Par Daniel Lacalle – 20 juillet 2017 – Source dlacalle.com
La Banque des règlements internationaux (BRI) a encore mis en garde contre les dommages collatéraux d’une politique monétaire extrêmement lâche. Une des plus grandes menaces est l’augmentation des « entreprises zombies ». Depuis que le « redressement économique » a commencé, le pourcentage d’entreprises zombies est passé de 7,5% à 10,5%. En Europe, la BofA (Bank of America) estime qu’environ 9% des plus grandes entreprises pourraient être catégorisées comme « morts-vivant ».
Qu’est-ce qu’une entreprise zombie ? C’est défini par la BRI comme une société cotée, âgée de dix ans ou plus, dont le ratio EBIT (bénéfices avant intérêts et taxes) par rapport aux intérêts débiteurs est inférieur à un. Essentiellement, une société qui ne survit que grâce à un refinancement constant de sa dette et, qui en dépit des restructurations et des taux faibles, n’est toujours pas capable de couvrir le payement de ses intérêts débiteurs avec les bénéfices d’exploitation, encore moins de rembourser le principal.
Cette part des entreprises zombies peut être perçue par certains comme « petite ». En fin de compte, 10,5% signifie que 89,5% ne sont pas des zombies. Mais cette analyse serait trop complaisante. Selon Moody’s et Standard and Poor’s, la capacité de remboursement de la dette s’est largement affaiblie globalement malgré des taux ultra-bas et des liquidités abondantes. En outre, la BRI analyse uniquement les sociétés zombies cotées, mais dans l’OCDE, 90% des entreprises sont des PME (petites et moyennes entreprises), et une grande partie de ces petites entreprises non cotées sont encore déficitaires. Dans la zone euro, la BCE estime qu’environ 30% des PME sont encore dans le rouge. Les chiffres sont plus faibles, mais pas très différents aux États-Unis, estimés à 20% et au Royaume-Uni proches de 25%.
L’augmentation des entreprises de zombies n’est pas une bonne chose. Certains pourraient dire qu’au moins ces entreprises fonctionnent toujours, et que les emplois sont maintenus, mais la réalité est qu’une économie de plus en plus « zombifiée » récompense les improductifs et taxe les productifs, créant une incitation perverse et ne protégeant rien au final. Les entreprises qui ont un rendement inférieur ont leur dette refinancée encore et encore, tandis que les entreprises en croissance et de haute productivité ont du mal à avoir accès au crédit. Quand l’argent bon marché prendra fin, les premières s’effondreront et les secondes n’auront pas pu se développer suffisamment pour compenser l’impact.
Les faibles taux d’intérêt et l’abondance de liquidités n’ont pas contribué au désendettement. La dette globale a bondi à 325% du PIB. Les politiques monétaires accommodantes n’ont pas contribué à réduire les surcapacités, et comme les entreprises zombies perpétuent les excédents dans de nombreux secteurs, ralentissant les gains de productivité, nous continuons de voir les salaires réels stagner. Et ce, en dépit de taux de chômage historiquement bas.
Le citoyen ne bénéficie pas de la zombification de l’économie. Il la paye. Comment ? Avec la destruction de l’épargne par la répression financière [Taux réel négatif, NdT] et l’effondrement de la croissance des salaires réels. Les épargnants paient pour la zombification, à cause du mirage que cela « conserve » les emplois.
La zombification ne stimule pas la création d’emplois et ne fait pas gagner du temps, c’est une incitation perverse qui retarde la reprise. C’est un transfert de richesse des épargnants et des entreprises en bonne santé vers des entreprises inefficaces et obsolètes.
Au plus longtemps, il faudra pour nettoyer la surcapacité – qui se situe au-dessus de 20% dans l’OCDE – et la zombification de l’économie, au pire sera le résultat. Parce que, lorsque l’effet placebo de la politique monétaire va disparaître, l’effet domino des faillites d’entreprises qui ont été artificiellement maintenues en vie ne sera pas compensé par l’amélioration dans des secteurs à plus forte valeur ajoutée. Les politiques ont décidé de pénaliser les secteurs à forte productivité à travers la fiscalité et de subventionner ceux à faible productivité par des politiques monétaires et fiscales. Ceci va sûrement créer un effet de vide lorsque la bulle éclatera.
Les emplois et les entreprises qu’ils tentent de protéger disparaîtront, et l’impact sur la solvabilité des banques et sur l’économie réelle sera bien pire.
Éviter de prendre des décisions difficiles suite à une crise créée par l’excès et la surcapacité finit par générer un effet beaucoup plus négatif par la suite.
Daniel Lacalle est chef économiste à la Tressis SV. Il a un PhD en économie et il est l’auteur de Escape from the Central Bank Trap, Life In The Financial Markets et The Energy World Is Flat (Wiley)
Traduit par Hocine, relu par Cat pour le Saker Francophone