Par Caitlin Johnstone – Le 2 mars 2023
Lors d’un récent programme InSTEP de la Chambre de commerce américaine, trois généraux d’empire ont été invités à parler des trois principaux ennemis de Washington. L’ambassadeur américain en Chine, Nicholas Burns, a parlé de la République populaire de Chine, Victoria Nuland a parlé de la Russie et l’ambassadeur américain en Israël, Tom Nides, a parlé de l’Iran.
Vers la fin de la discussion d’une heure, Burns a fait un commentaire très intéressant en disant que Pékin doit accepter que les États-Unis soient « le leader » dans la région et ne s’en ira pas.
« De mon point de vue, assis ici en Chine et regardant l’Indo-Pacifique, la position américaine est plus forte qu’il y a cinq ou dix ans« , a déclaré M. Burns, citant la force des alliances américaines, de son secteur privé, de ses institutions de recherche et de ses grandes entreprises technologiques.
« Et je pense que les Chinois comprennent maintenant que les États-Unis resteront dans cette région ; nous sommes le leader de cette région à bien des égards« , a ajouté M. Burns avec insistance.
L' »Indo-Pacifique » est un terme qui a gagné beaucoup d’attention dans le discours géopolitique ces dernières années, décrivant généralement la vaste région multicontinentale située entre l’Australie au sud, l’Asie au nord, l’Afrique à l’ouest et le milieu de l’océan Pacifique à l’est. Elle contient la moitié de la population de la Terre, et la Chine en fait partie.
Après avoir affirmé de manière assez audacieuse être « le leader » d’une région dont la Chine fait partie mais pas les États-Unis, Burns a poursuivi en affirmant que les États-Unis ne souhaitent aucune forme de confrontation avec le gouvernement chinois.
« Nous voulons un avenir de paix avec la Chine« , a déclaré Burns. « Comme le président Biden le dit clairement chaque fois qu’il parle de ce sujet, nous ne voulons pas de conflit, mais nous allons tenir notre rang ici. Et je suis optimiste, au terme de ma première année en tant qu’ambassadeur, quant à la position américaine dans ce pays et dans cette région. »
Encore une fois, Burns dit cela depuis la Chine, donc par « dans ce pays » il veut dire en Chine.
Burns a soutenu la guerre en Irak et a déclaré que « la Chine est la plus grande menace pour la sécurité de notre pays et du monde démocratique« , et il a été nommé à son poste actuel pour cette raison. Bien qu’il soit particulièrement faucon et suprémaciste, ses commentaires sont tout à fait conformes à la politique étrangère officielle des États-Unis ; voici un extrait d’un rapport stratégique de la Maison Blanche publiée l’année dernière et intitulée « Stratégie indo-pacifique des États-Unis » :
Les États-Unis sont une puissance de l’indo-pacifique. La région, qui s’étend de notre littoral pacifique à l’océan Indien, abrite plus de la moitié de la population mondiale, près des deux tiers de l’économie mondiale et sept des plus grandes armées du monde. Plus de membres de l’armée américaine sont basés dans la région que dans toute autre région en dehors des États-Unis. Elle soutient plus de trois millions d’emplois américains et est la source de près de 900 milliards de dollars d’investissements étrangers directs aux États-Unis. Dans les années à venir, alors que la région est à l’origine des deux tiers de la croissance économique mondiale, son influence ne fera que croître, tout comme son importance pour les États-Unis.
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Dans un paysage stratégique qui évolue rapidement, nous reconnaissons que les intérêts américains ne peuvent être défendus que si nous ancrons fermement les États-Unis dans la région indo-pacifique et si nous renforçons la région elle-même, aux côtés de nos alliés et partenaires les plus proches.
Cette intensification de l’attention américaine est due en partie au fait que l’Indo-Pacifique est confronté à des défis croissants, notamment de la part de la Chine. Ce pays combine sa puissance économique, diplomatique, militaire et technologique dans sa quête d’une sphère d’influence dans la région indo-pacifique et cherche à devenir la puissance la plus influente du monde. La coercition et l’agression de la Chine s’étendent à toute la planète, mais c’est dans la région indo-pacifique qu’elles sont les plus graves. De la coercition économique de l’Australie au conflit le long de la ligne de contrôle réelle avec l’Inde, en passant par la pression croissante sur Taïwan et l’intimidation des voisins dans les mers de Chine orientale et méridionale, nos alliés et partenaires dans la région supportent une grande partie du coût du comportement néfaste de la Chine. Dans ce processus, elle porte également atteinte aux droits de l’homme et au droit international, notamment à la liberté de navigation, ainsi qu’à d’autres principes qui ont apporté la stabilité et la prospérité à la région Indo-Pacifique.
