La Russie a un nouveau sous-marin lance-missiles nucléaires implacable et indétectable

Par Frantz-Stefan Gady – Le 6 mars 2015 – Source Russia Insider

– Le Vladimir Monomaque, troisième sous-marin de la nouvelle flotte russe, a commencé les essais en mer.

– Le sous-marin silencieux est le troisième dans le projet Borei de la Russie.

– Les Etats-Unis ont-il des raisons de s’inquiéter?

La flotte Borei est censée fournir la base des forces navales nucléaires de la Russie au cours des prochaines décennies


Comme suite à mon article précédent Qu’attendre de la Flotte du Pacifique de la Russie en 2014, je voudrais regarder de plus près la nouvelle épine dorsale de la dissuasion nucléaire maritime russe.

La classe Borei (aka Dolgorouki-classe), Projet 955, est la quatrième génération de sous-marin SNLE (navire, submersible, balistique, nucléaire) . Comme on pouvait s’y attendre Russia Today a gratifié cette nouvelle classe de SNLE, doutil de dissuasion nucléaire le plus avancé de la planète.

Conçu par Rubin Marine Equipment Design Bureau et construit par Northern Machine Building Enterprise (chantier naval de Sevmash), la classe Borei [Vent du Nord] est destinée à remplacer le projet 941 classe Typhoon et le projet 667 BDRM Delta IV. C’est la première que la Russie a ajouté de nouveaux SNLE à sa marine depuis la fin de la guerre froide. «D’une certaine manière, le Borei représente une renaissance littérale de la flotte de sous-marins soviétiques; plusieurs bateaux de cette classe sont construits à partir de la coque des Akula et Akula III mis au rebut ou non terminés», a écrit un officier de marine américain pour les notes de l’Institut Naval US.

Le nouveau SNLE de la classe Borei fait 580 pieds (170 mètres) de long, a un diamètre de coque de 42 pieds (13 mètres), et un équipage de 107 hommes, dont 55 officiers. Il peut plonger à une profondeur maximale d’environ 1 500 pieds (450 mètres) et profite d’une vitesse submergée d’environ 30 nœuds. Le sous-marin a une coque hydro-dynamique compacte et efficace pour la réduction du bruit à large bande et utilise une propulsion par pompe à jet d’eau. Cette technique réduit le bruit et permet au sous-marin une vitesse silencieuse tactique supérieure et une maniabilité accrue. Cela rend le sous-marin plus difficile à détecter.

Le sous-marin est maintenant à l’eau. La construction a commencé en mars en 2006

Selon naval-technology.com, le coût total de la première classe Borei SNLE était $713 millions, y compris la recherche et le développement ($280 millions). En comparaison, le coût d’un SNLE de la classe Ohio États-Unis était d’environ $2 milliards de dollars par navire.

Les sous-marins stratégiques de la classe Borei transportent entre 12 et 16 Bulava (RSM-56) avec des missiles balistiques à têtes multiples portant chacun 6 à 10 ogives de 100 à 150 kilotonnes, soit un total de 72 à 160 ogives par sous-marin. Le missile balistique Bulava a une portée de plus de 8 300 km. Après avoir analysé le missile intercontinental Bulava, le lieutenant commandant Tom Spahn, officier de réserve de la marine américaine, conclut:

Comme sa plate-forme de lancement, le missile Bulava représente aussi un bond en avant très important dans la technologie. Semblable à sa variante terrestre, le Topol-M SS-27, pour contrecarrer l’évolution des boucliers occidentaux anti- missiles balistiques le Bulava peut effectuer des manœuvres d’évitement post-lancement et déployer une variété de contre-mesures et de leurres pour se défendre contre l’interception. Ses dix ogives hypersoniques, manœuvrables indépendamment sont protégées contre les dommages physiques et les impulsions électromagnétiques pour s’assurer qu’ils peuvent atteindre leurs objectifs intacte.

Les capacités de guerre anti-sous-marine du navire sont également impressionnantes. Le SNLE possède six tubes lance-torpilles pour le lancement de six missiles RPK-2 Viyuga (SS-N-15) . «Chaque SS-N-15 est capable de transporter la charge utile nucléaire d’une torpille type 40 ou 90R grenade. Le missile peut frapper les sous-marins ennemis dans un rayon de 45 km, tout en voyageant à une vitesse subsonique de Mach 0.9», selon naval-technology.com.

La marine russe exploite actuellement trois SNLE de la classe Borei. Le premier, K-535 Iouri Dolgorouki, a été mis en service en janvier 2013 et sert actuellement dans la flotte du Nord de la Russie. Un autre SNLE de la classe Borei, le Vladimir Monomaque, mis en service en décembre 2014 va entrer au service de la Flotte du Pacifique cette année. Le SNLE de la classe Borei Alexander Nevsky, mis en service en décembre 2013, a récemment effectué un seul test-lancement réussi du missile balistique intercontinental Bulava dans la péninsule du Kamchatka.

Dans l’ensemble, la marine russe prévoit de construire huit SNLE de cette classe (avec une option pour en construire deux autres) d’ici à 2020. Le prochain navire dans la classe, le Knyaz Vladimir, est désigné comme un projet 955A Borei II. Il pourrait aligner quatre tubes lance-missiles supplémentaires (ce qui porte le nombre total de missiles potentiellement à 20) et se trouve actuellement en cours de construction. Selon Russia Today, il aura une plus petite coque et moins d’inconvénients, une acoustique améliorée. Un cinquième sous-marin de classe Borei, le Knyaz Oleg, a été déposé au chantier naval Sevmash en juillet 2014.

Les sous-marins de la classe Borei sont étudiés pour rester en service au moins jusqu’en 2040. Tom Spahn, écrivant pour Proceedings Magazine, qualifie la classe Borei SNLE de plate-forme impressionnante. Il note en outre que «le Borei contient le meilleur de la technologie sous-marine moderne, y compris l’ Advanced Sound-silence et la pompe Jet Propulsion similaires à ce qu’on trouve sur la classe Virginia aux États-Unis.»

War is Boring cite un expert dans la lutte anti-sous-marine, notant que la Russie est le seul pays au monde qui puisse construire un sous-marin nucléaire capable d’échapper à toute détection. Toutefois, l’expert note également que la «marine russe en ce moment [en 2013] est juste un désastre complet, et sur les marges ils peuvent faire mieux, mais pour vraiment attirer notre attention ils doivent construire 10, 20 de ces choses. Et il n’y a aucun signe qu’ils vont le faire. Je ne pense pas qu’ils ont l’argent pour cela.»

Pour une analyse plus nuancée sur l’état de la marine russe, je recommande fortement, Dmitry Gorenburg; les analyses sont ici et ici. Nous serons peut-être chanceux et un commandant russe de sous-marin va bientôt envoyer une lettre à un amiral russe, annonçant son intention de faire défection. Alors le monde en saura certainement plus sur le sous-marin nucléaire le plus meurtrier de Russie.

Frantz-Stefan Gady

L’article original est paru dans The Diplomat

 

 

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