Par Andrew Korybko – Le 16 octobre 2018 – Source orientalreview.org
Le président russe, Vladimir Poutine, et le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, se rencontreront à l’occasion d’un sommet à venir, qui constituera leur première rencontre après la tragédie du mois dernier.
Le premier ministre israélien a déclaré avoir parlé au président Poutine le 7 octobre, date de l’anniversaire du dirigeant russe, et lui avoir annoncé qu’ils se rencontreraient en face à face prochainement. Aucun doute qu’ils aient beaucoup à se dire, Moscou ayant d’ores et déjà procédé à l’envoi des systèmes S-300 promis à la Syrie ; Tel Aviv avait déclaré plus tôt cette année qu’elle pourraient détruire ces systèmes de défense antiaériens si Damas les mettait en œuvre contre les avions israéliens engagés dans des missions de bombardement sur le territoire de la république arabe. Le ministre de la défense russe a confirmé les affirmations israéliennes, qui mentionnaient plus de 200 opérations de bombardement au cours des 18 derniers mois, pour ajouter immédiatement après la tragédie du mois dernier que Tel Aviv n’avait informé Moscou à l’avance de ces opérations – dans le respect du « mécanisme de désescalade » activé juste avant l’intervention anti-terroriste russe en 2015 – que de 10% environ du nombre total d’attaques israéliennes.
Cela va sans doute changer, maintenant que les S-300 sont en Syrie, mais ce développement en soi est probablement porteur d’un sens qui échappe à nombre d’observateurs. L’armée russe est toujours en possession de ces systèmes, et a commencé à former son homologue syrienne à leur maniement, sur une durée de trois mois ; le flou reste quant à savoir si ces systèmes seront ou non transférés à 100% aux opérateurs syriens à l’issue de cette période. Les porte-paroles russes ont répété à maintes occasions que les S-300 étaient envoyés en Syrie pour garantir la sécurité des soldats russes déployés dans le pays, ce qui laisse la porte ouverte à un éventuel « compromis » entre la Russie et Israël, qui verrait Moscou garder le contrôle de ces armes au lieu de laisser Damas en prendre pleine et entière possession. De quoi pousser plus loin l’embryon de rapprochement entre la Russie et Israël et d’empêcher la situation régionale de basculer dans l’imprévisible.
Israël a indiqué clairement qu’il ne cesserait pas ses attaques contre les positions des gardiens de la révolution islamique – Iraniens – et du Hezbollah en Syrie, qu’il estime menaçantes pour sa sécurité nationale, auquel cas la Syrie défendra probablement son territoire à l’aide des S-300, ce qui, bien qu’il s’agisse du droit souverain du pays à se défendre, pourrait constituer l’étincelle à un embrasement plus étendu. C’est pour ces raisons que la Russie, si l’on en croit les bruits qui remontent, s’emploie à jouer le rôle d’intermédiaire entre l’Iran et Israël en Syrie pour éviter que Tel Aviv ne procède à de telles frappes. C’est peut-être bien pour cela que le président Poutine a déclaré plus tôt ce mois-ci que Moscou « poursuit un but où aucune armée étrangère ne serait plus déployée en Syrie » à l’issue du conflit. Dans l’idéal, la Russie visera à faciliter un « accord tacite » entre les deux adversaires régionaux. Il ne serait pas irréaliste de penser que le président Poutine discutera de cela avec Netanyahu lors du sommet qui vient.
Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Radio Sputnik le vendredi 12 octobre 2018.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Vincent pour le Saker Francophone