La guerre éclair de Poutine en Syrie


Par Mike Whitney – Le 2 octobre 2015 – Source CounterPunch

Pendant plus d’un an, les États-Unis ont joué à trois p’tits chats avec une armée d’assassins déments qui se désignent eux-mêmes sous le nom d’ISIS. Lundi, le président russe Vladimir Poutine a annoncé qu’il en avait assez du refrain de Washington et qu’il envisageait d’apporter un peu de justice russe aux milices terroristes qui avaient tué 250 000 Syriens et taillé le pays en pièces.

Vladimir Poutine pendant son discours le 30 septembre à l’Assemblée générale de l’ONU

Avec des mots qui ne pouvaient pas être plus explicites, Poutine a dit à l’Assemblée générale [de l’ONU] : «Nous ne pouvons pas tolérer plus longtemps la situation actuelle dans le monde.» Moins de 48 heures après, les bombardiers russes faisaient pleuvoir des munitions à guidage de précision sur les bastions terroristes en Syrie occidentale, envoyant la vermine djihadiste à couvert.

C’est ainsi que l’on combat le terrorisme si on le fait sérieusement. Bravo, Poutine.

Le blitz de Poutine a pris tout l’establishment politique occidental au dépourvu. Même maintenant, après trois jours de campagne aérienne, ni l’administration ni les mordus de politique dans les nombreux cercles de réflexion à Washington n’ont défini ne serait-ce qu’une approche, encore moins une stratégie, des développements sur le terrain. Ce qui est clair, c’est que l’action de Poutine a surpris tout le monde, y compris les médias qui à ce jour n’avaient même pas encore élaboré leurs éléments de langage.

C’est extraordinaire. Demandez-vous pourquoi, chers lecteurs : comment nos dirigeants politiques et militaires peuvent-ils regarder Moscou déployer ses troupes, ses avions de combat et du matériel de guerre sur une scène où les États-Unis mènent des opérations majeures, et n’avoir absolument aucun plan quant à la manière de traiter ces forces si elles sont envoyées au combat?

Si vous êtes convaincus, comme moi, que nous sommes gouvernés par des imbéciles, vous trouverez certainement une confirmation de ce fait dans les événements récents.

Mais tandis que l’administration Obama cherche frénétiquement une stratégie, les escadrons de l’air de Poutine déchaînent l’enfer sur les sociopathes, les coupeurs de tête et les autres vipères qui composent État islamique. Et M. Poutine reçoit aussi beaucoup d’aide, en particulier des troupes d’élite des forces iraniennes Quds et de la tenace milice qui a vaincu l’armée israélienne dans deux conflits, le Hezbollah, le Parti de Dieu. Vérifiez-le dans Reuters:

Des centaines de soldats iraniens sont arrivés en Syrie ces dix derniers jours et rejoindront bientôt les forces gouvernementales et leurs alliés du Hezbollah libanais dans une importante offensive terrestre soutenue par les frappes aériennes russes, ont affirmé deux sources libanaises à Reuters. […]

Les frappes aériennes [russes] seront accompagnées prochainement par des avancées au sol de l’armée syrienne et de ses alliés, a dit l’une des sources, très au fait des développements politiques et militaires dans le conflit. […]

«L’avant-garde des forces terrestre iraniennes a commencé à arriver en Syrie : des soldats et des officiers pour participer spécifiquement à cette bataille. Ce ne sont pas des conseillers […] nous estimons qu’ils sont des centaines avec équipements et armes. Ils seront suivis par d’autres», a affirmé la seconde source. Les Irakiens devraient aussi prendre part à l’opération, a dit cette source.

(Assad allies, including Iranians, prepare ground attack in Syria: sources, Reuters)

Une alliance militaire entre Moscou, Téhéran et le Hezbollah?

Vous avez bigrement raison, et vous pouvez remercier Barack Obama et son projet fou de regime change pour ce développement.

De nombreux critiques de l’action de Poutine ont dit qu’«il ne sait pas ce qu’il fait» ou «Il va s’enliser» ou «Ce sera un nouveau Vietnam».

Faux. Le fait est que Poutine est un plus grand adepte de la doctrine Powell que tous les crétins du Pentagone. Et il est particulièrement attentif à la Règle numéro 5, qui dit : «Y a-t-il une stratégie de sortie plausible pour éviter un enlisement sans fin?»

