Par Hans Vogel − Le 4 mars 2025 − Source Unz Review
Hans Vogel affirme que les élites européennes n’ont pas de conscience morale. Mais elles ne manquent pas d’appliquer des standards moraux à leurs opposants, afin de rester agrippés au pouvoir.
À la fin de la seconde guerre mondiale, des représailles sauvages furent menées contre ceux qui avaient travaillé avec ou pour les Allemands. Mais nombreux furent ceux à avoir collaboré et à ne pas avoir été inquiétés, et nombreux furent les innocents à se faire tuer pour collaborationnisme. Le moins que l’on puisse dire est que le règlement de comptes fut très abrupt et totalement arbitraire. Les victimes, affirma-t-on, étaient punies pour avoir collaboré avec les Allemands, pour trahison, et pour haute trahison.
En France, au moins 100 000 personnes furent ainsi assassinées, souvent de manière très bestiale, pour avoir réellement ou prétendument été des collabos, comme on appelait les collaborateurs en France. Les auteurs, se décrivant souvent comme des « combattants de la résistance », n’eurent jamais à répondre de leurs crimes et restèrent impunis. L’éclatement après-guerre d’une revanche violente en France est sans équivalent dans l’histoire moderne de l’Europe. En Europe occidentale, la Belgique se positionne en deuxième place, avec des milliers de personnes tuées aussi bien par des « combattants de la résistance » que par des dirigeants désignés en hâte. Ce furent pas moins de 700 000 fichiers (pour une population adulte d’un peu plus de quatre millions de personnes) qui furent établis pour collaboration avec les Allemands. Des dizaines de milliers de personnes furent condamnées, un grand nombre furent envoyées au cachot ou astreintes à des travaux forcés dans les mines de charbon. Toutes se virent retirer leurs droits civiques. Aux Pays-Bas, plus de 100 000 personnes furent envoyées en camps de concentration à la place de Juifs, de combattants de la résistance et de dissidents.
Pierre Laval, après avoir dirigé le gouvernement français entre 1940 et 1944, connu sous le nom de « gouvernement de Vichy », fut traîné devant un tribunal fantoche, condamné pour haute trahison, et passé par les armes devant un peloton d’exécution. Anton Mussert, dirigeant du mouvement national-socialiste hollandais (NSB), fut également condamné à mort pour haute trahison par un tribunal fantoche, et exécuté. Les deux hommes font partie du petit nombre de dirigeants politiques européens qui furent tués pour les actions d’innombrables autres dirigeants politiques restés impunis. Autres personnalités notables en la matière : en Norvège, Vidkun Quisling, en Slovaquie, Jozef Tiso. Le « collaborateur » le plus recherché de Belgique, Léon Degrelle, qui monta jusqu’au grade de général au sein de la Waffen-SS, parvint à s’enfuir en Espagne de justesse.
Ni la collaboration, ni la trahison ne sont des concepts clairement définis juridiquement. Qui plus est, si l’on avait appliqué de manière cohérente les définitions observées par les autorités, les tribunaux et leurs larbins, nombreux sont ceux qui auraient dû être exécutés, jetés en prison, ou condamnés aux travaux forcés, au point que l’Europe « libérée » serait devenu un taudis dépeuplé. Quoi qu’il en fût, sur ce point (tout comme sur la plupart des autres sujets) le narratif collectif occidental, ainsi que les divers narratifs historiques nationaux ont dûment construit et maintenu une version de l’histoire qui ne laisse aucune place à la moindre nuance.
L’histoire officielle (celle qu’enseigne le système éducatif et que présentent les médias) ne fait aucune mention du fait que certains des « collaborateurs » les plus enthousiastes restèrent préservés de toute poursuite après 1945. Pour quelle raison ? En général, ils étaient très riches, puissants, et disposaient de solides relations, comme Frits Fentener van Vlissingen, l’homme d’affaires hollandais le plus puissant de tous, qui siégeait au conseil d’administration de toutes les grandes sociétés des Pays-Bas. Il fut nommé président de la commission d’État établie pour purger le milieu des affaires hollandais des collaborateurs nazis (!)
Durant les années de guerre au cours desquelles les Allemands occupèrent une grande parti de l’Europe, quels sont exactement les critères définissant ce qui releva de la collaboration, de la trahison, ou encore de la haute trahison ?
