Par James Howard Kunstler – Le 18 avril 2016 – kunstler.com
L’éléphant n’est même pas dans la pièce, ce qui explique pourquoi la campagne électorale 2016 est un soap opéra. L’éléphant qui n’est pas là, se nomme discontinuité. Voilà peut-être un mot intimidant, mais c’est exactement ce qui se passe aux États-Unis.
Cela signifie que beaucoup de choses familières arrivent à leur fin, s’arrêtent, ne fonctionnent plus de la façon dont elles sont censées le faire – en commençant manifestement par le processus électif en cours, dans toute sa bizarrerie sans précédent.
L’une des raisons est qu’il est difficile de comprendre la discontinuité, car de nombreuses opérations et institutions de la vie quotidienne en Amérique sont insidieusement devenues des rackets, ce qui signifie qu’elles ne tiennent debout que par des moyens malhonnêtes. Si nous ne nous mentions plus sur elles, elles ne pourraient pas continuer.
Par exemple, prenons le racket de l’automobile. Sans une solide et solvable classe moyenne, vous ne pourriez pas vendre des voitures. Les Américains sont habitués à acheter leurs voitures avec des prêts à échéances. Si la classe moyenne est tant paralysée par les dettes précédentes et la disparition des emplois bien rémunérés, qu’elle ne peut plus se permettre de nouveaux emprunts pour une voiture, eh bien, la solution est de leur donner des prêts de toute façon, à des conditions rocambolesques, telles que des prêts sur 7 ans à 0% d’intérêt pour des voitures d’occasion (ce qui veut dire que la valeur du véhicule passera sous la barre du 0$ avant l’expiration du prêt, littéralement moins que rien).
On va continuer comme ça jusqu’à ce que ça ne soit plus possible, ce qui est la définition de la discontinuité. Les entreprises automobiles et les banques (avec l’aide des organismes de réglementation gouvernementaux et les leaders politiques) ont créé ce mécanisme de contournement, en générant des prêts de voiture sub-prime de la même manière qu’ils avaient traité les prêts hypothécaires sub-prime : ils les regroupent dans de plus grands paquets d’obligations appelées obligations de prêts collatéralisés. Celles-ci, à leur tour, sont vendues principalement aux grandes sociétés de fonds de placement et autres compagnies d’assurance, désespérées de trouver du rendement (des intérêts plus élevés) sur des placements sûrs qui préservent ostensiblement leur mandant. Les montants des collatéraux vont générer des flux de revenus pour des paiements qui sont sûrs de s’arrêter, parce que les payeurs sont par définition insolvables, ce qui signifie qu’il a été cuit dans le gâteau qu’ils arrêteraient les paiements – surtout quand ils plongeront sous la ligne de flottaison avec toujours plus d’argent pour des prêts pourris qui auront perdu toute valeur.
Il est facile de voir comment cela se terminera, dans les larmes pour toutes les parties concernées, mais nous achetons, car il semble n’y avoir aucun autre moyen de :
- stimuler ce qu’on appelle l’économie de consommation
- maintenir en fonctionnement la matrice de l’étalement urbain dépendante des voitures.
Nous avons pris l’habitude de cette idée qui était assez solide durant une phase désormais révolue de l’histoire. Nous l’avons pervertie pour éviter de faire des changements difficiles mais nécessaires vers une nouvelle phase de l’histoire.
Les soins de santé sont maintenant un tel racket, si flagrant, si odieux et si ruineux, qu’il est un peu difficile de croire qu’il n’a pas encore enflammé une révolution pure et simple ou, au moins, un massacre dans les bureaux d’une compagnie d’assurance de premier plan. C’est un fait bien connu que la plupart des Américains ne disposent même pas de 500 dollars pour payer la réparation de leur voiture. Comment sont-ils alors censés faire face à une franchise de 5000 dollars pour un incident d’assurance-maladie? Réponse : ils ne peuvent pas. Leur santé mentale sera détruite dans le processus pour essayer de conserver leur santé physique. Assez souvent, ils doivent se déclarer en faillite après une appendicectomie de routine ou une visite aux urgences pour se remettre d’un bras cassé. Parfois, ils ne se donnent même plus la peine d’aller chez le médecin, voyant clairement comment cela se joue. L’industrie pharmaceutique a, bien sûr, été autorisée à se convertir dans ce racket d’extorsion pur et simple. Vous avez un type inhabituel de cancer? Nous avons quelque chose qui pourrait aider. Oh, il en coûte 43.000 dollars par mois…
Quel genre de système politique permet à ce jeu cruel et indécent de continuer? Pourquoi l’administration Obama, qui a permis aux lobbyistes des assureurs et de leurs collègues du Big Pharma de préempter la Loi sur les soins abordables – dont le nom correspond au plus grand mensonge public jamais prononcé ?
Il est intéressant de voir comment une fraude parallèle se joue à un autre niveau. Je pense que la raison pour laquelle les présidents des universités ne poussent pas à contre-courant contre les coercitions maoïstes des guerriers de la justice sociale de premier cycle, est que le merveilleux théâtre mélodramatique du sexe, de la race et des privilèges est une puissante distraction face à la triste réalité qu’est devenue l’Université, un racket administratif grotesquement lourd et très cher, offrant des cours bidons (Dartmouth College: WGSS 65.06 Sexualité radicale: couleur, sauvagerie et fabulosité … Université d’Harvard: WOMGEN 1424: fétichisme américain) afin de se plier à leurs petits clients (étudiants) conditionnés aux tragiques oppressions des histoires larmoyantes. Tout part pour payer les salaires énormes des cadres qui dirigent ces lieux.
Ensuite, il y a la banque, alias le système financier, certainement le plus grand racket des rackets, derrière le rideau de fumée – combinaisons de ZIRP, QE, et d’orientation vers l’avant (discours positif) –, qui est tout ce qui reste pour maintenir l’illusion que l’argent reste une jauge de valeur sûre. La finance est le racket qui va tomber en premier et le plus fort, et quand ça sera fait, tous les autres rackets en cours vont avoir leurs vapeurs. Cet éléphant va tempêter dans la salle avant les conventions des partis, et cela va alors inaugurer la reconnaissance du fait que rien ne peut plus continuer comme avant.
James Howard Kunstler
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par nadine pour le Saker Francophone.
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