Les conducteurs d’Uber apprennent à déjouer son système antisocial


2015-05-21_11h17_05Par Moon of Alabama − Le 21 mai 2019

Uber et d’autres sociétés de VTC utilisent la tarification de pointe, également appelée « tarification dynamique » ou « tarification basée sur la demande ». Elles augmentent le tarif du trajet si la demande de courses est supérieure à la capacité disponible. Dans les moments de forte demande, elles augmentent leurs tarifs jusqu’à trois fois le prix normal.

Une étude de 2015 de la Booth School of Business réalisée par Uber et l’Université de Chicago affirme que cette hausse des prix est bénéfique pour les deux parties, les chauffeurs et les utilisateurs du service :

Uber opère sur un marché caractérisé par de fortes fluctuations de la demande et une offre variable de partenaires conducteurs. Les chauffeurs partenaires sont libres de travailler quand ils le souhaitent et doivent être incités à fournir des services. Dans ces conditions, la théorie économique nous apprend qu'utiliser les prix pour signaler aux passagers que les déplacements sont rares et inciter les partenaires conducteurs à renoncer à d'autres activités permettra de réduire l'écart entre l'offre et la demande et d'obtenir de meilleurs résultats pour les deux, les conducteurs dans leur ensemble et les partenaires chauffeurs.

La réalité est en désaccord avec ce que la théorie économique nous dit. Aux États-Unis, les conducteurs Uber sont considérés comme des entrepreneurs indépendants. Les chauffeurs disent que le tarif standard est trop bas, ou que la part d’Uber de 35 à 40% est trop élevée, pour leur permettre de gagner leur vie. Ils ont donc cherché et trouvé des moyens de déjouer le système :

Chaque nuit, plusieurs fois par nuit, les pilotes Uber et Lyft de l'aéroport national Reagan désactivent simultanément leurs applications de covoiturage pendant une minute ou deux pour laisser croire à l'application qu'il n'y a plus de pilotes disponibles, ce qui entraîne une flambée des prix. Lorsque le tarif est suffisamment élevé, les conducteurs réactivent leurs applications et verrouillent le tarif le plus élevé. ...
« Nous connaissons l'horaire de l'atterrissage de tous les avions. Cinq minutes avant, nous désactivons tous nos applications en même temps.  Les tarifs montent montent en flèche, 10 $, 12 $, parfois 19 $. Ensuite, nous réactivons notre application. Tout le monde va profiter de la hausse », a déclaré un pilote.

C’est merveilleux de voir une telle solidarité des travailleurs :

« Et tout le monde s'y oblige ? Tout le monde le fait ? », demande Sweeney.
« Oui 100%. Tout le monde le fait. Tout le monde sait que sinon ça ne vaut pas la peine. Ils savent que s’ils partent d’ici sans provoquer la hausse, cela ne vaut pas la peine. »

En moins d'une minute, environ 50 conducteurs sont réservés avec le tarif le plus élevé.

« C’est comme si on travaillait en famille, comme une équipe. Comme en équipe, nous le faisons. Toutes les nuits, nous le faisons encore. Nous déposons, revenons, c’est une routine. Nous le faisons jusqu'à 12 heures. »

L’idée commerciale sur laquelle repose Uber n’est pas rentable. Dès ses débuts, il a grandi en enfreignant la loi :

Uber a développé une technique d’expansion agressive appelée « confrontation de principe » dans laquelle Uber a tout simplement commencé à opérer dans une ville ou une région jusqu’à ce qu’on lui dise qu’elle n’avait pas l’autorisation de le faire. À ce stade, la firme mobilisera le soutien du public pour son service, en faisant appel à un éventail de lobbyistes, puis à une campagne politique pour modifier les réglementations locales. C’est une méthode qui a fonctionné dans des grandes et des petites communautés, mais pas partout - même aux États-Unis et au Canada.

Cette stratégie a rendu impossible la création de son activité en Europe et ailleurs.

Même quand elle exploitait ses chauffeurs, l’entreprise ne gagnait jamais d’argent. Au 4ème trimestre 2018, elle a perdu $800 millions. La société était extrêmement fière de sa valeur, estimée à $120 milliards, avant sa récente entrée en bourse. Mais l’offre publique initiale a été un échec total. Le cours d’ouverture des actions était de $42 et il est tombé à $36 au cours des deux premiers jours. Les banques de souscription ont dû intervenir pour porter le prix à $41,85 aujourd’hui, ce qui représente une évaluation totale d’environ $70 milliards. C’est encore beaucoup trop élevé.

Les investisseurs privés qui ont parié sur Uber au cours des dernières années ont perdu de l’argent :

À partir de mai 2015, Uber a vendu des actions privilégiées convertibles aux investisseurs sur le marché privé à des prix égaux ou supérieurs à $40, dont 15 transactions avec des investisseurs expérimentés s'élevant à $48,77 chacune, pour un montant total d'environ $6 milliards.

Tous ces investisseurs sont aujourd'hui sous l'eau avec leurs actions Uber.

Uber dit qu’il fera des profits lorsque des voitures autonomes seront disponibles, ce qui lui permettra d’éliminer ces conducteurs agaçants. Mais si les systèmes d’assistance à la conduite sont de plus en plus courants, il est hautement douteux que des voitures véritablement autonomes évoluent au cours de la prochaine décennie. Quand elles le feront, elles seront faciles à saboter.

Les licornes comme Uber, Tesla, par exemple, seront également fortement concurrencées par les constructeurs automobiles aux poches très profondes.

Uber, et ses pareils, engendrent également des coûts externes élevés, que le public commence seulement à voir. Ils augmentent le trafic total tout en nuisant aux transports en commun et à d’autres entreprises de grande valeur. La trop faible indemnisation des travailleurs chez les sous-traitants signifie que le contribuable devra finalement payer pour leur bien-être. La société a perdu $12 milliards au cours des quatre dernières années. Son dumping des prix, financé par ses investisseurs, a détruit des emplois bien rémunérés dans l’industrie du taxi. Au fil du temps, ces coûts créeront une plus grande résistance à l’égard de telles sociétés et les demandes de réglementation vont augmenter.

Espérons que les investisseurs soi-disant intelligents, qui ont rapidement acheté le concept Uber et permis une stratégie erronée, tireront une leçon du crash à venir et de leurs fortes pertes.

Pour la société dans son ensemble, ces entreprises antisociales n’ont aucune valeur et ne devraient pas exister.

Moon of Alabama

Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone

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