Le Hezbollah modifie le scénario en déclarant qu’Israël parie sur le Prince Rouge


Par Andrew Korybko − Le 10 novembre 2017 − Source TheDuran


Le Secrétaire général du Hezbollah Sayed Hassan Nasrallah a décerné une distinction déshonorante à Mohammed bin Salman pour son pouvoir – supposé – de contrôler l’ennemi sioniste détesté de l’Iran, ce qui est la façon la plus claire de désigner le « Prince Rouge » comme une menace pour la République Islamique.

Ce n’est pas révéler un secret que de dire que l’Iran et l’Arabie saoudite se haïssent mutuellement pour des raisons trop nombreuses pour être exposées dans la présente analyse, mais qui ont été exploitées par les USA et Israël dans leur but commun de diviser pour régner. Donc, en soi, il n’y a rien d’étrange à ce que le Secrétaire général du Hezbollah interpelle durement le prince héritier saoudien Mohammed ben Salman. Cette fois, cependant, la polémique est sans précédent à cause d’un étonnant renversement des rôles.

Lorsqu’il parlait de la manière dont Riyad essaie d’inciter Tel Aviv à attaquer le Liban, Nasrallah sous entendait qu’au lieu que ce soit l’Arabie saoudite qui est sous le contrôle d’Israël, en réalité c’est Israël qui est sous le contrôle du « Prince Rouge » du Royaume, en le soudoyant à coups de milliards de dollars, dont certains pourraient provenir des avoirs de $800 milliards que Mohammed bin Salman pourrait confisquer aux oligarques de son pays.

Le Hezbollah a la réputation d’être précis et sincère dans ses déclarations, il ne faudrait donc pas ignorer que ce sur quoi Nasrallah nous alerte pourrait être sur le point de se produire si Riyad et Tel Aviv ont, en effet, des entretiens sur ce scénario. Il a cependant ajouté qu’en définitive Israël se défilerait à cause du prix élevé à payer.

En tout cas, ce qu’il est important d’en retenir est que le Hezbollah (et on peut aussi logiquement supposer l’Iran) pense que le futur roi de 32 ans détient un formidable pouvoir en étant capable de contrôler l’ennemi juré sioniste, contrairement à ses prédécesseurs qui étaient accusés d’en être les marionnettes (et c’était assez visible).

Étant donné que Nasrallah n’est pas connu pour prendre des gants dans ses déclarations, on devra admettre qu’en disant cela il y a là un sérieux message, envoyé par le Hezbollah et son allié iranien, à l’intention de tous les partisans de la Résistance, à savoir que le « Prince Rouge » est une des menaces les plus dangereuses pour le monde.

Mohamed bin Salman a, en effet, déclenché une guerre désastreuse au Yémen qui a déjà fait plus de 10 000 morts contribuant ainsi à l’une des pires crises humanitaires au monde. Il a aussi les mains couvertes de sang de par son implication clandestine dans la guerre en Syrie depuis qu’il était devenu ministre de la Défense saoudien début 2015. Jusqu’à maintenant il était considéré comme un instrument sioniste et pas du tout capable de contrôler des acteurs aussi puissants que Netanyahou.

Ce qui a changé depuis ces dernières années est que le « Prince Rouge » vient de prendre un pouvoir sans précédent pendant le week-end en concentrant son autorité sur le pays et en surmontant habilement le processus de prise de décision parcellisé de la cour royale du Royaume. En effet, il a emprisonné  les membres influents de sa famille et de l’oligarchie saoudienne qui s’opposent à lui sous le prétexte d’une campagne anti-corruption, avec le plein soutien des services de sécurité nationale.

L’Iran considère cela comme un changement inquiétant dans l’équilibre régional des forces car cela fait disparaître l’ancienne politique « analyser et équilibrer » de l’activité saoudienne à l’étranger, maintenant que les politiques étrangère et militaire sont entre les seules mains du « Prince Rouge ». Cela fait ainsi du pays un adversaire plus redoutable, dans le sens où il peut maintenant agir sans hésitation lorsqu’il aura fait son choix.

Ceci signifie non seulement que l’Arabie saoudite pourrait devenir imprévisible, mais aussi qu’il y a peu de chance que tous les efforts traditionnels de Téhéran, avec sa convaincante capacité de dissuasion, soient couronnés de succès. Il ne faudra plus simplement convaincre quelques princes influents et facilement impressionnables, parmi plusieurs centaines d’entre eux, que l’Iran veut faire des affaires, lui permettant ainsi de perturber la capacité de décision et de réflexion de l’Arabie saoudite sur la conduite à tenir. Maintenant l’Iran doit affronter un défi beaucoup plus difficile, rendre hésitant un Mohammed ben Salman notoirement déterminé, s’il espère contenir Riyad dans l’avenir.

Cela dit, il semble peu probable pour le moment que le « Prince Rouge » continue à menacer l’Iran et ses intérêts. Il est plus important pour lui de se concentrer sur la consolidation de son pouvoir et de s’assurer de la continuité de la loyauté de l’Armée et des services de sécurité. C’est pourquoi ce que dit actuellement Mohammed bin Salman est essentiellement destiné à un public interne plutôt qu’à jeter de l’huile sur le feu.

Ce que veut réellement le « Prince Rouge » est provoquer une révolution dans son royaume en le sortant du féodalisme et, plus tard, au travers d’une combinaison de réformes socio-économique et religieuse en promouvant sa vision du projet de développement de grands travaux d’aménagement à l’horizon 2030. On peut supposer qu’une large partie sera financée par les avoirs confisqués à l’oligarchie (d’où son sobriquet de « Prince Rouge »). C’est cette volonté, à long terme, de corriger les faiblesses structurelles de l’Arabie saoudite que l’Iran considère comme le prolongement le plus déstabilisant, bouleversant l’équilibre des pouvoirs de la région.

Plutôt que de faire face à un pays sur une trajectoire descendante, implosant dans une orgie de violence extrémiste, sectaire et générationnelle à mesure que les fonds pétroliers se tarissent et que les nombreux problèmes du Royaume deviennent ingérables, l’Iran devra peut être affronter un pays beaucoup plus fort qu’il ne l’imagine si la « révolution du Prince Rouge » est couronnée de succès. C’est encore un gros point d’interrogation, car on peut imaginer qu’elle soit contrée durant le laps de temps nécessaire pour progresser concrètement.

Ce sont les raisons pour lesquelles l’Iran et son allié Hezbollah voient en Mohamed bin Salman une menace. Ils lui ont décerné le titre déshonorant de « soi-disant capable » de contrôler Israël, dans l’espoir que ce message alarmant transmette à leurs partisans l’importance de la menace à long terme du « Prince Rouge » pour leur vision régionale de la paix et de la stabilité au Moyen-Orient.

D’autre part, ce message pourrait être interprété par les ennemis américains et israéliens de l’Iran comme une confirmation du poids potentiel géopolitique de Mohammed bin Salman. Et, par conséquent, les inviter à le soutenir plus que jamais. Ce qu’il est important de garder à l’esprit, c’est que ce pourrait être ce dont l’« État Profond » américain a besoin pour faire oublier sa déconfiture dans le partenariat des Grandes Puissances entre la Chine et la Russie, en changeant de jeu, en s’impliquant dans un soutien total au « Prince Rouge » comme ultime contre-poids anti-iranien pour contenir la République islamique.

Andrew Korybko

Traduit par Claude, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker francophone

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