L’Australie aussi se prépare à une guerre contre la Chine


Par Caitlin Johnstone – Le 7 mars 2023

Dans le dernier exemple de déluge de propagande des médias australiens visant à fabriquer le consentement populaire pour soutenir une guerre contre la Chine, les journaux The Sydney Morning Herald et The Age, appartenant à Nine Entertainment, ont réuni un panel d’“experts” pour évaluer dans quelle mesure l’Australie est prête à affronter une guerre chaude contre son principal partenaire commercial. Quant à la question de savoir si cette guerre est nécessaire ou s’il faut vraiment s’y préparer, elle n’est absolument pas examinée par les experts en question.

Dans un article intitulé “L’Australie fait face à la menace d’une guerre contre la Chine dans les trois ans – et nous ne sommes pas prêts“, nous apprenons les noms des cinq “experts” que SMH et The Age ont recrutés pour faire la déclaration en question. Vous n’allez pas me croire, mais il s’avère qu’ils ont, comme par hasard, tendance à travailler dans des professions qui sont intimement liées à la machine de guerre impériale occidentale.

Le premier “expert” est Mick Ryan, sur lequel j’ai écrit à plusieurs reprises parce qu’il semble figurer dans littéralement tous les articles des médias australiens destinés à faire de la propagande pour que les Australiens acceptent la guerre contre la Chine comme une fatalité à laquelle il faut se préparer. Ryan est membre associé du Center for Strategic and International Studies (CSIS), qui est financé par des entités du complexe militaro-industriel telles que Raytheon, Boeing, Lockheed Martin et Northrop Grumman, et est également financé directement par le gouvernement américain et ses États clients, dont l’Australie et Taiwan. Le SMH et The Age ne font aucune mention de cet immense conflit d’intérêts.

Le deuxième “expert” est Peter Jennings, qui est Senior Fellow à l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI), dont il a été le directeur exécutif pendant dix ans. Comme le CSIS, l’ASPI est un groupe de réflexion financé par des gouvernements alignés sur les États-Unis et le complexe militaro-industriel. Il a joué un rôle majeur dans la fabrication de consentement pour les agendas de politique étrangère de l’empire occidental, en particulier dans les escalades contre la Chine. L’ASPI a été décrite comme “le bras de propagande de la CIA et du gouvernement américain” par le diplomate australien Bruce Haigh.

Le troisième “expert” est Lavina Lee, une universitaire qui est membre du conseil de l’ASPI et membre auxiliaire du CSIS, ce qui fait d’elle ce qu’on appelle une double experte en matière de propagande pro-guerre.

Le quatrième “expert” est Lesley Seebeck, spécialiste australienne de la défense, qui contribue régulièrement à l’ASPI. Seebeck est la présidente d’un groupe de réflexion belliciste au financement incertain, le National Institute of Strategic Resilience, qui publie des articles woke-impérialistes portant des titres tels que “First Nations Drone Network Project Initiation“, “Solomon Islands – time to take an Indigenous perspective“, “Building Australia’s Strategic Resilience : A Spotlight on Military and Gender in the Pacific Region“, et “Key to Australia’s Strategic Resilience : An Australian Feminist Foreign Policy“, ces deux derniers articles ayant été rédigés par Mme Seebeck elle-même.

Le cinquième est Alan Finkel, un scientifique qui travaille pour le gouvernement australien.

Encore une fois, aucun de ces conflits d’intérêts n’a été mentionné par le Sydney Morning Herald ou The Age, ce qui, comme nous l’avons déjà dit, est un acte flagrant de faute professionnelle journalistique. C’est un peu comme si l’on réunissait Ronald McDonald, le Colonel Sanders et le chihuahua de Taco Bell pour discuter de la question de savoir si le gouvernement devrait employer des établissements de restauration rapide pour fournir des repas scolaires. Il y a des rivières d’argent du contribuable en jeu ici ; de délicieux dollars garantis par la Réserve, directement sur le vieux compte bancaire, des montagnes de dollars ! Et ces personnes sont essentiellement les représentants publics de ces entreprises, dont le travail consiste à vendre au public un résultat qui profite directement à leurs bailleurs de fonds. Il s’agit d’un publireportage élaboré et il est incroyable que le Sydney Morning Herald et The Age l’aient publié comme une information.

Ces cinq “experts” concluent que l’Australie doit faire beaucoup plus pour se préparer rapidement à une guerre chaude contre la Chine, affirmant que “la nécessité de renforcer considérablement nos capacités militaires et de sécurité nationale est urgente, mais l’Australie n’est pas préparée.” Selon eux, l’Australie doit procéder à ces changements spectaculaires non pas pour se défendre d’une invasion chinoise, mais pour mener une guerre pour défendre Taïwan.

La guerre à laquelle Xi se prépare, disent-ils, est une guerre contre Taïwan, une île autonome prospère de 24 millions d’habitants située à environ 160 kilomètres à l’est de la Chine continentale“, peut-on lire dans le rapport.

