Cette ville va couvrir trois pays.
Par Jessica Mairs – Le 27 octobre 2017 – Source dezeen.com
Les robots pourraient être plus nombreux que les humains dans une nouvelle ville pionnière que l’Arabie saoudite a qualifiée de « nouveau plan pour un développement durable » entièrement alimentée par des énergies renouvelables et desservie par des véhicules autonomes et des fermes verticales.
La ville appelée Neom s’étendra sur une superficie de 26 500 kilomètres carrés, s’étendant depuis les frontières du nord-ouest de l’Arabie saoudite jusqu’à la Jordanie et l’Égypte. Elle est conçue pour fonctionner comme une zone économique indépendante avec ses propres lois, et doit devenir la première zone d’affaires privée à s’étendre sur trois pays.
L’Arabie saoudite injectera 500 milliards de dollars de son fonds souverain, le Public Investment Fund, dans neuf secteurs d’investissement clés de la ville : énergie et eau, mobilité, biotechnologies, alimentation, technologies et sciences numériques, industries de pointe, médias et divertissement.
Un site web dédié au concept Neom indique que ces secteurs attireront des « ressources humaines de haut niveau » et que des tâches banales ou répétitives seront effectuées par des robots.
Les tâches répétitives et contraignantes seront entièrement automatisées et assurées par des robots, pouvant dépasser la population en nombre, rendant probablement le PIB par habitant de NEOM le plus élevé au monde, lit-on. Tous ces éléments porteront NEOM à l’avant garde du monde en termes d’efficacité, en faisant d’elle la meilleure destination au monde pour y vivre.
Les plans pour Neom ont été annoncés lors de la conférence sur l’Initiative d’investissement d’avenir dans la capitale de l’Arabie saoudite, Riyad. Lors de la même conférence, un robot humanoïde intelligent appelé Sophia a annoncé qu’elle s’était vu accorder la citoyenneté par l’Arabie saoudite. C’est la première fois dans l’histoire qu’un système d’intelligence artificielle bénéficie d’un tel statut.
La ville serait uniquement alimentée par des énergies renouvelables solaire et éolienne via des champs de panneaux solaires et des éoliennes, créant un environnement sans pollution. La population serait alimentée par les produits provenant de fermes verticales et des serres à énergie solaire.
Le développement de nouvelles infrastructures « disruptives » permettrait aux citoyens de voyager dans des véhicules automatisés, d’avoir gratuitement accès à Internet, à l’enseignement en ligne, et de vivre dans des maisons zéro émission de carbone.
« L’accent mis sur ces secteurs stimulera la croissance économique et la diversification en stimulant l’innovation et l’industrialisation internationales, pour développer l’industrie locale, la création d’emplois et la croissance du PIB dans le royaume », a déclaré Son Altesse royale le prince Mohammed Salman.
Les informations sur la ville nouvelle durable ont été détaillées à l’occasion de la présentation du Centre d’études et de recherche sur le pétrole King Abdallah, conçu par le cabinet d’architectes Zaha Hadid, à Riyad.
« Les technologies futures sont la pierre angulaire du développement de NEOM, a-t-il ajouté, des solutions révolutionnaires, pour n’en citer que quelques-unes, pour le transport, de la conduite automatisée aux drones pour passagers, de nouvelles façons de cultiver et de transformer les aliments, des soins de santé centrés sur le patient pour son bien être, internet sans fil gratuit appelé ‘Digital Air’, enseignement en ligne continu gratuit de classe mondiale, e-administration complète mettant les services de la ville à votre portée, règles de construction qui feront des maisons à norme zéro émission de carbone, un schéma de cité qui encourage la marche et le vélo, le tout uniquement alimenté par les énergies renouvelables.
Tous les services et processus de NEOM seront entièrement automatisés, dans le but d’en faire l’endroit le plus efficace du monde, puis complétés à leurs tours pour toutes les activités telles que les procédures juridiques, gouvernementales et d’investissement parmi d’autres. »
Ces plans font partie de la Vision 2030 de l’Arabie saoudite, qui vise à faire du pays un centre d’investissement reliant l’Asie, l’Europe et l’Afrique. Le positionnement de la ville à travers les frontières de l’Arabie saoudite, de l’Égypte et de la Jordanie lui donnera un front de mer de 468 kilomètres vers la mer Rouge au sud et à l’ouest – une route commerciale clé.