On considérait la collaboration comme le fait de travailler pour les Allemands, de faire affaire avec eux, ou même d’avoir une liaison avec un soldat allemand. Mais après que la France, les Pays-Bas et la Belgique baissèrent les armes face à l’Allemagne au printemps 1940, selon le droit international (les règles reconnues du droit de la guerre), les Allemands y étaient pourtant considérés comme la puissance légitime, certes avec des variantes locales. Il s’ensuit qu’il n’y avait strictement rien d’illégal ou de moralement répréhensible à travailler avec eux ou pour eux, ou à conclure des affaires avec eux. Peu après la reddition de leur gouvernement, et après que gouvernements et dirigeants politiques en nombre se furent enfuis en Angleterre, les Européens subissant l’occupation allemande comprirent que pour continuer à vivre, il leur fallait bien travailler, et que bien souvent, ils ne pouvaient travailler que pour ou avec les Allemands. Des millions de personnes issues de ces pays occupés allèrent travailler en Allemagne, où les salaires et les conditions de travail étaient meilleurs. En tous cas, jusqu’à ce que les Anglais et les Étasuniens se mirent à bombarder les villes allemandes.
Des centaines de milliers d’Européens rejoignirent la Wehrmacht et la SS. En Europe de l’Ouest, on compta ainsi 25 000 Hollandais, 20 000 Français et presque 20 000 Belges parmi les volontaires de la SS. Et bien rares sont encore les gens à comprendre que le simple fait de rallier les forces armées allemandes ne constituait pas une instance clairement définie de « collaboration », puisque bien souvent, les hommes qui le firent étaient animés d’un désir sincère de combattre le communisme. Nombreux étaient les Européens à exécrer le communisme soviétique, qui étaient prêts à risquer leur vie pour empêcher que l’Europe de l’Ouest tombe sous le joug communiste, une chose qui apparut à certaines périodes comme tout à fait possible.
Depuis qu’ont eu lieu les purges et la vague de revanche après la guerre, un élément central du narratif officiel a été qu’une fois les Allemands partis, tous ceux qui avaient collaboré avec eux devaient être punis, et que cette action était nécessaire à mener la reconstruction sociale et économique. Quiconque prend la peine de vérifier les faits conclut qu’il s’agit là d’un conte de fées. De nos jours, les concepts de collaboration, de trahison et de haute trahison ne sont mentionnés qu’en lien avec l’occupation allemande durant la seconde guerre mondiale. On n’en a jamais fait mention pour d’autres événements historiques comparables, comme la Révolution française ou l’Europe napoléonienne [Ni même pour la première guerre mondiale, au cours de laquelle l’occupation allemande fut beaucoup plus rude pour les populations locales que pour la seconde guerre mondiale, NdT]. Entre 1793 et 1815, les Français occupèrent une grande partie de l’Europe, et jouirent d’une vaste « collaboration » de la part de toutes les couches sociales des nations occupées. Mais une fois que Napoléon quitta la scène, nul en Europe ne fut accusé de collaboration, de trahison ou de haute trahison, et nul ne fut puni pour ces crimes. Il en va de même pour les autres guerres en Europe au cours desquelles un ennemi victorieux occupa une nation défaite, hormis la seconde guerre mondiale.
La haute trahison constitue bien sûr un cas à part, ne serait-ce que parce que du simple fait de sa définition, un très petit nombre de personnes sont en mesure de commettre ce crime. Il faut disposer d’un accès à des informations gouvernementales secrètes, ou se trouver physiquement proche des plus hauts niveaux de l’administration ou du gouvernement. Après tout, selon le droit romain, d’où provient le concept de perduellio (haute trahison), il s’agit d’une tentative de supplanter ou de tuer les dirigeants de l’État, et de faire ainsi tomber le gouvernement national ou la tête de l’État. En temps de guerre, la trahison constitue l’action d’agir de manière dommageable à son pays au bénéfice d’intérêts ennemis. En temps de paix, la trahison constitue à agir de manière dommageable à son pays au bénéfice d’intérêts étrangers.
Si l’on appliquait la théorie et la pratique du traitement réalisé en Europe aux collaborateurs, aux traîtres et aux coupables de haute trahison aux circonstances actuelles, quel en serait le résultat ? Existe-t-il des suspects de haute trahison, de trahison ou de collaboration ?
Ma foi, oui ! En premier lieu, quiconque occupe un poste de dirigeant de son pays devrait défendre les intérêts de sa propre nation et de ses compatriotes, c’est-à-dire du peuple qu’il représente. Mark Rutte, de l’OTAN, par exemple, lorsqu’il était premier ministre des Pays-Bas entre 2010 et 2024. Rutte était également étroitement associé au Forum Économique Mondial, en tant que Young Global Leader [Le traducteur laisse au lecteur l’exercice de déterminer qui parmi les dirigeants français est un Young Global Leader. Astuce : cela va plus vite de lister ceux qui n’en sont pas.]
Alors, quels intérêts Rutte représentait-il durant cette période ? Quels sont les intérêts que représente Annalena Baerbock, ministre allemande des affaires étrangères, une autre Global Young Leader ? Et qu’en est-il d’Alexander Stubb, premier ministre de la Finlande et également Global Young Leader ? Et pour les autres Global Young Leaders comme Emmanuel Macron, David Cameron (au Royaume-Uni), Matteo Renzi (en Italie) ou Leo Varadkar (en Irlande) ? [Autre petit jeu pour le lecteur : prenez n’importe quel discours d’Emmanuel Macron et déterminez qui désigne le mot « nous », NdT] Le site officiel de Forum Économique Mondial affiche fièrement : « Alignés avec la mission du Forum Économique Mondial, nous visons à mener une coopération public-privé dans l’intérêt public global. Nous sommes unis par l’idée que les problèmes pressants d’aujourd’hui présentent une opportunité de construire un meilleur avenir au-delà des secteurs et des frontières. »
Par conséquent, l’intérêt public global a priorité sur les intérêts nationaux, et c’est même explicité comme politique officielle pour qui est devenu un Young Global Leader. Si cela n’est pas constitutif du crime de trahison, ou même de haute trahison, on peut se demander ce qui le serait. Si l’on appliquait les critères des purges de l’après-guerre, on appellerait cela de la trahison, sans aucun doute, et les auteurs mériteraient d’être jugés et condamnés. Peut-être même au peloton d’exécution, mais cette décision en reviendrait aux juges.
Outre les susnommés et quelques centaines de coupables de haute trahison dans toute l’Europe de l’Ouest, qui servent les intérêts du Forum Économique Mondial, de l’OMS, et d’autres ONGs, au détriment de nombre de leurs compatriotes, par exemple en se rendant aux réunions du Forum Économique Mondial, on compte d’innombrables collaborateurs, ici encore si l’on s’en tient aux critères établis et appliqués dans la période de l’immédiat après-guerre. Ces collaborateurs, si l’on s’en tient aux critères établis il y a quatre-vingts ans, comprennent les gens qui travaillent aux échelons moins élevés de dizaines d’ONGs, souvent dans des projets dirigés et coordonnées par l’USAID, qui est en cours de démantèlement du fait de sa nature d’organisation criminelle.
On y trouve également les dizaines de milliers de membres des forces armées de l’OTAN (tous des volontaires de nos jours!) qui ont pris part à des campagnes illégales dirigées par les États-Unis contre la Yougoslavie, la Serbie, l’Irak, la Syrie, la Libye ou l’Afghanistan. Quelle est la différence fondamentale entre ce qu’ils ont fait et les volontaires incorporés dans la SS durant la guerre ? Ils peuvent se considérer comme chanceux de n’avoir jamais eu à répondre de leurs actions, et d’être encore en vie, loin de s’être fait exécuter dans une vague de colère publique vindicative.
À présent que Donald Trump a commencé à se battre contre le monstre hideux du Mondialisme, il existe de bonnes probabilités que les Européens le rallient. En tous cas, il est temps que les criminels qui occupent la tête des divers régimes de l’UE et leurs sbires (comme les pressetitués travaillant pour les médias de grand chemin) aient à répondre des crimes terribles qu’ils ont commis, dont le moindre n’a pas été de contraindre leurs compatriotes à se faire piquer contre le Covid.
Si l’on compare l’orgie de violence vengeresse contre les « collaborateurs » et les traîtres à la fin de la seconde guerre mondiale avec la négligence avec laquelle un si grand nombre de nos contemporains collaborent, aident et encouragent les crimes de guerre et commettent toutes sortes de crimes, on constate encore une contradiction énorme à toutes celles qui nous entourent déjà.
Comme tant d’autres, cette contradiction découle également d’une combinaison d’exagérations sottes et d’aveuglement volontaire. Le règlement de comptes de l’après-guerre fut terriblement indigne. Qui plus est, la facilité avec laquelle un si grand nombre de personnes commettent de nos jours des crimes pour lesquels elles mériteraient vraiment d’être punies est conditionnée par une distorsion systématique de l’histoire : tous les Allemands étaient mauvais, alors que tous les Alliés et « combattants de la Résistance » étaient des gentils.
À présent que les Allemands, surtout ceux de la République Fédérale originelle, ont digéré et accepté leur culpabilité et leur responsabilité éternelles pour tous les crimes commis durant la seconde guerre mondiale, les descendants des Alliés occidentaux semblent penser qu’ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent, et s’en tirer sans jamais avoir à rendre de comptes. Ils descendent tous des mêmes personnes qui permirent le déchaînement des horreurs de la guerre de 1939.
De nos jours, le même Parti de la Guerre réclame une guerre contre la Russie. De fait, le monde entier assiste actuellement en direct à la pire des trahisons de leur part : ils poussent à une guerre que la plupart de leurs compatriotes ne veulent absolument pas mener.
Il y a des gens qui n’apprendront jamais rien.
Hans Vogel
Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone