Le 7 avril 2015 – Source thesaker.is
Chers amis,
Récemment, j’ai parlé à un de mes contacts en Russie, et comme il vit dans une ville russe assez typique, loin de l’immense mégapole qu’est Moscou ou même d’une des principales villes russes, je lui ai demandé de partager avec nous simplement son expérience quotidienne en Russie. Il a gentiment accepté et voici sa lettre. J’espère que ces impressions d’un homme de 25 ans, qui vient de l’Ouest, sera une nouvelle illustration utile de la vraie Russie, qui n’est que rarement, sinon jamais, montrée aux gens de l’Ouest.
The Saker
Bonjour à tous!
Comme la situation politique par rapport à la Russie est tendue en ce moment, pardonnez-moi de vous écrire anonymement. Le Saker m’a demandé d’écrire sur mes expériences en Russie, de faire un peu de lumière sur un pays qui reste tout à fait inconnu en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, et ce billet est ma réponse à sa demande.
A propos de moi: je viens de l’Amérique du Nord, j’ai 25 ans, j’ai presque terminé un master en géographie économique et je vis et travaille actuellement comme professeur d’anglais dans une province russe où je peux rencontrer et parler avec diverses personnes russes: tout le monde, depuis les simples ouvriers jusqu’aux professionnels qualifiés, juristes et membres de l’administration municipale. Je suis aussi un converti bien informé passé du catholicisme romain à l’orthodoxie orientale, et certains de mes amis et connaissances sont membres du clergé (dont un évêque) de l’Église orthodoxe russe, de l’Église orthodoxe en Amérique et du ROCOR (l’Église russe orthodoxe hors de Russie).
Depuis que la situation a explosé en Ukraine, j’ai suivi régulièrement les informations et j’ai lu tout ce que je pouvais sur l’Europe orientale. La plupart, sinon toutes les sources à un certain point sont biaisées et incomplètes, et c’est seulement un état de fait de l’information. Un biais ne signifie pas que vous n’écouterez pas d’autres sources d’information, seulement que tout est incomplet ou erroné dans une certaine mesure. Il faut s’y habituer… c’est tout à fait naturel. Les seuls critères que j’ai pour vérifier mes sources sont: l’information qu’elles présentent est-elle riche, complète et, idéalement, de première main; la source pense-t-elle l’information de manière rationnelle et cohérente; les conclusions sont-elles saines spirituellement, et encouragent-elles les gens à se rapprocher de Dieu et de la paix au lieu de se livrer à des passions destructrices (colère, luxure, dureté de cœur, désespoir, etc.) éloignées de Dieu. C’est ainsi que j’ai gardé ma tête hors du sable et vu la réalité telle qu’elle est. Maintenant, rhétorique mise à part, voici ce que je peux dire…
D’abord, les Russes sont très bien informés. Beaucoup d’entre eux sont capables de comprendre l’anglais à un niveau de base, donc ils peuvent lire des sources d’informations occidentales. Ils ne sont pas impressionnés par les sources d’informations occidentales, qui sont, au mieux, incomplètes et partiales. Ils sont encore moins impressionnés par les sources dominantes ukrainiennes, qu’ils considèrent comme totalement débiles. Oui, ils peuvent comprendre tout ce qui est publié en Ukraine, puisque l’ukrainien est presque identique au russe. Beaucoup de gens ont aussi des parents en Ukraine et, dans le passé, ils y voyageaient régulièrement. Dans ma ville, je connais personnellement deux de ces gens. Ils sont totalement découragés par l’auto-destructi
Ensuite, les Russes sont nationalistes, mais moins que d’autres pays (les Nord-Américains et les Polonais, par exemple… Je le dis parce que j’ai voyagé dans les deux endroits). Quelques-uns suspendent des drapeaux russes, des rubans de Saint George, et des chapelets orthodoxes à leur rétroviseur, mais beaucoup ne le font pas. Ils ont une relation forte, vivante, à leur histoire et à leur pays, quelque chose que je ne vois pas vraiment à l’Ouest. Certaines personnes sont concernées parce qu’elles comprennent que leur pays et, plus important, leur peuple sont attaqués par des puissances occidentales, mais en général elles sont tout à fait confiantes dans la force de la Russie pour s’en sortir d’une manière ou d’une autre. Jamais aucun Russe que j’ai rencontré ne désire autre chose que la paix avec l’Ukraine, la Pologne ou n’importe quel pays. La Russie a déjà bien assez de terres, et aucun désir de surveiller ou de contrôler un territoire hostile. Les gens avec qui j’ai parlé préfèrent développer le commerce et l’investissement