Les plans d’urbanisation du front de mer comprendront une marina entourée de sites pour le sport, le spectacle et l’art, ainsi que des boutiques et des restaurants, et la création d’un parc aquatique avec une machine à vagues pour former la prochaine génération de nageurs olympiques. Une image des jardins de la baie de Singapour est incluse dans une vidéo promotionnelle pour le projet, donnant une idée de ce à quoi NEOM peut ressembler.
La première phase de construction devrait se terminer en 2025, mais les détails de ce que cela impliquera n’ont pas encore été publiés. D’ici 2030, la ville devrait avoir reçu 100 milliards de dollars (76 milliards de livres sterling) d’investissements du Fonds d’investissement public.
Note du Saker Francophone Cette article est issu de L'Antipresse N°105 et cet article « ANGLE MORT » de Fernand Le Pic dont voici un extrait ci dessous. À noter, le lien très intéressant fait sur cette notion d’extra-territorialité et le lien avec la singularité. Pour ceux qui connaissent, il y a comme un air de ressemblance avec le film Elyseum.
« On connaît aussi les robots chiens et les humanoïdes acrobates de Boston Dynamics, ancienne filiale de Google, puis de sa holding Alphabet. Elle vient d’être cédée à Softbank, géant japonais des télécoms. Son fondateur et patron, Masayoshi Son, ne veut pas rater l’occasion de devenir le futur leader de la singularity. Lui et ses associés militaires ont bien compris qu’ils devaient vite trouver un havre à l’abri de toute contrainte légale, au moment où 22 pays approuvent l’idée d’interdire les robots tueurs autonomes. Il leur faut une extra-territorialité garantie et si possible beaucoup d’énergie solaire à capturer, ainsi qu’un fort potentiel d’hydratation. Pour finir, il leur faudra l’assurance d’une protection armée très adéquate.
Ce territoire, ils viennent de le trouver, c’est NEOM, le projet saoudien de mégapole du futur situé à l’embouchure du Golfe d’Aqaba, non loin des pépinières d’ingénieurs israéliennes. On raille beaucoup ce projet pharaonique comme le dernier caprice d’un prince héritier mégalo. Il est au contraire à prendre très au sérieux et les 500 milliards de dollars qui doivent y être investis seront très certainement réunis : on n’arrêtera plus Singularity. »
Traduit par Claude, relu par Cat pour le Saker francophone
Commentaire du traducteur Au-delà de cette prouesse technologique et technique annoncée, ce projet revêt essentiellement un aspect géopolitique majeur. Pour bien comprendre l’ensemble des enjeux, il faut observer la carte de la région, car bien entendu la géopolitique est d’abord dominée par la géographie physique et les frontières des États, aussi faut-il bien regarder ces deux cartes pour bien comprendre la manœuvre du Prince Mohammed ben Salman.
La carte ci-dessus indique la position des principaux champs pétroliers et gaziers. Vous constatez qu’ils se trouvent tous sur la côte est de l’Arabie saoudite, sur le golfe Persique menacé directement par l’ennemi iranien juste en face. De plus, implanter un projet tel que le NEOM dans cette zone ne présente aucun intérêt économique et stratégique.
