Par Norman Pollack – Le 5 septembre 2016 – Source CounterPunch
Jamais un candidat à la présidence n’a été aussi attentionné et transparent aux attraits des fastes de la richesse, ce que le New York Times – sortant de son rôle – admet être une appétence pour les ultra-riches. Dans l’article de Chozick et Martin du 3 septembre, intitulé Où était Hillary Clinton ? Demandez aux ultra-riches, nous découvrons l’appel le plus déséquilibré à la richesse, par rapport à la normale des campagnes électorales de l’histoire américaine : manoirs après châteaux, banquets après festins, portes closes, égoïstes dorlotés sortant de leurs boiseries pour se prélasser dans l’amour de ceux qui gravitent autour d’eux, fascinés comme des papillons dans la lumière.
Hillary Clinton n’a pas honte. Oubliez les conférences de presse. Les conclusions effrontées du FBI sur sa duplicité et sa criminalité – bien que l’Agence rechigne à la charger – la destruction maladroite de preuves par inadvertance, le puits insondable des pratiques pourries, oubliez pour finir qu’il s’agit là de la chouchoute des libéraux et des soi-disant progressistes. Dans la balance de la décence et de la justice sociale, en quoi est-elle meilleure que Donald Trump ? Tous deux inclinent au fascisme, tous deux méprisent les travailleurs et les minorités, et tous deux ont le militarisme chauvin dans le sang. Comment peut-on parler du choix d’un moindre mal lorsque tous deux concourent au pinacle du Vice et de la Malveillance ?
Une pute ? Pour $125 000, obtenez un dîner et une rencontre avec le candidat – pour certains le double – et si avez moins de seize ans lors de la rencontre, $10 000 de plus vous autoriseront à poser une question. La politique à l’encan sur l’estrade aux enchères, sauf que l’esclave est le peuple américain. Dans cette atmosphère de serre étouffante, l’hôte assure que Clinton ne sera pas embarrassée. Pourquoi le serait-elle ? Ce sont tous des amis intimes du sérail, les yeux dans les yeux, un rassemblement de bien-pensants qui font ressembler un sommet de la Mafia à un goûter d’anniversaire pour les enfants.
Que peut-on faire ? Trump est loin d’être une alternative. Le milliardaire plébéien est capable de tout. Clinton, disqualifiée et parjurée – de son seul fait – est indigne de la charge. Elle et son mari : les Bonnie & Clyde du culte de Mammon arrivent même à faire croire que Trump semble avoir plus de caractère. Quant à la zone décisive de la politique étrangère, il y a peu de choix : la sophistication des think tanks libéraux, l’aventurisme génocidaire des organes de sécurité nationale d’une part, les couillus-autoritaires et zélotes simples d’esprit de l’autre. Des deux, le premier pourrait bien être le plus dangereux.
Un parti tiers pour alternative valable ? Pour beaucoup, oui, mais ici aussi nous ne voyons toujours pas de rupture nette avec la mentalité de la Guerre froide. Et Bernie Sanders remporte la médaille pour la déception exceptionnelle de voir son succédané de Révolution finalement phagocyté par le camp Clinton.
L’Amérique est un empire en déclin, s’accrochant désespérément à des brindilles. Tout faire pour se tenir au-dessus du panier, avec son orientation stratégique contre-révolutionnaire, son orientation politico-idéologique structurellement hiérarchisée afin de garder les pauvres au large, là où est leur place. À un certain moment, le malaise de la lassitude fasciste résoudra les problèmes pour nous, avec les nuages d’un hiver nucléaire. Il n’y a rien en cours qui manifesterait un esprit de liberté, sauf peut-être sur les questions culturelles qui, toutes choses égales par ailleurs, ne peuvent pas se traduire en un sentiment démocratique authentique.
Peut-être que je surestime le côté sombre et damné du scénario, auquel cas les lecteurs de CounterPunch pourraient trouver une incitation à promouvoir avec succès une radicalisation de l’Amérique. Penser «petit» ne le fera pas s’il s’agit de capturer une commune ou une seule ville. Le pouvoir a été centralisé à la baïonnette jusqu’à un point de perfection, permettant d’absorber facilement, voire d’écraser la dissidence sociale. Mais le moins que l’on peut demander à tout être humain est de ne pas soutenir l’un ou l’autre candidat d’un parti majeur. Le militarisme est dans l’air, son odeur est accablante. La ploutocratie idem. Les deux font la paire, et toute alternative doit les attaquer tout les deux, rétrécir et finalement détruire la métastase du cancer dans le corps politique américain.
Norman Pollack, Ph.D. Harvard, Guggenheim Fellow, a écrit sur le populisme américain en tant que militant d’un mouvement radical. Il s’intéresse à la théorie sociale et à l’analyse structurelle du capitalisme et du fascisme. Il peut être joint à pollackn@msu.edu.
Traduit et édité par jj, relu par Ludovic pour le Saker Francophone
Note du Saker Francophone
La situation électorale aux US est prémonitoire de ce qui pourrait nous attendre en France dans quelques mois : devoir choisir entre la peste et le choléra. La conclusion de Norman Pollack dans ce texte, ni l'un ni l'autre, gagne à être méditée.
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