Cela va tout à fait dans le sens de l’effroyable propagande diffusée par la chaîne Sky News de Murdoch le mois dernier, selon laquelle l’Australie doit doubler son budget militaire pour se préparer à soutenir les États-Unis dans une guerre chaude pour Taïwan.

Les panélistes décrivent la participation de l’Australie à cette guerre comme une question réglée, une fatalité si les États-Unis déclenchaient une guerre contre la Chine.

Nous avons fait notre choix. Si les États-Unis entrent en guerre contre Taïwan, nous les soutiendrons d’une manière ou d’une autre“, déclare Mick Ryan.

Ni l’armée australienne ni le public ne sont actuellement vraiment préparés au déclenchement d’une guerre et à l’inévitable participation de l’Australie“, affirme Lavina Lee.

Ces experts financés par le complexe militaro-industriel mentent. La participation de l’Australie à une guerre américaine contre la Chine n’est pas une fatalité et n’est pas nécessaire.

En réalité, la meilleure façon pour l’Australie de se protéger de la Chine n’est pas de se préparer à une guerre contre elle. Une guerre chaude contre notre principal partenaire commercial détruirait notre économie et couperait probablement la plupart des importations dont nous avons besoin pour fonctionner en tant que nation insulaire. Nous n’avons pas à nous préparer à jeter les fils et les filles de notre nation dans un tel conflit, et nous n’avons pas à voler les plus nécessiteux de notre nation pour effectuer cette préparation.

Une guerre civile non résolue entre deux entités voisines qui se nomment toutes deux “Chine” n’est pas l’affaire de Washington, et certainement pas celle de Canberra. Laissons les Chinois régler le problème de la Chine entre chinois, car la Chine ne constitue pas une menace pour nous.

Ce dernier point n’est pas vraiment discutable, d’ailleurs. Comme l’a récemment noté Daniel Larison d’Antiwar sur Twitter, le budget militaire de la Chine se situe constamment autour de 1,5 % de son PIB, soit moins de la moitié de celui des États-Unis. Si la Chine se préparait à conquérir le monde comme tant de faucons le prétendent à tort, son budget militaire serait bien plus élevé. Les États-Unis sont une nation qui a intérêt à dominer le monde, et leur budget militaire le reflète. La Chine n’est pas une nation ayant un intérêt dans la domination mondiale, et son budget militaire le reflète.

En réalité, les États-Unis encerclent la Chine avec davantage de machines de guerre depuis des années, d’une manière dont elle-même ne se laisserait jamais encercler, et se préparent à une confrontation avec Pékin depuis très longtemps. Les États-Unis sont clairement l’agresseur ici, et l’Australie a maintenant un intérêt existentiel à se désolidariser militairement de cet agresseur avant qu’il ne nous tue tous.

La propagande de Murdoch pousse l’Australie à doubler son budget militaire pour la guerre contre la Chine.

Le rapport du Sydney Morning Herald et de The Age – que l’ancien Premier ministre Paul Keating vient de qualifier de présentation de l’information la plus flagrante et la plus provocante de tous les journaux dont j’ai été témoin en plus de 50 ans de vie publique active – n’est pas loin d’admettre l’existence d’une campagne de propagande concertée visant à accroître l’hystérie à l’égard de la Chine et à fabriquer un consentement à la guerre, affirmant qu’il doit y avoir un “changement psychologique” dans le public dans cette direction et parlant de la nécessité de convaincre les gens de cela.

Le plus important de tout est un changement psychologique“, indique l’article. “L’urgence doit remplacer la complaisance. Les dernières décennies de tranquillité n’étaient pas la norme dans les affaires humaines, mais une aberration. Le congé de l’Australie de l’histoire est terminé“.

Le rapport cite Seebeck qui dit que “les dirigeants de la nation devraient faire suffisamment confiance au public pour l’inclure dans ce qui peut être une discussion confrontante” et que le public doit être considéré comme “suffisamment intelligent pour parler de défense et de sécurité nationale“.

La raison pour laquelle ils disent qu’il faut parler au public et le persuader d’accepter psychologiquement des escalades belliqueuses contre la Chine est qu’aucune personne saine d’esprit ne consentirait à une telle folie si elle n’était pas manipulée psychologiquement. Aucune personne saine d’esprit ne consentirait à des agendas qui menacent de tuer nos fils et nos filles, de nous appauvrir tous, voire de nous transformer en cibles nucléaires sans de copieuses quantités de propagande.

C’est pourquoi nous voyons tous ces reportages sur l’urgence de se préparer à une guerre contre la Chine, tout d’un coup. Non pas parce que la Chine représente une menace pour nous, mais parce que nous sommes alliés à un empire qui prévoit de déclencher une guerre d’une horreur insondable.

Caitlin Johnstone

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

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