Par Sayed Hasan – Le 23 février 2019 – Source sayed7asan
Entretien du Secrétaire Général du Hezbollah, Sayed Hassan Nasrallah, le 26 janvier 2019, avec Ghassan Ben Jeddou, fondateur de la chaîne panarabe et anti-impérialiste Al-Mayadeen.
Cette interview en direct, très attendue en Israël et dans le monde arabe, a duré plus de 3 heures.
Voir l’introduction, le premier, le deuxième et le troisième extraits de cette interview.
https://vimeo.com/319170935
Transcription :
[…] Ghassan Ben Jeddou : Israël considère, et ne cesse de répéter qu’aujourd’hui, la ligne rouge est que vous fabriquiez, à l’intérieur du Liban ou à la frontière, des missiles de (haute) précision. Je me souviens, Eminent Sayed, qu’en 2006 ou 2007, après la guerre de 2006, vous nous avez ébahis, et vous avez choqué l’ennemi israélien en révélant que vous possédiez des missiles capables de frapper les points les plus au sud de la Palestine occupée, jusqu’à Beer-Sheva. À présent, c’est comme si (Israël) découvrait quelque chose de nouveau, à savoir les missiles de précision. Pouvez-vous nous expliquer ce point ?
Hassan Nasrallah : Vous voyez, à une certaine époque, (les Israéliens) avaient un problème à ce que nous possédions des missiles ayant une portée supérieure à 20 kilomètres. En général, les mouvements de Résistance n’avaient que des (lance-roquettes multiples) Katioucha, qui ont une portée de 19, 20 ou 21 kilomètres en fonction de… Par la suite, la Résistance a acquis des missiles d’une portée de 40 kilomètres, et pouvant atteindre Haïfa. Ils ont essayé d’y mettre fin, mais ils n’y sont pas parvenus. La Résistance a ensuite acquis des missiles pouvant aller au-delà de Haïfa.
Ensuite, durant la guerre de juillet (2006), j’ai déclaré que nous étions capables de frapper « au-delà, bien au-delà de Haïfa », c’est-à-dire jusqu’à Tel-Aviv. C’est ce que nous entendions en premier lieu lorsque j’ai dit « au-delà, bien au-delà de Haïfa ». Durant la guerre de juillet (2006), nous avons frappé Haïfa et nous avons frappé le centre (d’Israël). Il ne restait que Tel-Aviv (qui a été épargnée). Aujourd’hui, Israël…
Ghassan Ben Jeddou : Excusez-moi, c’est donc ce que vous vouliez dire (durant votre premier discours de la guerre de 2006) ? C’est la première fois que vous expliquez ce point. (Le 14 juillet) 2006, lorsque vous avez dit « au-delà, bien au-delà de Haïfa », vous vouliez dire Tel-Aviv ?
Hassan Nasrallah : Bien sûr. C’est la principale ville au-delà de Haïfa. Et c’est pourquoi, durant la guerre, lorsque Israël a commencé à menacer de frapper Beyrouth, nous avons menacé de frapper Tel-Aviv (en représailles). Et je ne peux pas menacer d’une chose dont les Résistants ne sont pas capables.
Avec le temps, et face à (l’échec de) toutes les tentatives israéliennes (de nous priver de nos missiles), (l’ennemi) a désespéré d’empêcher le Hezbollah de posséder des missiles de longue portée – je veux dire à l’échelle du Liban et de la Palestine (occupée) – (des missiles) puissants et destructeurs. C’est un problème insoluble (pour eux) et sans issue, n’est-ce-pas ?
Maintenant, Israël prétend que le nombre (de missiles de précision en notre possession) est réduit, des centaines ou des milliers tout au plus, mais ce n’est plus qu’un point de détail. Vous avez bien vu (la panique) déclenchée par une seule roquette tombée sur Ashkelon (tirée par la Résistance à Gaza). Imaginez-vous donc qu’à un certain moment, une pluie de ces missiles puissants et sophistiqués (entre nos mains) tombe sur Tel-Aviv. Quelles seraient les conséquences (matérielles et psychologiques) ? J’invite les habitants de Tel-Aviv à répondre à la question.
Certains de leurs généraux disent quelque chose avec raison, et ils sont honnêtes avec leur société, lorsqu’ils disent que la prochaine guerre, si elle advient, n’aura rien à voir avec les guerres précédentes, à savoir que les combats auraient lieu à la frontière, pendant que le reste de la population israélienne siroterait du thé à Tel-Aviv. Jamais de la vie ! C’est terminé ! Dans toute prochaine guerre, l’ensemble de la Palestine occupée sera un terrain de combats et de guerre.
Lorsque nous avons obtenu ces missiles normaux, c’est-à-dire de longue portée mais non de précision – et des missiles non précis sont tout à fait capables de frapper Tel-Aviv, des villes ou de grandes bases militaires, il ne faut pas croire qu’ils en sont incapables, ils ont seulement une incapacité à frapper des points précis, comme par exemple le Ministère de la Défense, l’aéroport, le bâtiment de commandement de telle base aérienne, etc. Ces missiles sont dits imprécis car ils ont une vaste marge d’erreur. Les missiles de précision n’ont pas une grande marge d’erreur. Leur marge d’erreur est de 5 à 10 mètres. Et dans les circonstances les moins favorables, pour des cibles très éloignées, on arrive à 15 mètres, disons même 50 mètres (au grand maximum). 50 mètres ne représentent pas grand-chose lorsqu’on parle d’une base aérienne, de constructions étendues (sur des centaines de mètres), etc.
Dans les faits, Israël a abandonné la question des missiles imprécis (en reconnaissant son impuissance à en priver la Résistance). Aujourd’hui, dans toutes ses déclarations, (Netanyahou) parle des missiles de précision. Me permettez-vous de faire une plaisanterie destinée aux Israéliens ?
Ghassan Ben Jeddou : Je vous en prie.
Hassan Nasrallah : Je déclare au peuple israélien : vous avez tout intérêt à dire à Netanyahou de laisser le Hezbollah obtenir des missiles de précision, c’est préférable pour vous. Car si vient le jour où nous devons frapper Tel-Aviv, si j’ai des missiles de précision, je frapperai des bâtiments militaires. Mais si je n’ai pas de missiles de précision, je vais viser les installations militaires, mais je vais faire une erreur de 500 à 1000 mètres. Où vont donc tomber (nos missiles) ? Sur les habitants. L’intérêt des habitants, en tant qu’habitants (tous les Israéliens sont réservistes)…
Ghassan Ben Jeddou : Est-ce une plaisanterie ou une menace, Éminent Sayed ?
Hassan Nasrallah : L’intérêt des habitants en tant qu’habitants est que nous possédions des missiles de précision.
Ghassan Ben Jeddou : C’est une plaisanterie ou une menace ?
Hassan Nasrallah : Prenez-le comme vous voulez.
Ghassan Ben Jeddou: C’est une menace sous l’aspect d’une plaisanterie.
Hassan Nasrallah : Une plaisanterie, une menace, tout ce que vous voulez.
Quoi qu’il en soit, l’équation israélienne évoque maintenant les missiles de précision. Ils peuvent déclarer autant qu’ils veulent qu’ils frappent la Syrie – et on va en venir à leur échec en Syrie – pour empêcher que des missiles de précision parviennent au Liban, ou pour empêcher le Hezbollah de posséder des missiles de précision.
Le 10e jour du mois de Muharram, il y a quelques mois, j’ai déclaré que cette question n’était plus d’actualité. C’est terminé, fin de l’histoire. Les frappes en Syrie ne réalisent aucun objectif. Ils prétendent empêcher quelque chose qui s’est déjà produit et qui est déjà terminé. Ce dossier est clos. Maintenant, Israël prétend…
Ghassan Ben Jeddou : Vous voulez dire que c’est terminé car vous possédez déjà des missiles de précision ?
Hassan Nasrallah : Bien sûr. Nous possédons des missiles de précision, en nombre (largement) suffisant, et il est vain de frapper la Syrie pour réaliser cet objectif, nous avons tout ce qu’il faut et il est déjà trop tard.
