La guerre saoudienne contre l’Iran pourrait lui revenir en pleine figure


Moon of Alabama

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Le 4 janvier 2016 – Source Moon of Alabama

Je continue de penser que, du point de vue des dirigeants saoudiens, l’exécution des membres d’al-Qaïda et apparentés, et du chiite saoudien fauteur de troubles Nimr Baqr al-Nimr était une façon astucieuse de détourner l’attention du peuple des problèmes qui s’accumulent sur la tête de ses gouvernants, et de la récente hausse de 40% du prix de l’essence. Mais cela les a entraînés dans une escalade coûteuse.

Le plus grand danger pour la famille al-Saoud qui règne en dictateur sur l’Arabie saoudite, c’est que son peuple puisse comparer son régime avec un autre système de gouvernement islamique qui a fait ses preuves. C’est le cas de la République islamique d’Iran, et sa réintégration dans le monde, après l’accord sur le nucléaire, met au grand jour la qualité de son mode de gouvernance. Cela pourrait donner l’idée à des gens et des érudits islamiques en Arabie saoudite d’avoir, eux aussi, un système où tous les votes comptent et où les décisions politiques sont prises en votant. Cela sans une famille dictatoriale et cupide et, surtout, sans renoncer à leurs valeurs islamiques fondamentales. C’est pour cela, et non à cause de la religion, que les Saoudiens combattent l’Iran depuis sa révolution en 1979 et qu’ils tentent d’endiguer son influence partout où ils peuvent. Les Al-Saoud craignent pour leur famille et leurs sinécures.

C’est pour ça que les Saoudiens, avec Israël, ont tout tenté pour saboter l’accord nucléaire. Ils veulent que l’Iran retourne dans sa cellule d’isolement. Mais c’est maintenant trop tard. Je n’ai pas lu un seul article aujourd’hui dans les médias occidentaux qui soit négatif sur l’Iran et/ou positif sur l’Arabie saoudite. Le vent de la politique internationale a tourné, et c’est maintenant l’Arabie saoudite qui est sous pression. La réaction impulsive des dirigeants saoudiens actuels, c’est l’escalade et toujours plus d’escalade, et la lutte contre l’Iran partout où il est présent, comme en Irak, en Syrie et au Liban, ou même où il n’y est pas, comme au Yémen.

Les Saoudiens affirment que l’Iran soutient les Houthis au Yémen, mais il n’y a pas la moindre preuve à l’appui de cette affirmation. On n’a pas trouvé le moindre Iranien au Yémen ni la moindre arme iranienne. Les Houthis que les Saoudiens combattent au Yémen ne sont pas chiites comme les Iraniens, ils sont plus près de l’islam sunnite que du chiisme duodécimain iranien. Il n’y a aucune preuve que les Houthis aient reçu quoi que ce soit de l’Iran, et toutes les histoires d’expéditions d’armes iraniennes au Yémen se sont avérées fausses.

Cela va peut-être changer maintenant.

Après le meurtre d’al-Nimr, des radicaux iraniens ont envoyé un groupe d’activistes prendre d’assaut l’ambassade saoudienne à Téhéran et la saccager. Ils en veulent au président iranien Rouhani à cause de ce qu’ils considèrent comme des politiques d’apaisement. L’administration Rouhani a été stupide de ne pas avoir prévu cette attaque et de ne pas avoir augmenté la protection de l’ambassade. Rouhani multiplie maintenant les courbettes pour se faire pardonner, mais en vain.

Les Saoudiens ont coupé les relations diplomatiques avec l’Iran et pressé le Bahreïn et le Soudan d’en faire autant. Les dirigeants du Bahreïn ont besoin de la protection saoudienne et le Soudan de l’argent saoudien. Les Émirats arabes unis ont seulement réduit leur présence diplomatique à Téhéran en remplaçant l’ambassadeur par un chargé d’affaires. Il est intéressant de noter que les autres pays du Golfe n’ont pas suivi la décision saoudienne. Les Saoudiens ont également arrêté tous les vols civils entre l’Iran et l’Arabie saoudite et ont interdit à leurs citoyens de se rendre en Iran. Les relations d’affaires doivent être interrompues entre les pays. Les Iraniens en pèlerinage à La Mecque sont toujours les bienvenus.

On ne comprend pas bien le but de toutes ces mesures. Qu’est-ce que l’Iran pourrait raisonnablement faire qui permettrait aux dirigeants saoudiens de revenir en arrière sans perdre la face? Il s’agit là encore de décisions impulsives et erratiques qui ne font de tort qu’au peuple saoudien et à la réputation internationale de la famille régnante.

On s’attend à d’autres mesures tout aussi bêtes. Les Saoudiens vont probablement intensifier leur lutte par procuration contre l’Iran en Syrie et peut-être aussi en Irak, en donnant plus d’armes et d’argent aux djihadistes un peu partout. Le nouveau gouvernement au Liban, sur lequel l’Iran et l’Arabie saoudite s’étaient mis d’accord récemment, est maintenant à nouveau hors de portée. Les Saoudiens vont aussi tenter d’intensifier la lutte contre les Houthis au Yémen et leur soutien iranien imaginaire. Mais après neuf mois de bombardements qui ont réduit l’infrastructure du Yémen en poussière, il y a peu de marge pour une escalade. Toutes les attaques au sol des Saoudiens et de leurs différents mercenaires ont été repoussées et ils sont immobilisés.

C’est donc l’endroit idéal pour l’Iran pour se livrer à son tour à l’escalade. L’Iran dispose de la technologie et du savoir-faire nécessaires pour doter les Houthis de sérieuses capacités de missiles. Ces missiles leur permettraient de réaliser des attaques ciblées sur des cibles saoudiennes. Tout le sud de l’Arabie saoudite deviendrait alors un champ de tir houthi. L’Arabie saoudite serait alors obligée de faire la paix ou d’évacuer des parties importantes de son territoire.

L’exécution d’al-Nimr et la diversion de l’attention publique vers la lutte contre l’Iran aideront les dirigeants saoudiens à apaiser les tensions internes. Mais l’escalade a des coûts politiques importants au niveau international et elle pourrait finalement augmenter, par le biais des missiles houthis, ces mêmes problèmes internes que les Saoudiens ont tout fait pour éviter.

Traduction : Dominique Muselet

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