La carte ci-dessus est centrée sur la zone nord-ouest de l’Arabie saoudite, le golfe d’Aqaba, la Jordanie, l’Égypte. Vous ne remarquez rien d’autre ? Regardez bien... Israël est en plein milieu, son port d’Eilat jouxte le port jordanien d’Aqaba, qui ne figure pas sur la carte, il est pratiquement sur la frontière en face d’Eilat. Ne quittez pas des yeux ces cartes et rappelez-vous le projet du Prince MbS, NEOM : il sera édifié sur le nord-ouest du pays et s’étendra sur trois pays, Arabie, Jordanie et Égypte... mais il ne parle pas d’Israël qui est géographiquement proche. Si vous connaissez le contexte actuel du quatuor infernal Arabie, USA, Iran, Israël, et la relation particulièrement proche pratiquement affichée entre l’Arabie et Israël face à l’Iran, on peut « naïvement » en conclure qu’Israël fait bien partie du projet. Le Prince joue un coup de maître, même si certains commentateurs le prennent pour un débile, dans sa vision stratégique à long terme contre l’Iran et pour le développement de son pays alors que certains commentateurs n’y voyaient qu’un coup, utopique, pour « noyer le poisson » de sa prise de pouvoir. Et ce pour plusieurs raisons, il implante son projet côté mer Rouge qui, d’une part, l’éloigne d’une menace directe de l’Iran de par l’enchevêtrement des frontières de quatre pays dont l’Égypte, puissance militaire arabe, et Israël qui réagirait au quart de tour en cas d’attaque dans cette zone. D’autre part, l’implantation d’un projet de haute technologie qui nécessite l’apport de matière grise, de main d’œuvre et de technologies existantes est proche de l’Égypte et surtout d'Israël dont le savoir faire tous azimuts en milieu désertique et en hautes technologies répondent à cet impératif. Il serait étonnant qu’il ne le fasse pas. De plus, un tel projet, avec le budget qui lui est accordé, va attirer probablement toutes les « pointures » de haute technologie, de développement durable, d’ingénierie de haut niveau des quatre coins du monde et, s’il tient sa promesse de libérer ce projet du carcan wahhabite (il est impossible de vivre une vie de famille courante occidentale en Arabie traditionnelle), ces implantations seront durables. C’est une manière de reprendre la main sur le monde arabe autrement que par un conflit avec l’Iran dévastateur pour toute la région, et l’Arabie en particulier. Même si tactiquement il a commis de lourdes erreurs, exclusivement dictées par cette haine ancestrale entre sunnites et chiites, sur lesquelles il revient maintenant en lâchant la Syrie et surtout le Yémen, il s’est avéré un excellent tacticien dans la manière dont il a pris le pouvoir d’une manière absolue, tout en s’assurant des fortunes de l’oligarchie saoudienne pour financer ses projets, dans celle dont il a manipulé Trump et son équipe et celle dont il s’est assuré le « partenariat » d’Israël sans paraître « trahir » la communauté arabe. Le projet NEOM a la particularité de ne pas faire partie des gesticulations politico-militaires inspirées par les USA. Mais il devra encore manœuvrer dans son projet NEOM, car il est sûr que les Américains vont tenter de le vampiriser via leurs excellentes sociétés de haute technologie et d’ingénierie, ou encore au travers de la probable participation d’Israël à ce projet. Peut-être a-t-il compris que les USA ne font plus le poids et que très rapidement il va se rapprocher de la Russie et la Chine qui reviennent en force dans la région. Ces dernières, contrairement aux va-t-en guerre de l’État profond néocon américain, ne veulent que stabilité et développement économique et politique dans cette région. Poutine sait, avec l’aventure de l'URSS en Afghanistan, que la mainmise sur cette région ne peut pas se faire en provoquant des conflits. Pour cela, si le Prince ne veut pas être l'otage de l’Amérique, il lui faudra convier la Russie et la Chine. Je ne peux malheureusement pas parler de l’Europe, toujours en vacances chez Alice au Pays des Merveilles. En conclusion, l’ère de l’Arabie entre les mains d’une famille mafieuse et d’un pays étranger se termine. MbS est certainement plus futé que ne le pensent les commentateurs occidentaux et peut-être, aussi surprenant que cela puisse paraître, il a probablement une ambition pour son pays. On ne peut pas en juger en quelques semaines ou mois, il n’y a que le moyen terme, les deux années prochaines, ou peut-être seulement en 2018, pour nous donner une indication sur le bien-fondé de sa politique. Note : NEOM est un acronyme hybride entre du latin et de l’arabe ; « Neo Mustaqbal, al Mustaqbal », l’avenir, c'est-à-dire le Nouvel Avenir.
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