Par Andrew Korybko – Le 17 octobre 2018 – Source eurasiafuture.com
Le 18 avril 2018, Andrew Korybko présentait le discours qui suit, lors d’une conférence organisée par l’institut des études africaines, membre de l’académie des sciences russes, dont le titre était « Relations russo-africaines dans le contexte de l »éveil africain vers l’Est’ ». Ce discours a été ensuite publié dans l’ouvrage Поворот Африки На <> И Интересы России, (Pivot de l’Afrique vers l’Est et intérêts russes).
Introduction
Peu d’observateurs mondiaux y portent attention, mais la Chine et l’Inde sont en situation de compétition active en Afrique de l’Est. Chacune des deux grandes puissances tient sa langue sur le sujet, afin de maintenir le partenariat superficiel très limité qu’elles partagent au sein des BRICS. Quant aux USA et aux médias traditionnels qui leur sont attachés, ils préfèrent éviter « d’allumer l’étincelle », de peur de voir les dirigeants indiens revenir en arrière pour « sauver la face » pour balayer toute accusation de constituer un « mandataire américain ». Le sujet est donc éminemment sensible, mais n’en mérite pas moins une attention particulière, en raison des implications géostratégiques qu’il porte, d’autant que le champ de compétition entre ces deux pays est très large, et que le rôle de l’Afrique ne fait que croître au niveau mondial.
L’Afrique constitue pour la Chine un marché, sur lequel elle écoule ses excédents de production, et dont elle ne peut se passer sous peine de voir enrayée sa croissance économique. Mais l’Inde compte sur le continent africain pour s’affirmer comme grande puissance trans-continentale. C’est donc en toute logique que le lever de rideau chinois, en 2013, sur la vision mondiale portée par les nouvelles routes de la soie, venait répondre à cette pression stratégique. L’Inde avait suivi en 2017, avec le projet de Couloir de croissance Asie-Afrique, qu’elle veut mettre en œuvre avec le Japon. La Chine procède par la construction d’infrastructures physiques et l’attribution de prêts sans conditions pour financer ces méga-projets, tandis que l’Inde tâche d’améliorer le sort des populations africaines au travers de programmes de formation professionnelle, de scolarisation, et de santé.
Motivations militaires
Sur le papier, ces projets sont complémentaires entre eux, mais en pratique ils se retrouvent en compétition, en raison des pressions de « nouvelle guerre froide » que subit chacune des deux grandes puissances. Un dilemme de sécurité s’est peu à peu tissé entre elles, suite à la politisation par les médias traditionnels occidentaux de la base navale chinoise de Djibouti, présentée comme première étape d’une expansion militaire chinoise à l’échelle du continent. De quoi encourager l’Inde à mettre en place une base militaire aux Seychelles, tout en affirmant – à l’égal de la Chine – que cette implantation militaire ne cible personne en particulier. Il est pourtant clair comme de l’eau de roche que cette décision indienne constituait une réponse à l’implantation militaire chinoise, et il est plus que probable que les « partenaires occidentaux » de l’Inde aient soutenu son initiative, au vu de leurs intérêts à « contenir » la Chine et à faire de l’État indien son principal rival sur toute l’étendue du Rimland (terre du bord) bordant l’Océan Indien.
Aucune des parties ne reconnaîtra jamais cela ouvertement, au vu de la sensibilité de porter ces sujets au niveau officiel, mais pour autant, ces considérations relèvent de la pure logique dès lors que l’on considère les enchaînement d’événements décrits ci-avant. L’action chinoise a simplement engendré une réaction réciproque et de force égale de la part du rival indien, même si ce dernier a été encouragé à le faire par des pays tiers, du fait de l’intérêt de ces derniers à « contenir » la Chine. Pour être franc, un simple projet d’installation militaire indienne ne va pas « contenir » grand chose, au vu de l’implication chinoise en Afrique, mais cela constitue un début, et pourrait présager le déploiement d’une politique plus ferme de la part de New Delhi dans un avenir proche, qui pourrait d’ailleurs se voir soutenir par d’autres acteurs sur un mode multilatéral.
La peur – justifiée ou non – de voir les ports de la nouvelle route de la soie se transformer progressivement en points d’appui d’une expansion militaire chinoise constitue également une force motrice derrière le « grand jeu » sino-indien. Il se peut que ces craintes aient été instillées dans le cadre d’une opération de guerre de l’information, pour justifier le déploiement de bases militaires anti-chinoises sur le continent par les puissances « compensatrices », comme l’Inde, et ce d’autant plus qu’il s’agit de convaincre sa propre population du besoin inédit de le faire. Mais quelles que soient les sources de cette anticipation, elle nourrit indubitablement un cycle de compétition entre la Chine et l’Inde en Afrique de l’Est, au départ dans la sphère économique, mais de plus en plus visible sur la dimension militaire.
D’autres chercheurs se sont déjà employés à étudier les relations entre les implantations militaires et les campagnes de guerre d’information justifiant celles-ci, mais pour autant le grand public ignore les tenants et aboutissants de ce « grand jeu » sino-indien en Afrique de l’Est, et c’est pour cette raison que d’autres doivent creuser beaucoup plus profond le sujet. Il est difficile d’établir des conclusions objectives, au vu des enjeux auto-centrés de chacune des « parties » à contrôler l’ensemble du récit qui entoure ces enjeux, et ce y compris dans la sphère académique. C’est là que les chercheurs russes peuvent apporter leur pierre, Moscou disposant d’excellentes relations aussi bien avec Pékin qu’avec New Delhi. Et au delà, il serait extrêmement productif que d’autres observateurs neutres, à l’image des Russes, investissent le temps et l’énergie nécessaires à documenter le sujet : cela contribuerait grandement à la compréhension des relations entre événements militaires et guerres de l’information dans ce contexte.
Les trois théâtres de rivalité
Les étendues de territoires pour lesquelles la Chine et l’Inde sont en compétition s’étendent de la corne de l’Afrique au canal du Mozambique, et peuvent être considérées comme trois théâtres séparés. Le premier part du nord, et voit son centre en Éthiopie – qui présente l’une des économies croissant le plus rapidement au monde, et qui aspire au rôle de grande puissance. La Chine a construit le chemin de fer reliant Djibouti et Addis Abeba (DAAR, [Djibouti-Addis Ababa Railway, NdT]) pour relier le géant enclavé au marché mondial, mais Pékin et ses entreprises nationales n’en ont évidemment pas l’usage exclusif. L’Inde et d’autres pays pourraient utiliser ce chemin de fer pour améliorer leurs liens commerciaux avec le pays, ce qui donnerait un résultat « gagnant-gagnant », qui verrait l’Éthiopie poursuivre son développement, et donc constituer un marché de plus en plus important pour les excédents de production chinois.
On peut appliquer le même raisonnement au Kenya et à la Tanzanie, les deux pays côtiers membres de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC – [East African Community, NdT]) où la Chine s’emploie également à bâtir des infrastructures de connectivité. Pékin est derrière le chemin de fer à voie normale au Kenya et derrière le Couloir central en Tanzanie. Chacun de ces projets vise à améliorer la connectivité entre le pays hôte et les États d’Ouganda, du Rwanda et du Burundi.
La Tanzanie est déjà reliée à la Zambie par le projet TAZARA – remontant à l’époque de la guerre froide – qui constitue le tout premier investissement chinois relevant des routes de la soie de l’ère moderne, et qui présente un potentiel d’extension vers le Congo, riche en gisements de minerais, au Sud-Est. Le Kenya et la Tanzanie sont également plus stables et plus développés que l’Éthiopie, ce qui les rend plus attractifs pour les investissements chinois et indiens, et plus propices à héberger les tremplins des stratégies économiques de ces deux pays sur le continent.
Le Mozambique, enfin, a un rôle particulier dans le « grand jeu » sino-indien en Afrique de l’Est : les sous-sols du nord du pays détiennent de considérables réserves d’énergie, à cheval pour certaines avec la Tanzanie. En soi, le Mozambique a peu à offrir en raison de son sous-développement rampant, et sa population relativement peu nombreuse, mais ce sont précisément ces caractéristiques qui rendent son potentiel énergétique si important. La Chine comme l’Inde lorgnent sur toute nouvelle source d’approvisionnement énergétique, et l’on ne sait pas encore si le Mozambique va se tourner plutôt vers l’une ou l’autre, ou équilibrer ses approvisionnements entre elles. Notons en outre que toute exportation énergétique en provenance du Mozambique vers la Chine ou vers l’Inde devra transiter à proximité des Seychelles, ce qui illustre le niveau de prudence des décideurs indiens, ou de ceux qui les ont mandés, lors du choix de ce pays pour établir leur base militaire.
Trajectoires divergentes
On peut considérer, pour l’heure, la compétition entre les nouvelles routes de la soie chinoises et le couloir de croissance Asie-Afrique indien comme amiable, et comme n’ayant débouché sur rien de dramatique, mais il faut comprendre que la rivalité entre les deux géants ne fait que commencer. Si l’on s’en réfère à la dynamique de la théorie du chaos, c’est précisément maintenant, moment où les contours des systèmes complexes ainsi que les processus de travail sont en formation, que la trajectoire des rivalités entre la Chine et l’Inde va se définir pour les années à venir. Si l’on garde ce point à l’esprit, on peut dès lors esquisser les directions générales que vont prendre les événements, sachant que la stratégie chinoise porte l’attention sur le développement « en dur », là où la stratégie indienne prend en charge des aspects plus « souples ».
L’espoir de la Chine est que son « avance » sur l’Inde, en ce qui concerne les investissements en Afrique, lui accordera la primeur des accords commerciaux avec ses partenaires, en particulier en Afrique de l’Est, où résident pour des raisons géopolitiques ses premiers points d’accroche avec le continent. Pékin a essayé de s’attirer la loyauté de ces pays en leur accordant des prêts sans conditions, mais en contre-partie – et le cas du Sri Lanka l’a montré – ne présente aucun scrupule à utiliser la dette comme levier de négociation comme « police d’assurance » pour s’arroger des actifs physiques, établis grâce à ces mêmes prêts ; ceci a bien entendu porté du crédit aux discours qui veulent que la Chine n’accorde pas de prêt sans arrière-pensées militaires. Ces discours présentent au demeurant une certaine crédibilité, car la Chine sera inévitablement amenée à devoir protéger ses lignes de communication maritimes (SLOC, [Sea Lines Of Communication, NdT]), à l’instar de toutes les grandes puissances dans l’histoire qui ont à un moment ou à un autre dépendu du commerce maritime pour assurer leur croissance.
L’Inde, pendant ce temps, pourrait se réserver une niche avec le Japon – et peut-être même avec ses autres alliés du « quarteron » que sont les USA et l’Australie – en répondant aux attentes qu’elle a suscité – développer l’infrastructure « douce » de l’Afrique, et améliorer la compétitivité des populations. La Chine a jusqu’ici négligé d’investir suffisamment dans cette sphère, ou de manière pas assez compétitive pour « faire la différence » à l’échelle attendue ; cela pourrait évidemment changer à l’avenir. La Chine développe toutes les infrastructures « dures » en Afrique de l’Est, et ne laisse rien à ses rivaux sur ce plan, si bien que tôt au tard son influence va atteindre le volet plus « doux », tandis que les investissements de ses rivaux, à l’inverse, seront amenés à « marcher sur les pieds » chinois également.
Seul le temps dira laquelle des deux parties se montrera la plus habile vis-à-vis des populations d’Afrique de l’Est, mais l’Inde pourrait bien devancer la Chine sur cet aspect, car elle peut s’appuyer sur ses partenaires en la matière, alors que la Chine s’est toujours montrée assez réticente à laisser d’autres pays, même amis, pénétrer l’espace économique qu’elle délimite comme sien. Cela pourrait changer par la force des choses également, si Pékin veut se montrer à la hauteur de ses rivaux, et on pourrait la voir adopter un mode de coordination multilatéral avec ses partenaires que sont la Russie, la Turquie et le Pakistan afin de rationaliser les investissements et projeter des activités plus robustes, afin d’équilibrer le soutien important que l’Inde s’apprête à recevoir. Cette compétition pacifique profitera à l’Afrique de l’Est, car elle obligera toutes les parties prenantes étrangères à offrir aux pays concernés les meilleurs accords pour eux, sauf à laisser la concurrence tirer avantage de la situation.
Une nouvelle « ruée vers l’Afrique » ?
Deux effets pourraient résulter de la multi-latéralisation du « grand jeu » sino-indien en Afrique de l’Est qui impliquerait d’autres grandes puissances partenaires. Premier effet : une stabilisation du niveau de compétition, par la préservation d’un équilibre stratégique de pouvoirs entre les acteurs, et mise en avant de solutions « gagnant-gagnant », laissant chacun des participants profiter d’une stabilité régionale. C’est le scénario préférable pour l’Afrique, et honnêtement, pour chacune des parties. Le deuxième effet, opposé, serait une montée exponentielle des risques de déstabilisation, au fur et à mesure que les puissances rivales se retrouveront au contact dans cet espace tri-théâtral ; une compétition hostile pourrait monter entre elles, forçant les africains, plus faibles et objets de la compétition géopolitique, à « choisir leur camp ». La résultante logique de ce type de développement dangereux serait une détérioration de l’unité africaine, en particulier au sein de l’organisation à la pointe de l’intégration de cette région, l’EAC.
Il faudra que les grandes puissances s’accordent, formellement ou tacitement, si elles veulent maintenir la stabilité et préserver l’équilibre des forces stratégiques, dans ces conditions imprévisibles, qui s’assimilent de facto à une « ruée vers l’Afrique du XXIe siècle ; qui voit déjà chaque bloc accuser l’autre de vouloir exploiter » les pays africains sur un mode néo-colonial. Les dégâts qu’une campagne intensifiée de guerre de l’information pourrait causer, sur la base de récits hautement sensibles en la matière pourraient se révéler contre-productifs pour l’ensemble des parties en présence, amenant les Africains à penser qu’ils ne sont au contact que d’exploiteurs ne se souciant aucunement des intérêts de leurs hôtes ; malgré les éléments présentés au début de la présente analyse. Le cynisme à l’échelle d’une société que cela ne manquerait pas de provoquer pourrait dissuader les Africains de saisir les opportunités de développement proposées par chaque « camp », ce qui finirait par leur nuire, car des accords prenant en compte leurs intérêts peuvent être conclus.
La meilleure proposition à formuler à la perspective de ces scénarios est que la Chine et l’Inde impliquent progressivement leurs partenaires en soutien de leurs projets en Afrique de l’Est, mais sans précipitation et en veillant à préserver les équilibres régionaux, afin de ne pas aggraver le dilemme de sécurité déjà constaté. Mais cette proposition est inapplicable en l’état, car elle suppose une coordination et une confiance réciproque de la part des deux parties, facteurs qui manquent en général dans les relations entre les deux pays, et en particulier en Afrique de l’Est. Le développement le plus probable est donc de voir la multi-latéralisation du « grand jeu » sino-indien en Afrique de l’Est s’accélérer au lieu de ralentir, ce qui pourrait générer une situation incontrôlable dans les années à venir. Il n’est pas certain que des événements dramatiques en ressortent, mais on ne saurait écarter cette possibilité.
« Cygnes noirs »
Même si l’état actuel du « grand jeu » sino-indien en Afrique de l’Est ressemble au summum du paradigme « gagnant-gagnant » des relations internationales, il convient de ne pas négliger la possibilité que des événements de type « cygne noir », distincts des événements du processus de multi-latéralisation des deux grandes puissances, peuvent venir tout compliquer, à supposer qu’elles voient apparaître des troubles civils – dans ce contexte, on peut penser à des manifestations de grande ampleur (révolutions de couleur), des insurrections « rebelles », et des offensives terroristes – ou des conflits régionaux, comme une nouvelle guerre civile au Congo. Ces événements aux effets très importants sont compréhensibles dans le cadre de la théorie de la guerre hybride, et pourraient être allumés ou guidés à distance depuis les USA, pour perturber tout avantage que Washington présumerait dans la main de Pékin sur les trois théâtres de compétition de la région. Le pire des scénarios serait qu’une crise de sécurité amène la Chine ou l’Inde à un « enlisement » en pratiquant une réponse militaire pour protéger leurs investissements, ce qui rendrait ingérable, voire explosif, le dilemme de sécurité entre les deux pays.
Aucun événement de ce type n’est à prévoir dans un futur proche, sauf peut-être au Congo, mais des lignes de failles régionales existent, qu’il ne faut pas négliger. La stabilité de l’Éthiopie pourrait poser question, rapport aux désordres menés par le peuple Oromo, majoritaire et positionné de manière centrale dans le pays, si le nouveau gouvernement manquait à réaliser les réformes nécessaires, au rythme et à la portée attendue par cette minorité très influente. L’Éthiopie, également, est cernée par des problèmes régionaux, qu’il s’agisse des menaces crédibles de frappes aériennes égyptiennes contre le barrage de la Renaissance, des soutiens que l’Érythrée apporte à divers groupes rebelles au sein du pays, de l’État en déliquescence du Sud Soudan, ou du conflit somalien qui couve. Les pays membres de l’EAC, quoiqu’en situation moins risquée que l’Éthiopie, sont également tourmentés par des défis identitaires, qui constituent des défis à leur stabilité, et subissent les menaces d’actions terroristes de la part de groupes tel qu’Al-Shabaab, et les risques de retombées militaires et migratoires sont réels pour le pays si une troisième guerre congolaise éclate.
Autre sujet à considérer : la piraterie qui pourrait émerger à proximité du canal du Mozambique, qui verrait des acteurs non étatiques exiger des rançons pour libérer les méthaniers et autres navires pris en otage. Cette hypothèse est peu probable, mais ne peut être totalement écartée au vu de la quasi-absence de contrôle du gouvernement du Mozambique sur certaines zones du pays, en particulier au nord musulman. À proximité, l’île des Comores regorge de gens désespérés, qui pourraient facilement se laisser embarquer dans de telles aventures. À l’image des événements observés dans les eaux somaliennes il y a une dizaine d’années, une flambée de piraterie aux abords des côtes du Mozambique et peut-être même de la Tanzanie déclencherait la militarisation de ces eaux, et encouragerait les puissances extra-régionales comme la Chine, l’Inde et leurs partenaires à se lancer dans la construction de bases navales dans la région. New Delhi pourrait avoir un coup d’avance sur Pékin, si sa base des Seychelles est validée par le parlement, ce qui constitue également un levier dans le pacte à la LEMOA signé récemment avec la France pour utiliser les bases navales de cette dernière dans la région. Mais le carnet de chèques de la Chine, et sa présence déjà établie sur des projets portuaires des environs pourraient rapidement remettre Pékin dans la course.
Conclusion
Divers scénarios ont été exposés ici, et les chances qu’ils se produisent apparaissent à l’heure actuelle comme minces : à l’exception de l’Éthiopie et du Kenya, aucun des États africains que nous avons cités ne montre de signes graves d’instabilité intérieure qui pourraient entraver les investissements chinois ou indiens dans un futur proche. La présence militaire chinoise et indienne dans la région est sans doute vouée à augmenter avec le temps, et se verra justifiée aux yeux du public par la nécessité de protéger les voies maritimes, mais il faudra surveiller les signes annonciateurs que l’une ou l’autre se prépare à contrer l’autre dans l’hypothèse d’un conflit. Le « grand jeu » entre la Chine et l’Inde dans cette zone du « Rimland » de l’Océan Indien restera sans doute stable, mais tendu, pour un certain temps. Les pays locaux pourraient, s’ils jouent intelligemment leur partition, retirer des bénéfices importants de la compétition entre grandes puissances. Il reste qu’une militarisation en mode multilatéral de la région, de par l’entrée dans la compétition des pays partenaires de la Chine et de l’Inde, pourrait compromettre malencontreusement la stabilité régionale.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Vincent, relu par Cat pour le Saker Francophone
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