Ghassan Ben Jeddou : Vous avez le nombre suffisant (de missiles de précision) pour (faire) quoi ?
Hassan Nasrallah : Nous en avons suffisamment pour combattre durant toute guerre à venir. Maintenant, Israël prétend que ce nombre est…
Ghassan Ben Jeddou : Excusez-moi, mais ce nombre est suffisant pour frapper quoi ?
Hassan Nasrallah : Pour frapper toute cible que nous voulons atteindre dans le cadre de nos plans de guerre. Israël essaye d’amoindrir la chose en disant que ce nombre est réduit, grand bien lui en fasse. Si cela peut diminuer la pression et la gêne qui pèsent sur eux, tant mieux, cela allège les tensions dans la région, etc. Je ne veux pas débattre (avec Netanyahou) sur le nombre (de missiles de précision en notre possession). Mais j’affirme que ce sujet est clos, et que nous avons obtenu tout ce qu’il nous faut.
Bien sûr, (Netanyahou) s’est également efforcé de faire tout un battage médiatique (autour de cette question). Par exemple, dans son discours à l’ONU, il a montré une carte (de Beyrouth) en prétendant qu’à tel endroit, il y avait une usine de fabrication de missiles, que (sous) le stade de football Al-Ahed, il y aurait un entrepôt (de missiles), etc. Ce jour-là (27 septembre 2018), conformément à notre politique de silence (visant à maintenir le doute et à ne pas faire le jeu des Israéliens), nous n’avons ni confirmé ni infirmé (ces accusations).
Le Ministre des affaires étrangères libanais, Gibran Bassil, a pris une initiative très importante pour laquelle nous le remercions, car toutes les ambassades (occidentales) faisaient pression sur ce ministère, afin de s’assurer, à la demande de leurs propres Ministères des affaires étrangères, que les lieux indiqués par Netanyahou (port, aéroport, stade… étaient dépourvus d’installations militaires du Hezbollah). Le Ministre des affaires étrangères (libanais) a convié ces ambassades, et il a inspecté ces lieux avec elles. Et il y a des hangars à Ouzaï (banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah) qui ont été ouverts à la demande de journalistes (libanais) qui collaborent avec les médias (ennemis). Ils ont été ouverts, (inspectés) et ils n’ont rien trouvé.
Netanyahou a affirmé qu’il y avait (des missiles à ces endroits précis), et (il a ensuite prétendu) que nous les avions déplacés en 24 heures (juste avant l’inspection), il devrait y avoir des vidéos, des photos, des images satellites (pour démontrer cette allégation), car les drones de surveillance (israéliens) sont en permanence dans les cieux libanais. Il aurait pu établir que nous avons déplacé (ces missiles ou installations). (Il n’en a rien fait) car ses informations étaient mensongères. Ses informations quant à (la présence de) nos missiles étaient fausses et mensongères. Il a essayé (de dissimuler ce fiasco) de la même manière que pour la question des tunnels (en se vantant d’un accomplissement illusoire).
En ce qui nous concerne, nous possédons des missiles de précision, nous possédons tous les missiles de précision dont nous avons besoin (en qualité et quantité), et ce que nous possédons, nous n’avons plus besoin de le transporter ou déplacer (ni depuis la Syrie, ni à l’intérieur du Liban). Nous avons tout ce qu’il nous faut (en termes de missiles de précision) pour toute bataille ou guerre qui serait imposée au Liban. Nous ne souffrons absolument d’aucun besoin ou manque à cet égard.
Si Netanyahou considère que ce nombre (de missiles précis en notre possession) est réduit, qu’il se rassure à cette idée (illusoire), ça ne me pose aucun problème. Je ne tiens pas à dire à Netanyahou que nous en avons beaucoup pour lui mettre la pression, non, je veille à lui administrer les calmants dont ses nerfs ont besoin.
Ghassan Ben Jeddou : Pour diminuer la pression qui pèse sur lui. […]
Extraits suivants sur Israël et la situation en Syrie à venir.
Traduction : sayed7asan.blogspot.fr