Nos efforts collectifs au cours de la prochaine décennie détermineront si la Chine parvient à transformer les règles et les normes qui ont profité à l’Indo-Pacifique et au monde entier. Pour leur part, les États-Unis investissent dans les fondements de leur force sur leur territoire, alignent leur approche sur celle de leurs alliés et partenaires à l’étranger et rivalisent avec la Chine pour défendre les intérêts et la vision de l’avenir qu’ils partagent avec d’autres. Nous renforcerons le système international, le maintiendrons ancré dans des valeurs communes et l’actualiserons pour relever les défis du XXIe siècle. Notre objectif n’est pas de changer la Chine mais de façonner l’environnement stratégique dans lequel elle opère, en construisant un équilibre d’influence dans le monde qui soit le plus favorable possible aux États-Unis, à nos alliés et partenaires, ainsi qu’aux intérêts et valeurs que nous partageons.
Imagine If China Did To The US What The US Is Doing To China
"Your brain would have to be made of soup not to look at that graphic and understand who the real aggressor is here."https://t.co/LRpOjqA6Hp
— Caitlin Johnstone (@caitoz) February 19, 2023
Imaginez que la Chine fasse aux Etats-Unis ce que les Etats-Unis font à la Chine…
« Il faudrait que votre cerveau soit fait de soupe pour regarder ce graphique sans comprendre qui est le véritable agresseur ici. »
Comme nous en avons discuté récemment, le déroulement de l’histoire nous a montré que le plan de l’empire américain visant à « façonner l’environnement stratégique » dans lequel la Chine opère signifie continuer à encercler la Chine avec des machines de guerre d’une manière dont les États-Unis ne permettraient jamais d’être encerclés. Ainsi, lorsque des hommes comme Joe Biden et Nicholas Burns affirment que les États-Unis ne cherchent pas la confrontation avec la Chine, ce qu’ils veulent dire en réalité, c’est qu’ils espèrent que la Chine restera les bras croisés sans répondre à la confrontation que les États-Unis lui infligent déjà.
La façon dont les gestionnaires de l’empire américain parlent de « diriger » des États ostensiblement souverains dotés de gouvernements ostensiblement indépendants montre qu’ils pensent réellement posséder le monde. Nous le constatons dans des événements tels que ceux où les responsables américains réprimandent le Brésil pour avoir autorisé des navires militaires iraniens accoster dans ses ports, situés à des milliers de kilomètres des côtes américaines, tout en s’insurgeant continuellement contre la Chine qui revendique une petite sphère d’influence sur la mer de Chine méridionale que les États-Unis transgressent continuellement en y faisant naviguer et voler leurs propres machines de guerre.
Nous voyons également les gestionnaires de l’empire américain revendiquer la propriété de la planète entière, comme lorsqu’ils ont tracé une « ligne rouge » pour la Chine fournissant une assistance militaire à la Russie, alors même que les États-Unis et leurs alliés déversent des armes en Ukraine, ou la fois où Biden a déclaré que « tout ce qui se trouve au sud de la frontière mexicaine est le jardin de l’Amérique« , ou la fois où Jen Psaki, alors secrétaire de presse, a fait remarquer, à propos des tensions croissantes autour de l’Ukraine, qu’il était dans l’intérêt des États-Unis de soutenir « les pays de notre flanc oriental« , suggérant ainsi que le flanc oriental des États-Unis est l’Europe orientale et non leur propre côte orientale géographique.
Ils revendiquent la propriété de la planète entière tout en prétendant qu’ils ne cherchent pas la confrontation avec les nations qu’ils tentent d’assujettir, et interprètent tout refus d’être assujetti comme un acte d’agression non provoqué. Cela entraîne notre monde dans une direction très dangereuse, et nous devons faire quelque chose pour l’arrêter.
Caitlin Johnstone
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone