Jouer « l’idiot » sur le grand échiquier eurasien


Par Ron Unz – Le 3 avril 2023 – Source Unz Review

Depuis au moins une génération, les politiques internationales de l’Amérique sont de plus en plus régies par notre ministère de la Propagande, et la facture commence peut-être à arriver.

Mercredi dernier, le Wall Street Journal annonçait que l’Arabie saoudite rejoignait l’Organisation de coopération de Shanghai, une décision qui intervient quelques semaines seulement après l’annonce du rétablissement des relations diplomatiques avec l’ennemi juré, l’Iran, à l’issue de négociations menées à Pékin sous les auspices de la Chine. Depuis trois générations, ce royaume riche en pétrole était l’allié arabe le plus important de l’Amérique, et la première phrase de l’article du journal soulignait que cette évolution spectaculaire reflétait l’affaiblissement de notre influence au Moyen-Orient.

Le même jour, le Brésil déclarait qu’il abandonnait l’utilisation du dollar dans ses transactions avec la Chine, son principal partenaire commercial, à la suite d’une déclaration antérieure selon laquelle son président prévoyait de rencontrer le dirigeant chinois pour soutenir les efforts de ce pays en vue de mettre fin à la guerre entre la Russie et l’Ukraine, une initiative diplomatique à laquelle notre propre gouvernement s’est fermement opposé. Les dominos géopolitiques semblent tomber rapidement, entraînant dans leur chute l’influence américaine.

Compte tenu des terribles déficits budgétaires et commerciaux de notre pays, le niveau de vie de l’Amérique dépend fortement de l’utilisation internationale du dollar, en particulier pour les ventes de pétrole, et ces développements sont donc extrêmement menaçants. Pendant des décennies, nous avons échangé librement nos bons du trésor contre des biens et des marchandises du monde entier, et si cela devient beaucoup plus difficile, notre situation mondiale risque de devenir désastreuse. Lors de la crise de Suez en 1956, la menace d’effondrement de la livre sterling a marqué la fin de l’influence de la Grande-Bretagne sur la scène mondiale, et l’Amérique pourrait bien s’approcher rapidement de son propre « moment Suez« .

Malgré nos efforts considérables et le soutien strident des médias occidentaux, peu de pays autres que nos vassaux serviles ont voulu nous suivre et imposer des sanctions à la Russie, preuve supplémentaire que notre influence internationale s’est considérablement affaiblie.

Depuis les années 1980, je considère le déplacement tectonique du pouvoir géopolitique vers la Chine comme une conséquence presque inévitable du développement de ce pays, et il y a plus d’une décennie, j’ai décrit ces puissantes tendances, déjà visibles depuis longtemps.

La montée de la Chine, la chute de l’Amérique

Ron Unz – The American Conservative – 17 avril 2012 – 6 600 mots

Mais les faits sont maintenant devenus d’une évidence criante. Jacques Sapir est directeur d’études à l’EHESS, l’une des principales institutions universitaires françaises, et il a publié il y a quelques mois un court article exposant des statistiques économiques frappantes, une analyse qui a reçu moins d’attention qu’elle ne le mérite.

L’évaluation géostratégique des économies russe et chinoise

Jacques Sapir – American Affairs – 20 novembre 2022 – 1 700 mots

Il explique que, selon les taux de change nominaux, la Russie a une petite économie, à peine la moitié de celle de la France et à peu près la même que celle de l’Espagne, de sorte qu’elle semblait très vulnérable à la vague sans précédent de sanctions occidentales imposées après le déclenchement de la guerre en Ukraine. Mais la Russie s’en est sortie presque indemne, et c’est plutôt l’Occident qui a souffert de graves pénuries d’énergie, d’une sévère poussée d’inflation et d’autres graves tensions économiques, ce qui laisse penser que ces comparaisons n’étaient qu’illusoires.

En revanche, selon la mesure beaucoup plus réaliste de la parité du pouvoir d’achat (PPA), l’économie russe est en fait beaucoup plus importante, comparable à celle de l’Allemagne. Mais même cette mesure sous-estimait gravement le véritable équilibre du pouvoir international.

