Le 15 octobre 2016 – Source Moon of Alabama
L’«Occident» pro-djihadiste fait de son mieux pour évaluer à la hausse le nombre de civils dans Alep-Est, et à la baisse le nombre de combattants d’al-Qaïda. Si cela continue, il n’y aura bientôt plus de combattants d’Al-Qaïda à Alep, bien qu’aucun ne soit parti. Ils seront requalifiés en «rebelles modérés» qui ont droit à la trêve qu’ils avaient refusée au départ.
Les terroristes d’Alep-Est sont encerclés et assiégés. L’armée syrienne grignote morceau par morceau leur emprise territoriale pendant que les forces de l’air syrienne et russe attaquent toute les concentrations de forces ou de matériel identifiées. C’est seulement une question de temps avant qu’ils ne soient complètement écrasés.
La plupart des combattants de la zone assiégée sont associés à al-Qaïda. Ils sont plusieurs milliers, mais il reste peu de civils. La partie orientale de la ville abritait autrefois environ 300 000 habitants. Il en reste environ 10% et probablement moins. Voilà les chiffres réalistes. Les organes de propagande en ont d’autres.
Quand, en 2013, les rebelles extrémistes encerclaient et assiégeaient (voir la carte) les parties de la ville tenues par le gouvernement, chacune de leurs victoires était qualifiée de libération.
Depuis, ils ont tué beaucoup de ceux qu’ils avaient «libérés». D’autres ont réussi à s’enfuir. Mais le vent a tourné. Cette carte animée montre le développement de la situation entre septembre 2015 et 2016. Les zones «rebelles», désormais assiégées, d’Alep-Est diminuent chaque jour. Aujourd’hui un grand pan de la partie nord de la zone assiégée, dont le camp Handarat palestinien, est à nouveau aux mains du gouvernement.
Tôt ou tard, l’armée syrienne va essayer de diviser la partie tenue par les «rebelles» le long de la route est-ouest qui va de l’aéroport vers la (vieille) ville.
Le jeu des nombres se joue devant l’Organisation des Nations unies et dans les «médias occidentaux». Voilà les premiers chiffres dans un post du 5 octobre :
«C’est principalement al-Qaïda qui tient Alep», a déclaré (vidéo) le colonel Warren, le porte-parole de l’opération «Résolution inhérente», menée par les États-Unis. C’était en avril et al-Qaïda (aka Jabat al-Nusra) a depuis renforcé ses capacités dans la ville. Fabrice Balanche, l’expert français sur la Syrie (renseignement militaire) a dit au Figaro :
Son (celle d’al-Qaïda) emprise sur Alep-est n’a fait qu’augmenter depuis le printemps 2016, date à laquelle il a envoyé 700 combattants en renfort parce que des combattants des brigades modérées commençaient à quitter la zone avant que la dernière sortie ne soit coupée. L’ouverture provisoire d’une brèche dans le siège d’Alep, en août 2016 (bataille de Ramousseh), a encore augmenté son prestige et son emprise sur les rebelles.
De Mistura, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, a dit (vidéo, 27:43) au Conseil de sécurité des Nations Unies :
Nous avons des informations provenant d’autres sources qui disent que plus de la moitié des combattants présents dans Alep-Est appartiennent à al-Nusra. Nous avons également des rapports qui font état de la disposition intentionnelle de tir des positions à proximité des infrastructures sociales, à l’intérieur et à l’extérieur des quartiers où vivent les civils.
Quelques jours après ce discours, De Mistura a tenu une conférence de presse pendant laquelle il a offert d’escorter les combattants d’al-Qaïda hors de la zone assiégée. Il avait fortement réduit le nombre de combattants d’al-Qaïda, à moins de 10% de tous les combattants. Voilà ce qu’il a dit ce 6 octobre :
Nous avons fait une analyse beaucoup plus récente de la présence d’al-Nusra dans Alep-Est. Je sais qu’on a rapporté, à juste titre, que j’avais donné un chiffre proche de 50%, au Conseil de sécurité, je crois. Eh bien, sur la base d’estimations plus précises, qui sont aussi plus actuelles et qui ne peuvent jamais être absolument parfaites mais qui sont, à mon avis, tout à fait fiables, nous parlons maintenant d’une présence dans Alep-Est d’au maximum 900 personnes, 900 combattants. Le chiffre précédent était probablement basé sur une estimation qui n’était plus d’actualité selon laquelle près de 1500 combattants al-Nusra avaient quitté Idlib et d’autres endroits pour se joindre à la bataille de al-Ramousseh qui, vous vous en souvenez, a eu lieu il y a quelque temps quand ils ont tenté de reprendre la route d’al-Ramousseh. Mais ces combattants, selon nos informations, se sont retirés, après que cette contre-offensive a échoué. Donc, cela corrige, et s’il vous plaît prenez ce nouveau chiffre comme le bon, même s’il peut toujours être modifié par des faits, des chiffres et une analyse plus efficace, mais cela corrige les soi-disant 50%. Il y a 900 combattants d’Al-Nusra dans Alep-est.
Le nombre total des combattants, le nombre de tous les combattants, y compris les soi-disant combattants modérés, ou les groupes armés d’opposition dans Alep-Est, est de 8000 personnes ; 8000, c’est le chiffre maximum.
Donc, nous sommes passés de «c’est principalement al-Qaïda qui tient Alep» à environ 10% de tous les combattants, en quelques mois, sans qu’aucun combattant d’al-Qaïda ne soit parti. Et cela, alors que les «rebelles» ont ouvert une brèche dans le siège en août, et que des combattants d’al-Qaïda supplémentaires en ont profité pour entrer dans la ville, selon les rapports.
On a le sentiment que Samantha Power, la «Banshee 1 des lamentations», et l’ambassadeur des États-Unis à l’ONU, ont dicté ces «estimations plus précises» à De Mistura.
Mais même ces nouveaux chiffres sont encore trop élevés d’après ce que disent maintenant des «sources diplomatiques» à Reuters :
Le nombre de rebelles islamistes dans Alep-Est qui ne sont pas protégés par un accord de cessez-le-feu et qui peuvent donc être légitimement ciblés, est beaucoup plus faible que l’estimation donnée par l’Organisation des Nations unies, ont confié des sources diplomatiques à Reuters.
[…]
Plusieurs sources ont déclaré indépendamment à Reuters que le chiffre communiqué par Mistura pour les combattants était beaucoup trop élevé, et que le nombre réel ne dépassait pas 200 et était peut-être même inférieur à 100. Un diplomate occidental a dit que leur présence était surtout «symbolique».
La semaine prochaine, nous en serons à un ou deux combattants «symboliques» d’al-Qaïda dans Alep-Est. Lorsque De Mistura les escortera finalement hors de la ville, il n’aura besoin que de quelques personnes pour l’aider à pousser les fauteuils roulants de ces quelques vieillards handicapés. Alep-est sera alors «libérée» de tous les djihadistes combattants et seuls les rebelles laïques, démocratiques et au-dessus de tout soupçon y resteront. Ils tomberont sous le coup du cessez-le-feu (celui que les États-Unis et ces «rebelles» n’ont jamais accepté ou ont immédiatement rompu). Ils ne pourront plus être ciblés par la Russie et le gouvernement syrien – peu importe ce qu’ils font. Voilà ce que John Kerry et les médias «occidentaux» vont raconter aux gens. C’est, bien sûr, un tissu de conneries et aucun analyste sérieux n’en croira un seul mot. Mais ils n’auront pas droit de cité dans les médias.
Pendant que le nombre de djihadistes et des rebelles est revu à la baisse, le nombre de civils présents dans la zone maintenant assiégée augmente. Les zones assiégées de l’est de la ville abritaient à l’origine environ 300 000 à 400 000 habitants, et les zones de l’ouest de la ville tenues par le gouvernement près de 2 millions. C’est déroutant quand on regarde les cartes ci-dessus. Mais si l’on étudie en détail les images satellites qui servent de base aux cartes, on remarque qu’au moins la moitié des parties maintenant assiégées sont des terrains vagues et des zones industrielles. La partie bâtie est beaucoup plus petite que dans la zone occidentale. Les estimations actuelles des Nations unies pour les parties occidentales varient entre 1,3 et 1,5 million. C’est conforme aux affirmations du gouvernement syrien. L’ONU a plusieurs missions de secours et des bureaux dans les régions occidentales et ces estimations semblent donc fiables.
Mais pour la partie orientale, l’ONU a donné des estimations autour de 250 000 à 275 000, difficiles à comprendre. Elle n’a pas communiqué de sources pour ces chiffres. Elle n’a pas non plus de bureaux, ni de missions, dans la partie orientale. Il n’est pas vraisemblable que si peu de personnes aient quitté une zone gouvernée par divers groupes djihadistes concurrents, souvent privée d’électricité et d’eau, et qui est la cible de combats depuis des années. Jusqu’à très récemment des passages vers Alep-Ouest étaient ouverts aux civils. Les rebelles viennent juste de mettre en place leur blocus.
Il y a une estimation indépendante de la population réelle de Alep-Est de Martin Chulov, un journaliste du Guardian qui est allé un dizaine de fois dans la zone depuis qu’elle est occupée par des rebelles venant de l’extérieur. Après sa dernière visite, il a estimé qu’il y restait moins de 40 000 habitants :
Ceux qui sont restés à Alep-est, à peu près 40 000 personnes sur une population d’avant-guerre […]
Et la semaine dernière, Chulov a reconfirmé son observation :
Je suis retourné dans la ville pour la dernière fois. J’ai eu du mal à trouver des résidents dans l’est. Ceux qui étaient encore là n’ont pas l’intention de partir. Umm Abdu, une couturière de robes de mariée devenue infirmière était l’une d’entre eux.
[…]
Umm Abdu a quitté Alep, et quelques autres habitants que j’ai rencontrés au cours de mes visites sont restés.
Les estimations du gouvernement syrien sont conformes aux observations de Chulov :
EHSANI2 @ EHSANI22
Selon des sources bien informées et haut placées à #Damas, le nombre de civils dans #Alep ne dépasse pas 60 000 selon leur meilleure estimation.
EHSANI2 @ EHSANI22
@MoonofA @TPAtticus @CamilleOtrakji La «fourchette» de l’estimation du gouvernement syrien des civils restants à Alep-Est est 40k-60k […] 60k est une estimation haute.
Dans d’autres zones assiégées où les rebelles se sont rendus au gouvernement syrien, le nombre de personnes qui sortaient était bien inférieur à celui des habitants d’origine. Les chiffres étaient aussi plus faibles que toutes les estimations antérieures. Daraya, près de Damas, avait à l’origine quelque 80 000 habitants. Les chiffres des personnes assiégées à Daraya que l’ONU avait donnés variaient entre plusieurs dizaines de milliers et 8 000. Lorsque l’évacuation de Daraya a commencé, l’armée syrienne estimait que 800 à 1200 combattants et 4 000 civils en sortiraient. En fin de compte, environ 600 à 700 combattants et moins de 2 000 civils sont sortis. La zone a été fouillée et il ne restait personne.
Sur la base des chiffres de Daraya et des autres endroits assiégés en Syrie, il n’y a probablement pas plus de 4 000 à 5 000 combattants et pas plus de 3 à 5 civils par combattant, autrement dit leur famille immédiate, à Alep-Est. Le total réel pourrait ne pas dépasser 20 000.
Mais même alors, les combattants d’al-Qaïda constitueraient toujours la majorité des «rebelles» de la ville. Il est peu vraisemblable que leur nombre total soit maintenant inférieur aux nombres des renforts précédemment annoncés. Les officiels propagandistes qui ont parlé à Reuters veulent évidemment que les chiffres diffusés soient très, très bas pour que les combattants d’al-Qaïda restent en vie et disponibles pour de futures opérations.
Je suis convaincu que ni la Syrie, ni l’armée russe n’avaleront ces conneries. C’est bon pour les journalistes «occidentaux» et les habituels «analystes» lobbyistes employés par le Qatar, les États-Unis et autres sponsors djihadistes.
Théo Patnos, qui a été retenu en otage par al-Qaïda en Syrie pendant près de deux ans, a été interviewé par Vanity Fair (voir la vidéo à ce lien). Interrogé sur ce que les candidats présidentiels savent de la Syrie, il a répondu :
Ils ne connaissent pas du tout la Syrie. Les journalistes non plus, d’ailleurs. Ils font de leur mieux, mais ils ne savent rien. Ils devinent. Ils parlent avec beaucoup d’autorité, mais ils en savent vraiment très peu. Je ne les accuse pas d’incompétence, mais je leur reproche de ne pas se renseigner sur le terrain. Ils parlent d’une planète qu’ils n’ont jamais visitée et ils en parlent comme s’ils savaient de quoi ils parlent, et cela me déroute.
Traduction : Marie Staels
- Banshee : Une banshee, banshie ou bean sí est une créature féminine surnaturelle de la mythologie celtique irlandaise, considérée comme une magicienne ou une messagère de l’Autre monde (sidh). Elle est comparable à d’autres créatures mythologiques d’Europe (mythologie galloise ou nordique). ↩