Les États-Unis et l’Iran font un bond en avant dans l’instauration de la confiance mutuelle


Par M.K. Bhadrakumar – Le 13 avril 2025 – Source Indian Punchline

Avec la fin des préliminaires et le début des pourparlers américano-iraniens à Mascate samedi, un engagement constructif a sérieusement commencé. Le signe certain est que la monnaie iranienne a augmenté de près de 6% dimanche. Le bazar de Téhéran, la girouette de la politique chiite, a parlé.  

Plus important encore, les deux négociateurs clés à Mascate, Steve Witkoff et Abbas Araqchi, ont décidé de reprendre les pourparlers le 19 avril, dans exactement une semaine, après avoir fait un rapport à leurs dirigeants à Washington et à Téhéran respectivement et cherché de nouvelles directives pour l’avenir.

La Maison Blanche a déclaré que les discussions étaient positives et constructives et a apprécié que « la communication directe était un pas en avant pour parvenir à un résultat mutuellement bénéfique ». Witkoff a décrit les discussions comme ayant été “très positives et constructives.”

Le ministère iranien des Affaires étrangères a déclaré lui aussi que les pourparlers se sont déroulés dans “une atmosphère constructive basée sur le respect mutuel ». Araqchi a également décrit les négociations comme « prometteuses et constructives ». De manière significative, Araqchi a déclaré à la télévision nationale iranienne que les pourparlers avaient rapproché les deux parties pour établir “la base des négociations » pour les discussions futures.

Il a ajouté de manière énigmatique que même si Oman continue d’agir en tant que médiateur lors du prochain cycle du 19 avril, le lieu de la prochaine session pourrait changer.

Faisant signe à Witkoff et s’adressant au public national, Araqchi a offert une intéressante perspective. Il a déclaré que les discussions visaient à créer un ordre du jour structuré pour les négociations sur la base d’un calendrier. Les remarques suivantes d’Araqchi doivent être soigneusement notées:

  • « Nous avons convenu de tenir un deuxième round samedi prochain, et lors de la prochaine session, nous examinerons le cadre général qu’un accord peut prendre pour voir jusqu’où ce processus peut avancer.”
  • Il est important de jeter les bases des pourparlers ; “Si nous pouvons finaliser les bases lors de la prochaine réunion nous pourrons entamer de véritables discussions sur cette base.”
  • Les entretiens se sont déroulés dans une « atmosphère calme et très respectueuse. Aucun langage inapproprié n’a été utilisé. Les deux parties ont démontré leur détermination à faire avancer les pourparlers jusqu’à la conclusion d’un accord souhaitable pour les deux parties et fondé sur un niveau d’égalité.”
  • Ni l’Iran ni les États-Unis ne veulent “négocier pour négocier” et ne sont pas favorables à des “pourparlers d’usure prolongés.” Les deux parties ont exprimé leur désir de parvenir à un accord “dans les plus brefs délais. Cela, cependant, ne sera pas facile et nécessite une détermination totale des deux côtés.”
  • « En partant, les deux délégations se sont rencontrées et nous avons discuté pendant quelques minutes. C’est une question tout à fait acceptée. Nous avons toujours observé la courtoisie diplomatique lorsque nous avons affaire à des diplomates américains, et cette fois aussi, un premier salut a été échangé, puis nous avons quitté les lieux. Ce n’était rien d’extraordinaire.”

Le Dr Mohammad Jafar Qaempanah, chef de cabinet de confiance du président Masoud Pezeshkian, qui occupe le poste de vice-président pour les affaires exécutives — et, incidemment, médecin de profession avec des documents de recherche et des citations étrangères à son actif — a déclaré que les négociations “se sont bien déroulées avec dignité, prudence, opportunité et conformément aux intérêts du peuple iranien.”

Le président Donald Trump s’est retenu dans ses premiers commentaires aux médias depuis Air Force One : « Rien n’a d’importance tant que vous ne l’avez pas fait, donc je n’aime pas en parler, mais ça se passe BIEN. La situation en Iran se passe plutôt bien, je pense.”

Ailleurs, Trump a ajouté « Je veux que l’Iran soit un pays merveilleux, formidable et heureux, mais ils ne peuvent pas avoir d’arme nucléaire. » C’est pourtant le choix stratégique de l’Iran.

Cela dit, tant aux États-Unis qu’en Iran, les partisans de la ligne dure mettent la corde à rude épreuve à force de tirer dessus. Ensuite, il y a aussi des tiers avec leur propre agenda. Si les Iraniens ont rejeté la tentative initiale des États-Unis de médiation des Émirats arabes Unis, et ont également contourné le Qatar et opté pour Oman comme médiateur préféré pour les pourparlers, cela raconte à lui seul les alignements régionaux complexes dans le Golfe ainsi que le besoin de Téhéran de garder les Israéliens à des kilomètres pour les empêcher de saboter.

Le nœud du problème est que la première série de pourparlers à Mascate représente un tournant dans la dynamique difficile entre Téhéran et Washington. Selon le Teheran Grapevine, les pourparlers se sont concentrés sur deux questions litigieuses étroitement liées — l’allégement des sanctions et la question nucléaire — comme lors des négociations précédentes.

Parvenir à un cadre de dialogue mutuellement acceptable pourrait ouvrir la voie à une réduction des tensions et à un retour sur la voie diplomatique. C’est faisable aujourd’hui à partir de toutes les indications. Ce qui change la donne, c’est que les deux parties ont montré leur volonté de réduire les tensions et de rechercher un terrain d’entente. Le ton positif d’Araqchi sur l’atmosphère des pourparlers de Mascate indique que malgré la méfiance mutuelle persistante, les deux parties reconnaissent la nécessité de poursuivre les discussions et sont déterminées à éviter l’impasse et à explorer de nouvelles opportunités.

Il ne faut pas oublier que le chemin à parcourir reste difficile et semé d’embûches. Des questions sensibles doivent être réglées, telles que le calendrier de l’allégement des sanctions, la portée des engagements nucléaires et les mécanismes de vérification. Néanmoins, l’essentiel est que le retour à la diplomatie, après une telle escalade des tensions au cours des derniers mois, offre l’occasion de rétablir une confiance relative et de recalibrer les relations américano-iraniennes ; au moins sur les plans technique et substantiel.

En effet, Witkoff et Araqchi ne sont que des négociateurs ayant le tempérament de ne pas succomber aux tentations de la surenchère et de la démagogie et de procéder plutôt avec précision, patience et créativité dans une tentative tous azimuts de capitaliser sur un bon départ.

Witkoff a déjà signalé une ouverture au compromis lorsqu’il a déclaré au Wall Street Journal que “notre position aujourd’hui” commence par exiger que l’Iran démantèle complètement son programme nucléaire. « Cela ne veut pas dire, d’ailleurs, qu’à la marge, nous n’allons pas trouver d’autres moyens de trouver un compromis entre les deux pays ».

Là où sera notre ligne rouge, il ne peut y avoir d’armement de votre capacité nucléaire [iranienne] », a ajouté Witkoff, soulignant que tout accord doit inclure des mesures de surveillance étendues pour garantir que l’Iran ne développe pas d’arme atomique. Des experts nucléaires du département d’État américain assistent Witkoff.

L’Iran a toujours nié chercher à acquérir des armes nucléaires. Vendredi, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Esmaeil Baqaei, a déclaré à Téhéran que l’Iran “donne à la diplomatie une véritable chance de bonne foi et de vigilance totale. L’Amérique devrait apprécier cette décision, qui a été prise malgré leur rhétorique hostile.”

M.K. Bhadrakumar

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

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