Enfin, les Russes ne sont pas une bande de gens qui se saoulent à mort. Si vous avez ce stéréotype à l’esprit, débarrassez-vous en! Les gens que je connais sont beaucoup plus accros au thé et aux excellents desserts qu’à l’alcool. Le système éducatif russe est, à mon avis, bien meilleur et plus rigoureux qu’en Amérique du Nord, et les étudiants ont de nombreuses raisons de croire que de bons emplois et de bonnes carrières les attendent lorsqu’ils sortiront de l’école. Je ne suis pas sûr des détails, mais à l’école secondaire, les élèves passent huit à neuf heures par jour en classe, six jours par semaine. Les autres jours et le soir, la plupart des étudiants ont des cours particuliers ou des activités parascolaires, et il est rare de voir de grands groupes d’enfants en âge scolaire rester assis à boire et à perdre leur temps. Boire, fumer et consommer des drogues est de plus en plus considéré avec mépris par les adolescents, comme quelque chose auquel se livraient les gens en échec qui vivaient à l’époque désastreuse des années 1990 et au début des années 2000. Cela dit, il reste certains problèmes et soucis sociaux, par exemple: 1. La pornographie et quelques autres usages malsains des ordinateurs et d’internet (qui ne sont pas discutés dans les familles, à cause d’une mentalité conservatrice qui préfère ne pas aborder ces problèmes). Cela se traduit parfois par de la promiscuité et des grossesses hors mariage, mais les deux semblent être mieux tolérés ici que dans le monde occidental; 2. L’amour général des Russes pour la conduite très rapide sur les routes; 3. Un manque culturel de préoccupation pour les normes de sécurité (des icônes religieuses dans les voitures plutôt que des air bags); 4. Une volonté culturelle de dépenser beaucoup d’argent (souvent obtenu à crédit) pour de belles voitures et de beaux vêtements. C’est mystérieusement en contradiction avec le désir des Russes d’économiser l’argent partout où c’est possible, en utilisant des cartes de rabais, de la nourriture faite à la maison (et cultivée dans une datcha), etc. Les Russes aiment toujours les jolies et belles choses, à un degré qu’on ne trouve pas en Amérique du Nord.
En ce qui concerne l’émigration, de nombreux Occidentaux partagent le stéréotype selon lequel les Russes veulent tous fuir vers l’Ouest. C’est définitivement faux. Sur les trente étudiants, environ, auxquels j’enseigne, je sais que quatre envisagent sérieusement de quitter la Russie de manière permanente. D’autres sont intéressés à étudier, voyager ou travailler temporairement à l’étranger, mais la majorité n’a pas de projets d’émigration, puisqu’il y a une foule de bonnes occasions ici en Russie, et que les gens ne veulent pas vivre loin de leurs familles. Apprendre d’autres langues est une bonne manière d’améliorer leur employabilité.
Dernier stéréotype: les filles russes sont très belles. Celui-là est évidemment vrai, et j’ai été quelque peu surpris à mon arrivée. Les filles ici ont aussi l’impression que les hommes occidentaux sont mieux que les hommes russes, avec moins de problèmes. Non, je ne veux pas développer et fournir davantage de détails de ma vie sur le thème des filles russes.
Malheureusement, je n’ai pas du tout le temps de me lancer dans la rédaction d’un magnifique essai décrivant la Russie et mes expériences ici. Mon travail et ma vie m’occupent beaucoup et je peux seulement écrire quelques réflexions spontanées et inédites.
Salut,
K.
Traduit par Diane, relu par jj pour le Saker Francophone