Par Moon of Alabama – Le 26 avril 2021
Une fuite plutôt étrange en provenance d’Iran est apparue hier. Mais ce qui est encore plus étrange, c’est le reportage qui en est fait. Extrait du New York Times :
Bien entendu, Javad Zarif n’a pas dit ce que prétend le titre :
Dans un enregistrement audio qui a fait l'objet d'une fuite et qui offre un aperçu des luttes de pouvoir qui se déroulent dans les coulisses du pouvoir iranien, le ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif déclare que le Corps des gardiens de la révolution dirige les opérations, ne suit pas de nombreuses décisions du gouvernement et ignore les conseils. Dans un moment extraordinaire de l'enregistrement qui a fait surface dimanche, M. Zarif s'est écarté de la ligne officielle révérencieuse sur le général de division Qassim Suleimani, le commandant de la force d'élite des gardiens, la branche étrangère de l'appareil de sécurité iranien, qui a été tué par les États-Unis en janvier 2020. Le général, selon M. Zarif, l'a sapé à de nombreuses étapes, en collaborant avec la Russie pour saboter l'accord nucléaire entre l'Iran et les puissances mondiales et en adoptant une politique envers la guerre en Syrie qui ont nui aux intérêts de l'Iran.
Si les Gardiens de la révolution sont vraiment les maîtres du jeu et s’opposent à l’accord nucléaire, pourquoi celui-ci a-t-il été signé et scellé ?
Si Soleimani et/ou la Russie voulaient vraiment « saboter l’accord nucléaire », pourquoi celui-ci a-t-il vu le jour ?
La Russie n’aurait d’ailleurs pas eu besoin de « saboter » l’accord. Elle aurait simplement pu y opposer son veto pendant les négociations ou plus tard au Conseil de sécurité de l’ONU.
"En République islamique, le domaine militaire fait la loi", a déclaré M. Zarif lors d'une conversation enregistrée de trois heures qui faisait partie d'un projet d'histoire orale documentant le travail de l'administration actuelle. "J'ai sacrifié la diplomatie pour le domaine militaire plutôt que le domaine militaire se mette au service de la diplomatie".
Eh bien – si votre allié, la Syrie, est attaqué par des terroristes d’Al-Qaïda soutenus par les États-Unis et que votre pays voisin, l’Irak, est envahi par l’État islamique, il y a peu de choses que la diplomatie puisse accomplir. Ce sont des questions et des moments où l’armée est nécessaire avant que la diplomatie puisse prendre le relais.
Vient ensuite un paragraphe typique du mensonge manipulateur qui distingue le scribouillage du NYT d’un véritable reportage :
Cet enregistrement a été divulgué à un moment critique pour l'Iran, alors que le pays discute du cadre d'un éventuel retour à un accord nucléaire avec les États-Unis et d'autres puissances occidentales. Les pourparlers se déroulent à Vienne par le biais d'intermédiaires.
Ce n’est pas l’Iran qui discute d’un « éventuel retour à un accord nucléaire ». L’Iran n’a jamais quitté l’accord. Ce sont les États-Unis qui veulent revenir sur un accord qu’ils ont quitté, mais pas l’Iran. L’Iran ne discute pas avec « les États-Unis et d’autres puissances occidentales » mais, par le biais d’intermédiaires, avec les États-Unis uniquement. En effet, les autres puissances impliquées dans l’accord a. ne sont pas uniquement « occidentales », mais incluent la Chine et la Russie et b. n’ont jamais quitté l’accord.
En ce qui concerne l’authenticité de la « fuite » et la signification réelle des quelques citations sélectionnées de l’entretien de Zarif, il faut considérer la source :
L'enregistrement, d'une conversation en mars entre M. Zarif et un économiste nommé Saeed Leylaz, un allié, n'était pas destiné à être publié, comme on peut entendre le ministre des affaires étrangères le dire à plusieurs reprises sur l'audio. Une copie a été divulguée à la chaîne d'information perse Iran International, basée à Londres, qui a été la première à faire état de l'enregistrement et à le partager avec le New York Times.
Iran International n’est pas une « chaîne d’information perse basée à Londres ». Il s’agit d’une chaîne d’information du gouvernement saoudien qui possède un studio à Londres et qui diffuse en farsi :
Le média est financé par le prince héritier saoudien Mohammad Bin Salman via un magnat de la famille royale propriétaire et entretient des liens étroits avec tous les groupes et alliés soutenus par l'Arabie saoudite, notamment le fils du régime Pahlavi détrôné, Reza Pahlavi et les monarchistes pro-Pahlavi qui entretiennent depuis longtemps des relations intimes avec Riyad, ainsi que les terroristes de la Mojahedin-e Khalq Organization (MKO, également connue sous le nom de MEK, PMOI et NCRI).
Compte tenu de la source de la « fuite » et des quelques citations de Zarif, prises hors contexte, que le NYT fournit, aucune conclusion ne devrait en être tirée.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone