La Serbie est prête à adopter une loi répressive contre le déni du génocide de Srebrenica


Par Stephen Karganovic – Le 21 novembre 2016

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Un processus de révision du Code pénal de la Serbie se poursuit actuellement. Il est apparu récemment qu’un groupe de travail gouvernemental avait été créé à cette fin. Rien n’est connu publiquement sur la composition de ce comité ou sur son mandat.

L’un des objectifs (ou directives) du groupe de travail est apparemment d’introduire un changement dans le Code criminel, qui ferait du «déni de génocide» à Srebrenica un crime en Serbie. En conséquence, l’article 387 du Code criminel actuel a été révisé et complété par une nouvelle clause 5, qui rendrait ce déni punissable d’une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement.

Le projet d’article 387 (5), qui sera soumis à un vote au Parlement cette semaine, est ainsi formulé:

Quiconque approuve, nie ou diminue de manière significative la gravité du génocide, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre commis contre des groupes de personnes ou des membres individuels d’un groupe en fonction de leur race, couleur de peau, religion, origine ou condition, d’une manière qui pourrait conduire à la violence ou à l’incitation à la haine à l’égard d’un tel groupe ou membre d’un groupe, si ces actes criminels ont été jugés par un jugement définitif d’un tribunal de Serbie ou de la Cour pénale internationale, est soumis à emprisonnement de six mois à cinq ans.

Les informations concernant la révision proposée du Code criminel n’ont été connues que d’une partie limitée du public serbe, et seulement le mercredi de la semaine dernière, lorsque le texte a été diffusé sur Internet. Jusqu’à ce jour, les médias n’avaient pas signalé un seul mot de ce développement juridique important.

Mercredi, nous avons contacté Miloš Jovanović, professeur de droit et vice-président du Parti démocratique serbe, un petit groupe parlementaire avec trois députés au Parlement, pour lui demander ce que son parti comptait faire à ce sujet. Sa réponse était qu’il n’avait aucune idée de ce dont nous parlions et n’avait même pas entendu dire qu’une telle chose était en cours.

Une fois que nous l’avons informé et que nous lui avons envoyé le texte de la nouvelle législation proposée, il a convoqué une conférence de presse pour exprimer l’opposition véhémente de son parti à ce projet.

Le lendemain, quelque chose ressemblant à un débat a eu lieu au Parlement, avec divers partis prenant des positions en faveur et contre la loi de «négation du génocide». Le Parti progressiste serbe au pouvoir, qui a une majorité au Parlement, était notamment silencieux, laissant le plaidoyer pour cette loi odieuse à des membres juniors de sa coalition.

Cependant, probablement surprise par le tumulte qui a suivi, la ministre de la Justice, Nela Kuburović, a finalement fait une déclaration publique sur cette question. Elle a dit que l’adoption d’une «loi sur le refus du génocide» était une obligation européenne faite à la Serbie. Elle n’a pas cité une source pour sa déclaration.

Avec un peu de recherche sur Internet, cependant, nous avons établi l’origine cachée de cette tentative de criminaliser un aspect important de la liberté d’expression en Serbie. Il s’agit d’une «Décision-cadre sur le racisme et la xénophobie», adoptée par le Conseil de l’Europe le 28 novembre 2008 (voir texte intégral et autres références dans la note de bas de page 1)

Elle ne traite de la négation du génocide qu’en passant, se concentrant principalement sur les sujets indiqués dans son titre. Mais ce qui est plus important, c’est que cela indique clairement que tout ce que la directive exige, n’est applicable qu’aux pays membres de l’UE, ce qui n’est pas le cas de la Serbie. Par conséquent, l’affirmation du ministre Kuburović selon laquelle la nouvelle loi est une « obligation européenne » était manifestement fausse.

En outre, la Décision-cadre contient des libellés faisant référence à la négation de génocide que le Groupe de travail serbe a évidemment transcrits pratiquement sans révision ni adaptation, c’est-à-dire simplement traduit et incorporé en tant que tel dans «leur» avant-projet. Un exemple plus frappant d’esclavage est difficile à imaginer.

Selon le rapport de conformité du Conseil de l’Europe de 2015, des 28 pays membres de l’UE, treize n’ont pas suivi la directive de cette Décision-cadre de 2008 et, depuis l’année dernière, ils n’ont pas introduit la législation requise. Aucune punition pour ces pays n’a été indiquée ou envisagée. Cela rend la précipitation de la Serbie pour respecter une directive non contraignante d’autant plus bizarre. C’est tout aussi incompréhensible, alors que dans la loi actuellement en vigueur, il sera permis en Serbie, de nier le récit bien établi de la persécution du peuple juif pendant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’un interrogatoire critique du «récit du génocide» de Srebrenica serait passible d’une peine jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.

Un jugement de 2015 de la Cour européenne des droits de l’homme a également estimé qu’une personnalité publique turque ne pouvait être poursuivie en Suisse pour avoir nié le génocide arménien, parce que le droit d’articuler une telle position constituait un exercice légitime de la liberté d’expression. 2 Cela soulève la question de savoir si les conseillers juridiques du régime serbe savent que la loi qu’ils proposent sur la négation du génocide peut faire l’objet d’une annulation lorsqu’elle sera portée en appel devant la Cour européenne.

Il est également possible que la loi serbe proposée soit, non seulement contraire aux dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme, mais qu’elle soit également inconstitutionnelle en Serbie. Les articles 18 et 43 de la Constitution serbe garantissent les libertés de conscience et d’expression publique.

Si vous avez des inquiétudes au sujet de cette législation répressive, veuillez les adresser aux institutions suivantes:

Parlement de la Serbie, Département des relations publiques: infosluzba@parlament.rs
L’Ombudsman des Droits de l’Homme de la Serbie: zastitnik@zastitnik.rs

Merci d’avoir appuyé l’État de droit en Serbie

Stephen Karganovic, Président du Projet historique de Srebrenica

Liens

mondialisation.ca : Analyse des évènements de Srebrenica

legrandsoir.info : Srebrenica, mythe ou réalite d’un génocide

Notes

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