciales, mais aussi militaires. Et ce n’est pas le seul exemple de coopération proche : il y en a des domaines divers. Tout cela, alors que les États-Unis ont désigné le monde entier comme leur propre zone d’intérêt stratégique, de même que l’Inde avec l’Océan indien.

Dans ces cas précis où certains pays s’entêtent à « agir mal », les Américains leur rafraîchissent la mémoire par des crises organisées avec l’aide de terroristes, comme en Syrie, en Libye et dans de nombreux autres endroits. Ils ont porté à la perfection l’art de contrôler le monde de cette manière. Après que le long conflit ethnique prolongé sur l’île ait pris fin avec la défaite du groupe séparatiste le plus dangereux, les Tigres de la libération de l’Eelam tamoul, la seule façon d’orchestrer l’instabilité dans le pays et de sécuriser ainsi les intérêts des États-Unis en éliminant les conséquences d’une autre crise est la radicalisation des musulmans sri-lankais et en agitant une nouvelle menace terroriste. Qui sait si les États-Unis ne sont pas à la recherche d’un état de tension dans l’île ?

Enfin, version 3 : les causes internes. Ce scénario peut être envisagé à la fois séparément ou en relation avec les deux précédents. Et c’est un fait que l’explication des attaques terroristes au Sri Lanka peut être trouvée dans les contradictions au sein… des élites sri lankaises elles-mêmes. Selon ce qui se dit à Colombo, un certain nombre d’informations provenant des services étrangers (revenez au scénario précédent…) n’ont pas été portées à la connaissance du premier ministre Ranil Vikremasingha en raison de son opposition avec le président Maitripala Sirisena, et par conséquent aucune précaution n’a été prise. Ce conflit est activement exploité à des fins politiques par le chef de l’opposition Mahinda Rajpaks, qui a déclaré que si le gouvernement avait pris des mesures préventives et averti le peuple de l’existence d’une telle menace, « cette catastrophe aurait pu être évitée ».

Mais le plus important réside ailleurs. Les attaques terroristes représentent une occasion de préserver un certain type d’influence dans le pays : pendant les années de conflit ethnique, l’armée et d’autres structures de pouvoir, qui étaient au chômage depuis lors, réclament maintenant (et reçoivent) des pouvoirs d’urgence pour lutter contre la menace. Le commandant de l’armée sri-lankaise, le Lieutenant-général Mahesh Senanayake, est ulcéré que les militaires ne puissent pas utiliser leurs propres services de renseignements pour « arrêter et fouiller quiconque en rapport avec un incident ». Il réclame qu’on lui accorde « le droit d’arrêter les suspects, du moins pour un certain temps », car autrement, « on ne peut pas prétendre qu’il y a eu un dysfonctionnement dans le travail de renseignement ».

Pour résumer

Ainsi, c’est une quasi-évidence que ce qui s’est passé au Sri Lanka n’est pas un événement ponctuel. C’est en fait la partie émergée d’un iceberg parce que la montée des tensions dans un pays multiethnique et multiconfessionnel stratégiquement important concerne un trop grand nombre d’acteurs externes et internes possédant leur propre logique. Ces dernières années, le Sri Lanka, qui avait mis fin à grand peine à un sanglant conflit ethnique persistant, a aggravé les tensions sur une base communiste, en particulier entre bouddhistes, chrétiens et musulmans. C’est ainsi qu’un environnement nécessaire à l’éclosion du terrorisme a été créé. Alors bien sûr, le Sri Lanka ne disparaîtra pas à cause du terrorisme, mais la terreur empoisonnera la vie de chacun, y compris des touristes étrangers.

Serguey Latyshev

Traduit par Stünzi pour le Saker Francophone

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