Dans les économies occidentales, les services représentent une part importante, parfois écrasante, de l’activité économique totale, et ces statistiques sont beaucoup plus sujettes à la manipulation. Certains économistes ont même demandé à ce que le trafic de drogue, la prostitution et d’autres activités criminelles devraient être inclus dans ce total, ce qui aurait pour effet d’augmenter la mesure supposée de notre prospérité nationale.

En revanche, en période de conflit international aigu, les secteurs productifs du PIB – l’industrie, l’exploitation minière, l’agriculture et la construction – constituent probablement une bien meilleure mesure de la puissance économique relative, et la Russie est beaucoup plus forte dans cette catégorie. Ainsi, bien que le PIB nominal de la Russie ne représente que la moitié de celui de la France, son économie productive réelle est plus de deux fois plus importante, ce qui représente un quintuplement de la puissance économique relative. Cela explique pourquoi la Russie a si facilement surmonté les sanctions occidentales qui auraient dû la paralyser.

Lorsque Sapir étend cette même analyse à d’autres pays, les résultats sont encore plus remarquables. Bien que nos médias grand public malhonnêtes décrivent invariablement la Chine comme ayant la deuxième économie du monde, elle a en fait dépassé l’Amérique en termes réels il y a plusieurs années, comme chacun peut le confirmer en consultant le World Factbook de la CIA. Cependant, alors que 44 % de l’économie moderne de la Chine est constituée de services, le secteur des services américain – publicité, vente au détail, éducation, services personnels, conseil en diversité – représente près de 80 % de notre total, réduisant notre production à une petite fraction résiduelle.

L’un des tableaux de Sapir démontre qu’en 2019, l’économie productive réelle de la Chine était déjà trois fois plus importante que celle de l’Amérique.

En effet, en 2017, le secteur productif réel de la Chine dépassait le total combiné de l’Amérique, de l’Union européenne et du Japon.

Les partisans de l’Amérique s’appuient souvent sur nos avantages supposés en matière de technologie et d’innovation, mais bien que notre avance passée ait été énorme, cela semble moins vrai aujourd’hui ou à l’avenir. Sapir présente un graphique montrant l’énorme croissance des demandes de brevet chinoises au cours des quarante dernières années, qui sont passées de presque rien à plus de 60 % du total mondial en 2018, soit près de cinq fois la part de l’Amérique.

Il existe des preuves empiriques de l’impact réel de ces statistiques officielles. Les entreprises américaines ont créé et autrefois entièrement dominé l’écosystème des médias sociaux et des smartphones qui est si important pour les consommateurs mondiaux, et pendant des années leur position semblait inattaquable. Mais selon un récent article du Wall Street Journal, quatre des cinq applications pour smartphone les plus populaires aux États-Unis sont désormais chinoises, Facebook arrivant en cinquième position. La principale réaction de notre classe politique bipartisane a été de menacer d’interdire TikTok, très populaire parmi nos propres jeunes, tout comme la nomenklatura de l’Union soviétique en décomposition avait autrefois désespérément tenté d’interdire les blue-jeans et la musique rock de l’Ouest.

Cette montée en puissance rapide de la Chine en matière de technologie et de compétitivité économique n’est guère surprenante. Comme l’a souligné le physicien Steve Hsu en 2008, selon les données psychométriques internationales, la population américaine compte probablement quelques 10 000 individus ayant un QI de 160 ou plus, alors que le total pour la Chine est d’environ 300 000, soit un chiffre trente fois plus élevé.

La plus grande vulnérabilité stratégique de la Chine a été sa dépendance à l’égard des importations d’énergie et de matières premières pour alimenter son énorme base industrielle, et lors d’une confrontation internationale, l’Amérique aurait pu utiliser son contrôle des mers pour interdire ces approvisionnements vitaux. Mais la Russie possède le plus grand trésor de ressources de ce type au monde, et notre hostilité incessante a poussé ce pays à se rapprocher de son voisin chinois, comme l’a récemment souligné le sommet de Moscou réunissant leurs deux dirigeants nationaux.

Ainsi, nos propres actions ont forgé une solide alliance Chine-Russie qui semble susceptible de déloger l’Amérique de sa position dominante sur la scène mondiale. Un tel résultat serait un événement d’une ampleur historique, comparable à l’effondrement de l’Union soviétique il y a trois décennies.

Graham Allison, de Harvard, a été le doyen fondateur de la Kennedy School of Government, assumant ce poste alors que j’étais encore au lycée, et son influent best-seller de 2017, Destined for War, a inventé l’expression « le piège de Thucydide » pour ce qu’il craignait être un conflit presque inévitable entre une Chine montante et une Amérique dominante à l’échelle mondiale. Mais notre hostilité irrationnelle à l’égard de la Russie a désormais transformé le paysage géopolitique, et la semaine dernière, il a pris la plume dans les pages de Foreign Policy pour affirmer que l’alliance Chine-Russie l’emportait désormais probablement sur la nôtre :

Xi et Poutine ont l’alliance non déclarée la plus lourde de conséquences au monde

Elle est devenue plus importante que les alliances officielles de Washington aujourd’hui.

Graham Allison – Foreign Policy – 23 mars 2023 – 1 300 mots

Ses derniers paragraphes méritent d’être cités dans leur intégralité :

Une proposition élémentaire dans les relations internationales stipule : « L’ennemi de mon ennemi est mon ami« . En affrontant simultanément la Chine et la Russie, les États-Unis ont contribué à créer ce que l’ancien conseiller à la sécurité nationale Zbigniew Brzezinski appelait une « alliance des lésés« . Cela a permis à Xi d’inverser la « diplomatie trilatérale » réussie de Washington dans les années 1970, qui a creusé le fossé entre la Chine et le principal ennemi des États-Unis, l’Union soviétique, d’une manière qui a contribué de manière significative à la victoire des États-Unis dans la guerre froide. Aujourd’hui, la Chine et la Russie sont, selon les termes de Xi, plus proches que des alliés.

Étant donné que Xi et Poutine ne sont pas seulement les présidents en exercice de leurs deux nations, mais des dirigeants dont les mandats n’ont effectivement pas de date d’expiration, les États-Unis devront comprendre qu’ils sont confrontés à l’alliance non déclarée la plus importante au monde.

Selon Allison, nous assistons actuellement à la fin de la domination mondiale incontestée des États-Unis qui a suivi l’effondrement de l’Union soviétique il y a plus de trente ans. Il était donc tout à fait approprié qu’il cite les opinions de Zbigniew Brzezinski, le politologue d’origine polonaise qui a été l’un des principaux architectes de notre stratégie victorieuse durant les dernières phases de ce conflit de la guerre froide.

Longtemps chercheur de l’école « réaliste » aux universités de Harvard et de Columbia, Brzezinski a été le principal organisateur de la Commission trilatérale en 1973 et, en 1976, il a été nommé conseiller à la sécurité nationale au sein de l’administration Carter, s’imposant progressivement pour ses positions plus dures face à son rival, le secrétaire d’État Cyrus Vance. Il a fortement soutenu les activités des dissidents d’Europe de l’Est, notamment le puissant mouvement Solidarnosc dans sa Pologne natale, et il a également orchestré une aide militaire importante aux rebelles musulmans dans l’Afghanistan sous contrôle soviétique. Ces deux efforts ont probablement joué un rôle important dans l’affaiblissement fatal de l’URSS.

En effet, bien que Brzezinski fût lui-même un Démocrate aux fortes tendances sociales-démocrates, ses positions en matière de politique étrangère étaient tellement admirées par les conservateurs Républicains que l’on a même prétendu plus tard que Ronald Reagan lui avait demandé de rester dans ce même rôle après la défaite de Carter en 1980.

Au milieu des années 1980, Brzezinski est convaincu que le communisme soviétique est en phase terminale de déclin et, en 1989, il publie The Grand Failure, qui porte le sous-titre prophétique « The Birth and Death of Communism in the Twentieth Century » (La naissance et la mort du communisme au vingtième siècle). L’ouvrage est paru près d’un an avant que la chute du mur de Berlin ne marque la fin d’une époque.

L’effondrement du rideau de fer a réuni les deux moitiés de l’Europe, deux générations après leur séparation, et a été suivi deux ans plus tard par l’effondrement et la désintégration choquante de l’Union soviétique elle-même. Moscou a rapidement perdu le contrôle des territoires qu’elle avait gouvernés pendant des siècles, la plupart des frontières de l’État successeur de la Russie étant ramenées à ce qu’elles étaient avant le règne de Pierre le Grand en 1682.

