La démarche du président mexicain visant à démanteler les cartels pourrait engendrer un retour de flamme inopportun


par Andrew Korybko – Le 14 juillet 2018 – Source orientalreview.org

L’équipe de transition d’Andrés Manuel López Obrador, président nouvellement élu du Mexique, a déclaré que le populiste-nationaliste allait viser une « paix négociée » avec les cartels de la drogue dès son investiture en décembre.

Cette politique s’annonce comme très risquée : elles pourrait présenter l’effet pervers de renforcer l’aplomb des trafiquants de drogue, une fois devenus non violents, et légitimer leur influence sur la société si ce projet se voyait adopté en référendum à l’avenir. Ceci représenterait un risque de sécurité de type guerre hybride pour les USA, si les activités de trafic de drogue et les migrations vers leur sol s’en trouvaient augmentées. Il se pourrait même que ce soit ce risque qui ait motivé Trump à avancer ses propositions très audacieuses quant à la gestion des frontières, à l’époque où il l’avait fait, en supposant que Trump aurait prédit à l’avance la victoire d’AMLO (initiales du nouveau président mexicain) aux élections du week-end dernier et aurait  préparé dès lors sa politique en conséquence.

AMLO a mené sa campagne sur la promesse d’un changement radical des affaires au Mexique, et sans doute quelque chose doit-il être décidé pour apaiser le conflit qui a tué 200 000 personnes depuis 2006 et amené à l’assassinat de plus de 100 hommes politiques rien que lors de la saison électorale en cours. Il faut bien dire que le pays a été entraîné dans une guerre civile non déclarée, sans objectif politique clair, et que l’État s’est retrouvé dans une lutte d’autant plus difficile que nombre de ses institutions – en principalement la police et l’appareil militaire – se trouvent infiltrés par les cartels, ce qui crée un « État dans l’État » parallèle et place l’État mexicain au bord de l’effondrement en tant qu’entité politique viable. Face à ce constat dramatique, AMLO compte sur le modèle colombien de « justice transitoire » pour stabiliser la situation.

 

Des fleur de pavots, illégales, prises en photo lors d’une opération de confiscation le 15 mars 2018 au village de Los Pericos, municipalité de Mocorito, dans l’état de Sinaloa, au Mexique

L’équipe du nouveau président n’a eu de cesse de louer les efforts du pays sud-américain pour mettre fin à des décennies de guerre civile avec les FARC, estimant que la meilleure stratégie possible consiste à adopter une démarche « douce », bannissant la violence de l’État et s’employant à réincorporer les militants armés dans la société. Le problème, face à cela, est que les cartels mexicains ne projettent aucune vision politique formelle, malgré l’influence dont ils disposent dans cette sphère et le contrôle étendu dont ils disposent de certaines zones du pays, si bien qu’il reste à évaluer la pertinence qu’aura cet aspect clé du modèle colombien, une fois transposé au Mexique. À part pratiquer le trafic de drogue et se rendre coupables de meurtres, il n’y a pas grand chose en commun entre les FARC et les cartels pour venir étayer cette approche.

La situation du Mexique reste donc un casse-tête : le pays doit s’occuper de manière urgente de ces cartels, mais il n’a pas de solution parfaite pour ce faire ; la solution « dure » a évidemment échoué, alors que la solution « douce » pourrait revenir à soumettre l’État à leur emprise. Ces groupes sont également bien trop attrayants pour les agences de renseignements américaines, en tant que levier d’influence à l’égard du gouvernement mexicain, pour que ces agences les abandonnent aussi facilement ; d’autant plus qu’un de ces jours, ils pourraient décider de les instrumentaliser dans une guerre hybride contre AMLO si ses positionnements en politique étrangère devenaient trop multipolaires. Reste que, si rien n’est fait, ces mêmes cartels pourraient se muer en une véritable menace pour la sécurité nationale des USA. Les risques importants pris par AMLO porteront à conséquence sur les USA dans tous les cas de figure.

Cet article constitue une retranscription partielle de l’émission radio Context Countdown, diffusée sur Sputnik News le vendredi 13 juillet 2018.

Andrew Korybko

Traduit par Vincent, relu par Cat, vérifié par Diane pour le Saker Francophone

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