Poutine y a-t-il réfléchi ou a-t-il simplement commis une bévue sur une impulsion, comme les dirigeants US en sont capables? Voici ce qu’il a dit le 30 septembre :

«Nous n’avons naturellement pas l’intention de nous enliser profondément dans ce conflit. Nous agirons dans le strict respect de la mission donnée. Premièrement, nous soutiendrons l’armée syrienne uniquement dans sa lutte légitime contre les groupes terroristes. Deuxièmement, notre soutien sera limité à des frappes aériennes et n’inclura pas d’opérations au sol. Troisièmement, notre soutien sera limité dans le temps et ne se poursuivra que tant que l’armée syrienne mène son offensive anti-terroriste.» 

Bingo. En d’autres termes, il va bombarder à mort ces bouffons et laisser la brigade Quds et le Hezbollah nettoyer ensuite. Il n’y aura pas de troupes russes au sol. L’aviation russe obtiendra des renseignements précis sur les positions d’ISIS par des agents syriens sur le champ de bataille, ce qui réduira le nombre de victimes civiles et limitera les dommages aux infrastructures essentielles. Elle ne fera également qu’une bouchée de quiconque se trouve sur le lieu de réception des bombes. Quelqu’un croit-il sérieusement que EI et la bande disparate de coupeurs de gorges modérés qui reçoivent des fonds de la CIA seront capables de résister à cette offensive imminente?

Pas moyen. Poutine va tailler à travers ces gars comme une tornade dans un parc de roulottes. Oui, État islamique a remporté quelques succès contre les armées irakienne et syrienne en loques. Mais aujourd’hui, elles se confrontent à l’équipe A où elles sont clairement hors de leur ligue. Liquider ces coupeurs de gorge prendra beaucoup moins de temps que tout le monde ne s’imaginait.

Les bombardiers russes sont déjà en train de détruire les arsenaux de munitions, les dépôts de carburant, le matériel militaire lourd, les postes de commandement, tout ce qui accroît la capacité d’État islamique à faire la guerre. La nouvelle coalition anti-terroriste va couper les lignes d’approvisionnement et les laisser à sec. Et toute l’opération sera emballée avant qu’Oncle Sam ait fini de lacer ses bottes. Voici ce qu’en dit la chaîne iranienne Press TV:

«Un membre important du parlement russe dit que la campagne aérienne en cours menée par Moscou contre des militants opérant en Syrie va s’intensifier. Alexei Pushkov, qui officie en tant que président du Comité pour les Affaires internationales de la Douma russe, a dit vendredi que Moscou intensifiera ses attaques contre les milices en Syrie tout en étudiant les risques associés à une opération de grande envergure.

«Il y a toujours un risque d’enlisement, mais à Moscou, nous parlons d’une opération de trois à quatre mois», a déclaré Alexei Pushkov selon Reuters.

La Russie a entrepris de lancer des frappes aériennes coordonnées sur les positions des milices en Syrie mercredi. Le mouvement a commencé peu après que les membres de la Chambre haute du parlement russe, le Conseil de la Fédération, ont autorisé les opérations en Syrie.» (Press TV)

Il n’y aura aucune tergiversation. Poutine va droit au but puis s’en ira.

Pensez-vous qu’ils ont déjà compris cela à la Maison Blanche?  Pensez-vous qu’ils comprennent que les troupes iraniennes et le Hezbollah ne vont pas distinguer entre les terroristes modérés et les terroristes extrémistes ; qu’ils ne vont pas simplement «les tuer tous et Dieu reconnaîtra les siens»? Pensez-vous qu’ils réalisent que la politique au Moyen-Orient de Washington s’est tout simplement effondrée et que le financement des djihadistes et les rêves de changement de régime sont terminés pour de bon?  Pensez-vous qu’ils captent que le rôle de Washington comme garant de la sécurité mondiale a été passé à Vladimir Poutine, qui a fait courir le risque, à lui-même et à son pays, de défendre les principes fondamentaux du droit international, de la souveraineté nationale et de l’auto-détermination? Poutine, de nouveau :

«Nous soutenons le gouvernement syrien dans sa lutte contre une agression terroriste. Nous lui fournissons et continuerons à lui fournir l’aide militaro-technique nécessaire. Nous devons continuer à dialoguer dans le but de parvenir à un consensus. Mais il est impossible de réussir vraiment tant que le carnage se poursuit et que les gens ne se sentent pas en sécurité. Nous n’arriverons à rien avant d’avoir vaincu le terrorisme en Syrie.»

Poutine est à la tête d’une coalition qui lutte contre le terrorisme. Nous devrions tous lui en être reconnaissants.

Mike Withney vit dans l’État de Washington. Il est contributeur à Hopeless : Barack Obama et les politique de l’illusion (AK Press). Hopeless est également disponible dans une édition Kindle. L’auteur peut être joint à fergiewhitney@msn.com.

Traduit par Diane, relu par jj Pour le Saker Francophone.

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