La disparition soudaine de l’URSS a totalement transformé le paysage géopolitique, laissant l’Amérique comme seule superpuissance mondiale, avec une domination incontestée sur l’ensemble du globe, une situation unique dans l’histoire du monde.

Brzezinski a étudié les conséquences de ce bouleversement mondial et a publié en 1997 The Grand Chessboard (Le grand échiquier), un ouvrage court mais influent qui résume notre position internationale sans précédent et expose des politiques géostratégiques visant à renforcer notre nouvelle domination sur le continent eurasien, la région qui constituait le « grand échiquier » de son titre.

Au fil des ans, j’ai souvent vu des accusations selon lesquelles Brzezinski préconisait une stratégie d’hégémonie mondiale permanente des États-Unis, mais je pense que ces critiques confondaient ses idées avec le triomphalisme grossier des néoconservateurs, qui suivaient une voie idéologique totalement différente. J’ai finalement lu son livre il y a plusieurs années et j’y ai trouvé une analyse très réfléchie et modérée des dangers et des opportunités auxquels l’Amérique est confrontée sur la masse continentale eurasienne, l’auteur soulignant à plusieurs reprises que notre domination mondiale n’était qu’une condition temporaire, impossible à maintenir de manière permanente.

L’Amérique est son pays et il a certainement proposé des alliances et d’autres mesures pour renforcer et étendre notre position mondiale, mais il a cherché à le faire de manière raisonnable et modérée, en évitant les actions provocatrices ou précipitées et en tenant dûment compte des intérêts géopolitiques légitimes d’autres grandes puissances telles que la Chine, la Russie, le Japon et les grands États européens.

Son livre a été publié à un moment où le prestige et l’influence des États-Unis atteignaient des sommets. Quelques années plus tard, à la suite des attentats du 11 septembre, Brzezinski est devenu un fervent critique des projets de guerre en Irak de l’administration Bush, influencée par les néoconservateurs, une erreur désastreuse qui a ruiné la stabilité du Moyen-Orient, dilapidé notre crédibilité nationale et nous a coûté des milliers de milliards de dollars. Depuis le milieu des années 1970, son plus proche allié et collaborateur était son ancien assistant militaire, Bill Odom, qui, en tant que général trois étoiles, a ensuite dirigé la NSA pour Ronald Reagan au milieu des années 1980, et tous deux ont ensuite préconisé un rapprochement stratégique immédiat avec l’Iran et le retrait d’Irak.

Les changements géopolitiques spectaculaires que nous connaissons actuellement m’ont incité à relire le court ouvrage de Brzezinski publié en 1997, ce qui a confirmé mes souvenirs. Dès le début, il expose les principales raisons de la domination mondiale de l’Amérique, s’attendant à ce que la plupart d’entre elles perdurent pendant au moins une génération, voire plus longtemps :

En bref, l’Amérique est suprême dans les quatre domaines décisifs de la puissance mondiale : sur le plan militaire, elle a une portée mondiale inégalée ; sur le plan économique, elle reste la principale locomotive de la croissance mondiale, même si elle est concurrencée à certains égards par le Japon et l’Allemagne (qui ne jouissent pas des autres attributs de la puissance mondiale) ; sur le plan technologique, elle conserve l’avance générale dans les domaines de pointe de l’innovation ; et sur le plan culturel, en dépit d’un niveau assez bas, elle jouit d’un attrait inégalé, en particulier parmi les jeunes du monde entier – tout cela donne aux États-Unis un poids politique qu’aucun autre État n’est sur le point d’égaler. C’est la combinaison de ces quatre éléments qui fait de l’Amérique la seule superpuissance mondiale.

Bien que l’auteur, né en Pologne, ait certainement conservé une profonde hostilité personnelle à l’égard de l’adversaire russe traditionnel de sa patrie et que son livre ait été écrit près du point culminant du déclin national de la Russie, seules des traces de cette animosité étaient visibles, et il envisageait pleinement la possibilité qu’une Russie revivifiée s’intègre avec succès dans une Europe élargie, la « maison commune européenne » autrefois prônée par Mikhaïl Gorbatchev. Il s’est inquiété de l’instabilité du monde islamique, mais les guerres désastreuses que nous avons menées au Moyen-Orient après le 11 septembre ont été des actes d’une témérité et d’une folie inimaginables.

L’avant-dernier et plus long chapitre de son analyse de l’Eurasie était intitulé « L’ancrage extrême-oriental » et il décrivait cette région comme connaissant « un succès économique sans équivalent dans le développement humain« . Il note qu’au cours de leur phase de décollage de l’industrialisation, la Grande-Bretagne et l’Amérique ont eu besoin d’environ un demi-siècle pour doubler leur production, alors que la Chine et la Corée du Sud sont parvenues au même résultat en une seule décennie. Brzezinski était persuadé que, sauf circonstances malheureuses, la Chine deviendrait une puissance économique mondiale de premier plan et pensait que notre pays devrait chercher à l’intégrer dans le système mondial que nous avions construit, tout en reconnaissant à juste titre que « l’histoire de la Chine est celle d’une grandeur nationale« .

Cependant, bien que l’évaluation des perspectives de la Chine par Brzezinski soit très favorable, son analyse de 1997 était en fait assez prudente dans ses projections. Il doutait que les taux de croissance économique remarquables du pays se maintiennent pendant encore deux décennies, ce qui nécessiterait « une combinaison exceptionnellement heureuse d’un leadership national efficace » et de nombreuses autres conditions favorables, arguant qu’une telle « combinaison prolongée de tous ces facteurs positifs est peu probable« .

Il s’est plutôt orienté vers un pronostic plus conventionnel disant que, vers 2017, la Chine pourrait avoir un PIB total considérablement plus élevé que celui du Japon, ce qui en ferait « une puissance mondiale, à peu près au même niveau que les États-Unis et l’Europe« . En réalité, cette année-là, le PIB réel de la Chine allait être plus de quatre fois supérieur à celui du Japon et sa production industrielle réelle plus importante que celle de l’Amérique et de l’Union européenne réunies.

Ainsi, le poids économique de la Chine dans le monde d’aujourd’hui dépasse largement les hypothèses de Brzezinski de 1997 et cette différence amplifie l’importance de ses avertissements stratégiques, que nos dirigeants politiques ont totalement ignorés. Tout au long de son livre, il a souligné à plusieurs reprises que le plus grand danger auquel l’Amérique serait confrontée serait de contrarier inutilement les principales nations eurasiennes, qui pourraient alors s’unir contre nous :

Enfin, il convient de noter brièvement certaines éventualités impliquant des alignements politiques futurs… les États-Unis pourraient devoir déterminer comment faire face à des coalitions régionales qui chercheraient à évincer l’Amérique de l’Eurasie, menaçant ainsi son statut de puissance mondiale… Potentiellement, le scénario le plus dangereux serait une grande coalition de la Chine, de la Russie et peut-être de l’Iran, une coalition « anti-hégémonique » unie non pas par une idéologie mais par des griefs complémentaires… Pour parer à cette éventualité, aussi lointaine soit-elle, il faudra que les États-Unis fassent preuve d’habileté géostratégique sur les pourtours occidental, oriental et méridional de l’Eurasie.

Toutefois, une coalition alliant la Russie à la Chine et à l’Iran ne peut se développer que si les États-Unis ont la myopie de contrarier simultanément la Chine et l’Iran.

Au vu des événements récents, ses avertissements prophétiques ont été complètement ignorés. Au lieu de cela, nos dirigeants politiques nationaux ont choisi d’inverser exactement ses suggestions, et ce malgré le fait que la Chine soit devenue beaucoup plus forte que ce que Brzezinski avait envisagé.

Brzezinski lui-même a reconnu certains de ces développements importants et, l’année précédant sa mort en 2017, il a mis à jour son analyse pour proclamer que l’ère de la domination américaine touchait déjà à sa fin et que nous devions reconnaître cette réalité.

Vers un réalignement mondial

Alors que leur ère de domination mondiale touche à sa fin, les États-Unis doivent prendre l’initiative de réaligner l’architecture mondiale du pouvoir.

Zbigniew Brzezinski – The American Interest – 17 avril 2016 – 2 500 mots

Au lieu de tenir compte de ses préoccupations et d’ajuster leurs politiques en conséquence, notre gouvernement a doublé sa stratégie grossière de tentative de maintien d’une impossible hégémonie mondiale américaine, une politique qui semble susceptible de se terminer par un désastre national.

Nos dirigeants ont apparemment décidé de jouer les idiots sur le grand échiquier eurasien.

Ron Unz

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

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